2-1. Typologie de séances chamaniques

Le premier critère des genres de textes chamaniques lié à des pratiques socio-culturelles de l’entour de la communauté chamanique, c’est de divers objectifs que l’on s’y fixe. Cela ne concerne pas tant l’organisation sémantico-syntaxique du procès de séances chamaniques. Il s’agit plutôt de rapports pragmatiques dans le sens que Morris donne au terme. Vu sous l’angle pragmatique, les pratiques chamaniques se regroupent en référence à des rapports entre le sujet énonçant (entendu comme impliquant les deux pôles de l’axe de la communication), d’un côté et le produit de son acte d’énonciation, à savoir les pratiques chamaniques elles-mêmes, de l’autre côté. Selon Peirce, la sémiosis est à infini puisqu’elle est susceptible en principe de générer des interprétants dynamiques dans la dynamique de signes où elle se réalise. Le processus de relais d’interprétants est pourtant acheminé, contrecarré quelque part par les habitudes perceptivo-interprétatives que les sujets ont accumulées en entrant en rapports avec leur sphère d’activités pratiques. Les interprétants logiques et finals qui en rendent compte renvoient donc à la dimension socio-culturelle de la sémiosis. Ils ne sont pas des éléments sémiotiques à proprement dit. Du point de vue de la sémiotique des cultures, l’espace de référence d’un système de signes en est cependant à la fois la condition et le conditionné, dans la mesure où les facteurs contextuels qui le constituent sont sélectionnés et mis en pertinence par le processus de sémiosis lui-même. On pourra appeler alors « visée discursive » l’horizon d’attentes qui ne manque pas d’être configuré lors d’une performance chamanique. Elle sert à montrer la manière dont le sujet collectif qui s’y engage se positionne intentionnellement par rapport à l’univers spirituel visé.

Selon les rapports de visée qui s’instaurent ainsi entre le sujet de praxis énonciative et ses performances sémiotiques d’ordre rituel, la sphère d’activités du Chamanisme qui est en vigueur en Corée se divise en trois ensembles 1  qui sont autant de modalités de construction des connaissances propres à lui. Chaque ensemble se regroupe à son tour en trois sous-ensembles selon des critères variables :

  1. 1. singutt (séances privées pour le chaman lui-même),
  • nerimgutt (1-1),
  • jinjukgutt (1-2),
  • mulimgutt (1-3).
  1. 2. gipgutt (séances pour les membres de famille),
  • jesugutt (2-1),
  • byunggutt (2-2),
  • jinoguygutt (2-3).
  1. 3. maelgutt (séances pour la population villageoise),
  • dedonggutt (3-1),
  • byulsingutt (3-2),
  • dangsanje (3-3).

En reposant sur des informations ethnographiques qui sont à notre disposition, nous allons décrire le plan de contenu des domaines de pratiques chamaniques. La tâche de description qui en sera faite a pour but de comprendre de quelle façon les sujets qui s’impliquent dans ce couplage construisent de diverses modalités de connaissance et que la sémiosphère qui s’y configure renvoie à l’univers référentiel de leur croyance. A ce point de vue fonctionnel, l’action qu’on fait par langage à l’occasion d’une interaction sociale servira de support de manifestation pour faire montrer la connaissance qu’il a des objets du monde qui l’entoure.

Notes
1.

Pour la classification tripartitive des séances chamaniques sud-coréennes, voir 한국 무교의 이해, 박일영, 분도출판사, 1999, p. 90-93.