4. Analyse comparée du mot

4-1. 무당 /mudang/

En coréen, il existe plus de cinquante noms pour désigner le chaman, à en juger par le rapport officiel issu d’une enquête sur les religions populaires coréennes qui a été faite dans les années 20. 1 La variété dénominative est due à des spécificités régionales, d’un côté et à la spécialisation des fonctions du chaman, d’autre côté. Il n’en reste pas moins que dans la majorité des cas les Coréens l’appellent sous deux dénominations en fonction du sexe : mudang pour les femmes et baksu pour les hommes. Cela dit, c’est la dénomination féminine qui est un lexème générique renvoyant à l’ensemble d’individus prédiqués par les attributs d’officiant chamanique.

Le phénomène de féminisation du Chamanisme que l’on peut constater ainsi sur le plan référentiel du mot coréen de chaman s’explique tout simplement par le fait que plus de 70% des chamans sont femmes. Le Chamanisme tel qu’il est pratiqué en Corée est une croyance essentiellement féminisée. Et ce qui plus est le chaman masculin se déguise en habits de femme dans sa fonction de prêtre. Aussi les femmes jouent-elles les principaux rôles nécessaires à la mise en scène du rituel chamanique : l'instigateur d’une séance chamanique (manipulateur du faire rituel), les acteurs de sa dramaturgie (actant collectif-sujet du programme d’action principal) et les spectateurs (présence de l’autre en qualité d’évaluateur du rituel en train de se donner à voir). La plupart de positions actantielles qui se distribuent sur la mise en scène du rituel chamanique sont occupées par les femmes, à l’exception de celle réservée à une classe d’hommes très particulière qui s’appelle jebi. Ce sont des musiciens qui, en termes sémio-narratifs, jouent le rôle d’actant-Adjuvant. C’est à titre d’auxiliaire que les hommes participent indirectement à l’univers féminisé, à moins qu’ils ne soient chamans eux-mêmes.

Après avoir fait remarquer la féminisation du Chamanisme sud-coréen, on en revient au lexème générique mudang. La fonction référentielle du mot chaman est à remplir par le biais de son plan de contenu. En disant cela, on postule que la valeur référentielle du signe linguistique est dépendante de la construction de son sens par la fonction sémiotique qui met en équivalence formelle ses deux plans de contenu et d’expression. C’est pour cela que la question du sens est première à celle de la référence. Le noyau sémique du mot se réalise globalement en deux sémèmes. La signification littérale en est /temple de prière/. Par extension métonymique, on a affaire à un autre sens dérivé rendant compte de la personne qui occupe le lieu de prière.

En gardant en tête deux sémèmes du mot chaman en coréen, passons maintenant à son équivalent chinois.

Notes
1.

voir 한국 무교의 이해, 박일영, 분도출판사, 1999, p. 31-32.