Peut-on définir la rationalité ?

Considéré comme le signe de l’échec de la dissuasion israélienne, l’éclatement de la guerre en 1973, soulève des questions relatives à la définition de la rationalité des acteurs. Les calculs du Caire, ceux de Washington ainsi que ceux de Tel-Aviv, ont chacun des bases et des finalités différentes tout en étant tous, du point de vue de la rationalité, logiques et cohérents. Les Israéliens, estimant que la dissuasion rationnelle est acquise et que c’est une réussite, concluent qu’une action de guerre de la part des Arabes est impensable. Le Caire, estimant que la sortie du statu quo ne passe que par une action de guerre, ferme les yeux à toute logique rationnelle relative à la balance militaire. À Washington, on estime que toute action d’offensive militaire de la part des Égyptiens est exclue car les moyens de l’armée égyptienne ne la permettent pas. Comment peut-on donc définir l’acte rationnel ? C’est en (1959) 68 , que l’économiste Charles Lindblom, commence à mettre en doute la validité de la rationalité formelle. Puis après, ce sera au tour de Aaron B. Wildavsky (1973) 69 , d’émettre des critiques sur la notion de la rationalité. Lindblom et Wildavsky critiquent les principes qui sont à la base des difficultés techniques de rationalisation des décisions. On distingue trois niveaux : l’efficience, la généralisation puis, la finalité et les moyens. Le premier principe qu’ils critiquent est celui de l’efficience économique. Ce principe signifie que le but de l’analyse est d’assurer une utilisation ou une distribution des ressources économiquement efficiente, étant donné certains objectifs. Le second principe est celui de la globalité. La valeur d’une approche fondée sur ce principe dépend essentiellement de l’exhaustivité de l’information et de l’analyse. Le troisième principe concerne les acteurs. Car les acteurs prétendent qu’il est possible de définir dans une première phase les finalités, puis dans une deuxième étape, la recherche des moyens les plus efficaces, et enfin d'analyser les résultats obtenus. Mais les objectifs ne sont pas toujours clairement définis, voire parfois, ils ne sont pas définis du tout. Lindblom arrive à la conclusion que dans le processus de décision, fins et moyens sont choisis en même temps, pour un seul et unique acte de décision. Le modèle rationnel présente donc à ce propos des grandes failles.

Notes
68.

Charles Lindblom,'’The science of muddling through’', Public Administration Review, 1959, N. 19, pp. 79-88. Voir aussi : C. Lindblom, '’Still muddling, not yet through’', Public Administration Review, 1979, N. 39, pp. 517-526; Charles Lindblom, Politics and Markets , New York, Basic Books, 1977.

69.

Aaron B. Wildavsky, “If planning is everything, maybe it's nothing”, Policy Sciences, 1973, N. 4, pp. 137-153. Voir à ce propos : Aaron B. Wildavsky, The Politics of the Budgetary Process, Boston, Little, 1974 ; Aaron B. Wildavsky, The Art and Craft of Policy Analysis , London, Macmillan Press, 1979.