3-1. Trajet de l’acteur-sungju

Ce qui saute aux yeux en première lecture, c’est le mouvement d’un acteur manifesté par la figure /arbre/. Le trajet dont il fait l’objet entraîne corrélativement le changement des sites par où il passe. Initialement son germe a été parsemé dans une haute montagne et devenu un grand arbre. L’acteur-sungju est découvert et soigneusement coupé par un maître charpentier. De là il fait descendre l’arbre tranché au bord de la mer où il se dépêche de fabriquer un radeau.

Jusqu’ici l’organisation spatiale du discours s’articule essentiellement sur l’axe vertical qui est d’ailleurs directionnalisé du pôle /haut/ à celui /bas/. Les deux figures /Terre/ et /Eau/ servent à manifester la dynamique spatiale. La terre est en haut, tandis que l’eau est en bas. Du point de vue de l’énonciation, le sujet fait débrayer hors de son lieu imaginaire /Ici/ le dispositif spatial /Non-ici/ sur son discours en se présentant comme un observateur dont la position est localisée dans une zone intermédiaire de l’axe vertical. En rapport avec la topographie de la manière de table, cette zone intermédiaire sera nommée /Air/. Le sujet énonçant sera dorénavant de même à y projeter un système de référence autre que spatial, par exemple axiologique (ou encore thymique) en investissant des valeurs différemment en fonction de ce qui est en haut ou en bas par rapport à sa position d’observateur. Dans le texte, le narrateur décrit la haute montagne comme un lieu sacré. On en induira une opposition isotope /sacré/ vs /profane/ qui se projette sur le dispositif spatial du segment textuel concerné. Dans cette perspective, l’acteur-arbre devient le vecteur de transfert des valeurs axiologiques dans le système de repérage spatial.

A bord en radeau, l’acteur-sungju traverse la mer et débarque à un port de la contrée où aura lieu le rituel de fondations. A partir de là on le transporte à animaux de somme jusqu’à l’emplacement de la maison à construire.

Dans cette séquence discursive, se produit une réorganisation spatiale telle que l’axe horizontal est substitué à l’axe vertical qui était une figure spatiale saillante dans la séquence précédente. En contrepartie, le changement spatial donne à voir comment évolue la position énonciative du sujet qui la prend en charge. Il n’y a pas d’indices formels de l’énonciation qui conduiraient à dire qu’il prend une position supérieure (spatialement ainsi que cognitivement) à l’égard ce qu’il projette dans son discours. Le sujet énonçant paraît comme étant situé parmi ses « héros ». Cela revient à dire que le pôle /haut/ n’est pas pertinent dans son rapport à l’objet de discours et que le pôle /bas/ devient une catégorie spatiale uni-dimensionnelle qui sera précisée, réévaluée par ses propres termes constitutifs. Sous l’angle aspectuel, l’axe horizontal se découpe en quatre phases du procès de mouvement (« déplacer l’acteur-arbre ») : inchoative (moment de départ de son pays d’origine), durative (traversée de la mer), perfective (franchissement du point-limite entre l’eau et la terre) et terminative (moment d’achèvement du trajet). Mis en direction par deux axes principaux vertical et horizontal, le système de repérage spatial du discours-énoncé finit par être ponctualisé, stabilisé, pour ainsi dire, par l’arrêt de cheminement de la trajectoire.

Dans une perspective localiste, on découpera donc le texte en trois séquences en référence aux sites par où passe l’actant-trajectoire de l’arbre : source, chemin et cible.