4-3. Epreuves comme opérateur de la narrativité

L’objet modal d’ordre aléthique visé par l’acteur-princesse abandonnée est représenté par une série des exploits qu’il accomplira dans un Ailleurs (royaume des morts) et dont la libération des morts prisonniers. Dans ce parcours narratif, il fait figure d’un héros en quête de l’identité modale qu’il découvrira quand il aura en été sorti vainqueur et reconnu comme tel par le Destinateur en Sanction. La princesse qui a été rejetée par son entourage est comme un sujet de quête qui, pour se constituer en sujet actualisé, effectue le voyage hérissé de dangers mortels. Ce qu’elle fait ailleurs contribue à ce qu’elle est ici et maintenant. Comme la logique de l’action le prévoit, l’acquisition de cet objet modal est ainsi encadrée par deux moments du modèle narratif qui est de mise dans le mythe en question. En Manipulation l’opposition axiologique Homme vs Femme est sous-jacente au parcours du sujet performant-roi qui met en place le P.N ‘Renoncement’. En Sanction c’est le même acteur qui apparaît comme Destinateur en assumant un acte d’évaluation sur le P.N ‘Rétablissement’. Ce qui le conduit à glorifier son sujet de performance (visé négativement par le Destinateur-Manipulateur) en le consacrant dans le statut de guide des morts.

Cela étant dit, rappelons que le but du voyage de l’héroïne en royaume des morts est d’obtenir le remède magique qu’il lui faut pour sauver ses parents tombés malades. A ce propos, il nous semble intéressant de s’arrêter un instant sur une scène dans laquelle l’héroïne commet un acte réactionnaire en brisant en morceaux avec la canne de Bouddha le portail d’une prison des morts, ce qui lui permet de les en libérer. Aidé par l’Adjuvant-canne de Bouddha, elle se voit actualisée dans sa configuration modale de manière à accomplir un P.N, nommé ‘Destruction’. Il convient de donner le rôle actantiel de bénéficiaire au sujet collectif constitué des âmes prisonnières. Dans le fond d’une structure d’échange transitive où le procès a lieu, le sujet d’état se trouve conjoint avec un objet-valeur /Liberté/. Au palier discursif, le rôle de sujet agi se départage entre deux catégories d’acteurs : il y a des âmes qui iront au royaume céleste et il y en a d’autres qui seront de retour à Mungbu, sorte de tribunal, présidé par les Dix Rois de l’Hadès. Quant au rôle de sujet agissant, il est figurativisé par l’image d’une divinité d’origine du Véda et qui avait été introduite dans le panthéon bouddhiste. En raison du contact culturel, le Chamanisme coréen y avait emprunté quelques entités spirituelles qu’il adaptait, réorganisait au cours du temps en fonction de son système de croyance déjà installé. C’est le cas de cette divinité, qu’on appelle jijangbosal, qui a pour fonction de faire de son mieux pour la vie des morts en l'outre-tombe.

On a déjà rencontré cette figure du monde lors de la présentation des séquences constitutives du rituel funèbre qui forment ensemble ce que nous avons appelé le micro-procès, ce dernier étant considéré comme le contexte immédiat d’emploi du mythe. En se situant du point de vue du rapport entre mythe et rite, on dira que la portion textuelle qui sert de support de manifestation narratif au programme d’action ‘Destruction’ est un point de relais qui renvoie à l’espace structural, « molaire », de l’Objet Immédiat qu’elle construit par son interprétant. Il s’agira donc du signe-renvoi qui, structurellement, représente non seulement le contenu narratif de la programmation actionnelle ‘Destruction’. Envisagé sous l’angle intersémiotique, le dispositif textuel devient également un autre signe re-pensé, plus développé par le langage rituel à caractère multimodal dans la mesure où ce dernier le réorganise, on l’a vu, comme le micro-procès articulé en quatre séquences : bakdoryung, yungsil, andoryung, bejje. On aura l’occasion de revenir à cette relation d’intertextualité existant entre le mythe et le rite lorsque l’on s’interrogera sur le niveau d’organisation tensif de la saisie du sens.