4-10. Sanction

La réalisation de la performance principale par l'héroïne est immédiatement suivie de Sanction où le rôle actantiel de Destinateur se scinde en deux acteurs distincts : rois ressuscité et mari de la princesse abandonnée. Juste après la scène de réanimation, l’acteur-Mujangsung (mari de l’héroïne) est invité à entrer dans le palais. Il est d’une telle taille énorme qu’on est obligé, pour l’accueillir, de détruire partiellement la partie supérieure du portail. Il se présente ainsi comme l’agent d’un faire pragmatique qui a pour conséquence de modifier la configuration architecturale de l’espace utopique.

Il s’agira d’un signe-marque qui, à notre connaissance, passe inaperçu pour la plupart des ethnologues s’intéressant à l’interprétation du mythe en question. Du point de vue intertextuelle, l’anecdote aurait pu être permutée, ou pire encore supprimée purement et simplement lors de la transformation d’une version du mythe à une autre. Tellement elle paraît autant incongrue que flottante en comparaison avec la situation narrative de Glorification.

L’introduction de l’acteur-mari de l’héroïne en première scène se révélera sous un autre jour, si on la lit en référence à la dimension cognitive du parcours du Destinateur-Evaluateur. Le fait que l’entrée du palais soit abîmée et donc abaissée pourra être envisagé comme le signifiant d’une réorganisation spatiale en discours et dont le signifié informe sur l’univers perceptivo-cognitif du sujet énonçant qui la prend en charge. Dans le système de repérage énonciatif, l’axe /verticalité/ (haut marqué vs bas non-marqué) était une figure spatiale saillante concernant l’espace utopique (lieu de l’épreuve principale : Ici-bas) opposé à l’espace paratopique (lieu d’acquisition de la compétence : Ailleurs). En Sanction, cette figure semble moins visible en étant remplacée par son contraire /horizontalité/. La valeur qui s’investit dans l’espace ainsi recatégorisé renvoie à la manière dont le Destinateur (qui se manifeste cette fois par l’acteur-roi guéri) évalue, sur le plan cognitif, la modalité véridictoire du sujet performateur-héroïne : le roi reconnaît l’héroïne dans son statut de guide psychopompe. Le changement des dispositifs spatiaux est corrélé à la transformation modale des sujets qui s’y logent. Compte tenu de ces deux dimensions du discours, spatiale et modale, nous proposerons une homologation suivante ; /verticalité/ : /horizontalité/ = /ignorance/ : /connaissance/. Les deux acteurs qui se départagent le rôle de Destinateur sont des termes constitutifs du système semi-symbolique mais qui s’opèrent à deux niveaux hiérarchiques distincts, l’un sur la dimension pragmatique /Paraître/ du parcours de jugement, l’autre sur sa dimension cognitive /Etre/. En faisant raconter comment une femme était devenue le premier chaman, le sujet énonçant laisse entendre comment construire une vérité discursive.