Tracer l’objet

Tracer un objet comme celui du nucléaire israélien est une démarche à la fois difficile et intéressante. Trouver cet objet implique le passage par des chemins minés de manipulation. Les documents officiels offrent quant à eux des explications sur le pourquoi cet objet doit rester caché. Ils renforcent les questions posées et en font par ailleurs surgir d’autres. L’objet demeure difficilement accessible. Pour le trouver, il faut franchir une multitude de portes et dépasser les simples faits. Être certain que l’objet existe est une chose. Le désigner, l’identifier ou le trouver en est une autre. Avant d’approcher l’objet, on est confronté à de multiples obstacles. Lorsqu’on les surmonte et qu'on s’approche de l’objet, le voir n’est pas un résultat assuré. Lorsque le chercheur met la main sur une longue liste de sujets supposés le contenir, il découvre que les multiples documents ne le désignent pas spécifiquement. Lorsqu’il est désigné, spécifié et clairement défini, il se volatilise, il est effacé, rendant ainsi incomplète toute lecture et toute identification. Cela devient tout simplement non faisable voire impossible. L’information est rayée. Une main sévère est passée par ici, imposant ainsi le silence à toute volonté. Elle impose aussi un flou parfait. Depuis le passage de la main plus rien n’est clair. Le secret peut demeurer, le suspens aussi. Les interprétations ne servent plus à rien, l’histoire s’est arrêtée à cette date. Il n’y a plus rien à lire et il n’y a plus rien à voir. Les documents sont vêtus de noir comme un deuil éternel. Si le document refuse le noir, il est rendu nu comme une punition cruelle. Il trouve son origine blanchâtre. Il est rendu transparent. On lui a ôté la vie. Il ne reflète plus rien, même pas cette couleur d’encre noir. Le regard passe à travers sans rien voir. Le chercheur se trouve alors face à un document en noire. Si ce n’est pas le noir, on se trouve face au blanc : il n’y a rien d’important. Mais le peu qui reste est assez troublant. Notre objet n’a, depuis qu’il existe, jamais eu une adresse fixe. Il est né dans l’illégitimité. Depuis, il est caché et vit clandestinement. Il n’a jamais laissé d’indices clairs de son lieu d’existence. Il s’est volontairement vêtu d’un habit d’anonymat. Polymorphe, il s’adapte à toutes les situations de pressions même les plus extrêmes. Il maîtrise parfaitement le jeu de cache-cache. Il ne se montre qu’à des initiés peu nombreux. Nous sommes allés frapper à plusieurs portes. Certaines sont restées closes (comme en Israël), d’autres se sont entrouvertes (les archives américaines). Côté arabe, les portes restent toujours closes. Nous avons voulu croire au miracle qui n’a pas encore eu lieu. Le nucléaire israélien est fortement protégé. Il est bien ce qu’il est : une chose dont on ne sait rien. On entend parler de lui. On croit à son existence. On fait comme si on a vu. C’est pour faire croire qu’on a vu la bête. Mais en réalité les accès à son chemin sont bloqués. Toute volonté de l’approcher est vouée à l’échec et c’est une frustration sans équivalent. L’objet reste malgré tout voilé, opaque et flou.