Je prépare, je décide, j’exécute

D’après Graham T. Allison, le décideur est un acteur qui cherche à maximiser son profit. La théorie mathématique de la décision fondée par Neumann est aujourd’hui, selon Daniel Schneider (1994) 94 , la plus développée. Le champ d’application de la théorie des jeux est celui de l’acteur intentionnel et rationnel qui est en interaction avec au moins un autre acteur. Avec les réels juxtaposés de G. Allison, nous sortons définitivement du “ je prépare, je décide, j’exécute ”. Le passage du linéaire au non-linéaire, et du linéaire au causal-global est accompli. Il met en évidence les rationalités multiples et éparses des systèmes en interaction. Certains auteurs, comme Karl Deutsch, proposent un modèle explicatif. Ce modèle fait appel à la fois à l’analyse systémique et à la cybernétique. L'approche décisionnelle de la politique étrangère et des relations internationales ne suscite que peu d’intérêt au niveau des recherches en France. À l’opposé, aux États-Unis, cette approche donne lieu à une littérature abondante autour de la prise de décision par les acteurs politiques et par des structures non étatiques (groupe de pression, médias, opinion publique etc.) Les problèmes du contrôle de l’information, de la mise en œuvre d’une décision, de la gestion des crises ou encore les problèmes de la perception etc, font partie de cette littérature centrée sur la prise de décision. Karl Wolfgang Deutsch (1966, pp. 75-97) 95 , s'intéresse au processus de prise de décision. Il utilise la notion de self-modifying communications network ou encore learning net, pour décrire à la fois l'individu et l'organisation sociale. Un tel réseau fonctionne grâce au drive, la tension interne provoquée par un déséquilibre et la volonté de rééquilibrage. Il est intéressant de noter que la notion de but se réfère à la fois à la perception subjective du système et à un état objectif de l'environnement. Autrement dit, la théorie du système voit le décideur comme une goal-seeking feedback engine et comme une learning engine qui sont liées inextricablement à un environnement.

La décision est donc permanente. Les modèles de la théorie de décision et de la théorie des jeux sont à intégrer dans une telle approche si l'on désire étudier un décideur et non pas des décisions hypothétiques isolées, explique Ludwig von Bertalanffy (1968, p. 94) 96 . David Easton (1979) 97 , développe alors son modèle dynamique d’action. La notion de Feedback, de soutien et d’exigences d’un système politique, sont à présent intégrées dans une vision systémique des interactions entre les acteurs. Parmi les théories analytiques ou normatives de la décision, on trouve la théorie mathématique de la décision fondée par John von Neumann et Morgenstern (1947) 98 . Pour la modélisation des processus cognitifs des décideurs, elle a peu d’éléments à offrir car elle opère avec des modèles mathématiques que le décideur humain n'utilise pas dans des circonstances normales. Elle opère à un niveau d'abstraction assez élevé et son orientation normative la prédestine plutôt à la préparation de décisions dans des contextes bien définis. La théorie de la prise de décision se concentre sur les processus décisionnels à travers lesquels les facteurs déterminants sont perçus, pris en considération, et mettent à jour d’autres facteurs. Elle se réfère à la nature des groupes dont la décision est issue. Le modèle explicatif de Karl Wolfgang Deutsch dans Analysis of International Relations (1968, p. 191-202) 99 , est basé sur des travaux en sociologie des organisations, en analyse systémique et en cybernétique. Il explique que la pensée classique consacrée aux acteurs internationaux -comme par exemple, celle du choix rationnel-, vise à atteindre des objectifs stratégiques établis en fonction de l’intérêt national. Par ailleurs, le modèle organisationnel ainsi que le modèle cybernétique, présentent la décision comme étant, en bonne partie, le résultat du fonctionnement d’un groupe opérant selon certaines routines, ou certains programmes déterminés. Karl W. Deutsch (1968) 100 , considère qu’en politique étrangère, la décision est le résultat d’un marchandage dans lequel entrent en jeu divers problèmes internationaux. Ces comportements de prise de décision sont situés dans le cadre des processus se manifestant au niveau systémique. Ils sont éclairés en fonction des caractéristiques structurelles du système international ou régional, dont les acteurs, les États, sont les éléments constitutifs. Ce modèle explicatif compare l’homme (le cerveau humain) à un ordinateur. Les cerveaux humains auraient des points communs entre eux, et on peut les comparer aux terminaux d'un réseau informatique. Ils envoient et reçoivent des messages. Ils ont des mémoires, emmagasinent et reproduisent des données.

Notes
94.

Daniel Schneider, Modélisation de la démarche du décideur politique dans la perspective de l'intelligence artificielle, Thèse de doctorat, Université de Genève, Faculté des Sciences économiques et sociales, Département de science politique, septembre 1994.

95.

Karl Wolfgang Deutsch, The Nerves of Government , New York, The Free Press, 1966.

96.

Ludwig von Bertalanffy, General Systems Theory , New York, Braziller, revised edition, 1968.

97.

David Easton, A systems analysis of political life , Chicago, Phoenix books, 1979.

98.

John von Neumann, Oskar Morgenstern, Theory of games and economic behaviour, Princeton, Princeton University Press, 1947.

99.

Karl Wolfgang Deutsch, Analysis of International Relations , Englewood Cliffs, New Jersey, Prentice Hall College Div, 1968.

Voir aussi : Karl W. Deutsch, The Nerves of Government , New York, The Free Press, 1966, 316 pages.

100.

Ibid.