2-3. Second segment

Une fois aboutie l’analyse du premier segment du procès rituel conçu comme ensemble signifiant, passons-en au deuxième qui recouvre son aspect duratif. Lors de l’analyse de son plan d’expression, il en a été dit qu’il relevait d’organisation prototypique. Rappelons-le-nous. Au centre, il y a trois entités divines les plus importantes que nous avons désignées sous le nom de tri-fonctionnalité. Et en horizon on trouve distribués deux types d’esprits qui, en tant qu’éléments structuraux, composent le « signe disloqué ». Eu égard de la sémantique du continu qui régit le second espace segmental du rituel chamanique, on a proposé l’axe sémantique d’ordre isotope Dedans vs Dehors dont la gradience sert de coupures isotopantes à son organisation prototypique, ce qui entraîne l’effet de seuils. La trinité divine qui en occupe le centre est le prototype du paradigme d’accueil. Elle se trouve donc déterminée isotopiquement par /Dedans/ (« Maison »). Quant à la périphérie, elle est occupée par les éléments du signe disloqué. Ils sont contraints au niveau isotope /Dehors/. En franchissant le seuil inférieur au moyen de l’échelle de gradience, l’observateur sera en présence de l’autre isotope qui régit le signe disloqué sur son plan de contenu. Lors du passage au point critique de perception, le mode scalaire de l’organisation de la seconde unité de l’ensemble signifiant se transformera en mode de discrétisation. Chacun des seuils qui étaient perçus sur l’échelle graduelle /Dehors/ vs /Dedans/ devient la frontière d’une catégorie qui se délimite d’autres sur le mode discontinu à l’intérieur du paradigme qui les accueille. Il y a donc deux catégories de figures du monde, /Intérieur/ et /Extérieur/, qu’on constate dans le second segment du procès rituel. Entre les deux, s’intercale la troisième catégorie liminaire. Quand il est envisagé en soi, le domaine conceptuel que recouvre le signe disloqué s’organise sur le mode prototypique qui se joue sur les quatre séquences rituelles : /byulsunggut/, /hogugut/, d’un côté et /sanmanura/, /gunungut/, d’autre côté. La périphérie de l’ensemble paradigmatique se dévoile le centre de la catégorie /Extérieur/. Ce qui nous amène à dire que l’on a affaire à deux occurrences de la catégorisation prototypique et qu’elles se bouclent l’une à l'autre à travers une classe de propriétés qui n’appartiennent en propre ni à l’une, ni à l’autre. Cette classe liminaire est composée de deux séquences chamanique /hogu/ et /bualsung/. En faisant appel à une représentation ensembliste, on visualisera ce bouclage catégoriel comme ceci :

Le diagramme ci-dessus est là pour rendre compte de l’organisation interne de la seconde unité segmentale du rituel chamanique et reflète la connexion dynamique qui la lie à ce qu’elle montre sur le plan référentiel : le rapport qui existe entre les trois composantes du segment structural représente dyadiquement la relation des parties au tout à quoi il renvoie. En regardant de près le diagramme, on s’apercevra qu’il pourra être traduit par la notion de ressemblance de famille (ou catégorisation à chaînes, dira-t-on). Les deux parties de la chose signifiée n’ont a priori aucun trait commun mais se mettent bout à bout par la classe qui en possède les traits communs. Cela permet d’organiser à l’intérieur d’un espace de référence plus global les catégories qui sont elles-mêmes « structurées ». Leur appartenance à cet ensemble se fait, non pas en termes de traits nécessaires et suffisants, mais de façon floue.

Nous venons de mettre à jour l’organisation interne du second segment du procès chamanique à partir des séquences rituelles qui le composent à sa phase aspectuelle /durativité/. Voyons maintenant ce qui s’articule sur son corrélat de contenu. Compte tenu des catégories de figures du monde observées, nous le diviserons en trois sub-séquences discursives.