Chapitre 3. « Nalmansebaji »

1. Contexte référentiel du texte-renvoi

A présent, on a affaire à un objet textuel qui se réalise en forme de réplique du dialogue. C’est un des maillons qui forment l’organisation conversationnelle d’une certaine étendue. Elle s’inscrit dans une cérémonie de remise d’objets rituels. D’un point de vue socio-sémiotique, cette « manière de parler » relève d’un genre de discours qui est lié à la sphère d’activités chamaniques, appelée nerimgut. Selon notre typologie des séances chamaniques, ce domaine de pratiques humaines appartient à la catégorie 1-1 qui se caractérise par des traits suivants : /privé/ (séances dessinées à des chamans eux-mêmes), /soi/ (rite d’initiation ésotérique). La séance chamanique qui nous concerne se déploie en six séquences 1 . En revanche, elle maintient des rapports herméneutiques (rapports entre le local et le global) avec un ensemble de niveau d’intégration supérieure qui, outre la séance nerimgut, comporte deux autres séances chamaniques, herjugut et soslgut. Sur l’échelle microscopique, notre texte se trouve mis en discours lors de la quatrième séquence qu’on nomme « jeter les objets rituels » et dans laquelle les chamans expérimentés transmettent au nouveau chaman les instruments sacrés qu’il lui faudra pour la performance d’activités chamaniques.

En termes de schéma actantiel, le sujet collectif (confrérie de chamans) joue le rôle d’actant d’énonciateur sur le processus de la communication de ce genre, la position d’énonciataire étant occupée par le nouveau chaman qui est à investir dans son statut de prêtre. L’énonciateur tente ainsi de persuader son partenaire actantiel en lui adressant un objet-message au nom de l’autorité qu’il représente. Comme on l’a dit, la grandeur de message revêt la forme de tour de parole au niveau de manifestation linguistique. Elle nous renvoie, dans un autre registre, à la dimension fiduciaire de l’acte d’énonciation qui fonde la structure d’échange d’objets axiologiquement inscrits dans son discours. C’est en construisant la modalité /croire/ que l’énonciateur entre en rapport d’intersubjectivité avec celui à qui il s’adresse. Agissant ainsi, il devient un destinateur qui « manipule » le destinataire de l’objet-message en faisant en sorte que ce dernier se constitue en un sujet modalisé. En revanche, l’énonciataire n’est pas un pôle passif de la circulation du message. Il est l’actant vivant qui l’interprète à la base de sa modalité épistémique et de l’image qu’il perçoit de son destinateur-manipulateur. Il évalue ainsi la « signification » véhiculée par la grandeur d’objet-message avant se poser comme un actant d’énonciateur à son tour. De même que le discours-énoncé présuppose théoriquement l’instance de sa production, la mise en discours implique de fait la présence d’autrui qui détermine à bien des égards le plan de contenu du discours-réplique qu’elle produit. C’est dans une perspective énonciative que l’on abordera le texte en question.

Notes
1.

김금화의 무가집, p. 331.