Chapitre 2. « Chant de la fondation »

1. Dispositif formel du rituel Chulmourigut

Le texte qui nous préoccupe à présent est un chant poétique qu’on appelle jijung-taryung. Sa composition formelle obéit à la régularité des configurations syllabiques du type 3/4 ou 4/4. On le récite lors d’un rituel chamanique, nommé chulmourigut. C’est une pratique socio-culturelle qui vise à prévenir de mauvaises choses et à souhaiter le bon train de vie des membres de la famille. En règle générale, elle a lieu tous les trois ans, soit à mi-janvier, soit en début d'octobre du calendrier lunaire. Les deux périodes sont considérées comme les meilleures pour la performance de ce genre.

La séance chamanique en question appartient à la catégorie 2-1, selon la typologie des séances chamaniques que nous avons proposée dans le chapitre précédent. Elle se compose de vingt-cinq séquences 1 . C’est dans la onzième séquence sungjugut que l’on trouve le texte. Cette séquence est destinée à un esprit ayant la fonction de protéger tout ce qui concerne la « maison ». Elle relève d’entités spirituelles qui, tout en constituant chacune les classes d’actes magico-rituels, forment ensemble ce qu’on a appelé « trinité divine » lors de la présentation de la séance chamanique type de la Corée. Il s’agit des trois esprits, jesuk, sungju et degam, qui sont les plus importants dans le panthéon du Chamanisme coréen. Selon certains 2 , les séquences qui composent le rituel chulmourigut peuvent se regrouper en neuf classes d’actes magico-rituels. Comme on s’y prend en ethnométhodologie, la classification qui en a été faite repose sur les habitudes perceptives qu’ont les chamans eux-mêmes à l’égard de leurs propres activités.

De notre part, nous interpréterons les neuf classes d’actes en question comme des paradigmes qui se renvoient les uns aux autres dans un réseau associatif du langage chamanique. La valeur syntagmatique de la séquence qui comporte la performance du chant concerné montre aussi qu’elle se positionne comme valeur paradigmatique par rapport à d’autres qu’elle exclut en étant en rapport de contraste avec les autres unités séquentielles toutes présentes dans la même séance chamanique.

Notes
1.

Voir 김금화의 무가집, p. 40-41. Les données ethnographiques auxquelles nous faisons référence sont tirées de cet ouvrage écrit par le chaman lui-même.

2.

Voir 한국의 샤머니즘, p. 10-11. La séance chamanique dont l’auteur donne une description relève du même genre que celle qui nous intéresse ici. Alors qu’elle en est la version qu’on pratique à Séoul et à ses environs, l’objet de notre analyse est de la tradition nord-coréenne.