Le rapport Patterson

Dans le rapport (Annexe 7), MM. Patterson et Bechhoefer signalent que les Israéliens souhaitent la construction d’un réacteur, en vue de la production d’une petite quantité de plutonium (Annexe 7) 196 . Dans ce rapprot, on lit que déjà en 1955, les Israéliens sont avancés en matière de recherche scientifique. Le rapport Patterson note aussi que la délégation israélienne lui a fait part du fait que les Israéliens produisent déjà de l’uranium à partir du phosphate, et sont en phase de produire de l’eau lourde en soulignant que ces deux éléments sont produits à de faibles quantités (paragraphe 2 du rapport). Le rapport montre que M. Patterson se pose la question vis-à-vis de l’impact politique sur le monde arabe et se demande si les Israéliens ont pris en considération cet aspect (dernier paragraphe). M. Bergmann explique à Patterson l'intérêt particulier d'Israël pour la construction d’un réacteur plus avancé, qui utiliserait l’uranium enrichi, (paragraphe numéro 3, du rapport), sous la couverture de l’uranium normal. Bergmann pense alors que cette conception est semblable au réacteur américain de Shipping Port. Évidemment, -malgré l’apparence d’erreur- Bergmann essaye de minimiser la signification d'un besoin de telles quantités de plutonium qui pourraient être produites par un tel réacteur. Mais Bergmann qui cherche clairement à vouloir obtenir la réaction américaine à cette idée, en particulier, si l'accord bilatéral permet la construction d'un tel réacteur, n’obtient aucune réponse claire à cette question de la part de Patterson (dernier paragraphe). Les accords israélo-américains dans le domaine nucléaire commencent déjà au milieu de l’année 1955. Dans le rapport du 13 mai 1955, les discussions sont engagées et Israël exprime, dès alors, son intérêt à signer un accord avec les États-Unis, en adhérant à l’initiative Atomes pour la Paix (Annexe 4) 197 . En quelques jours, l'accord se trouve sur le bureau du Premier ministre Moshe Sharett et du ministre de la Défense David Ben Gourion. « Nous n'avons trouvé aucun défaut à un tel accord », écrit Moshe Sharett dans ses mémoires, (…) L’accord ne nous interdit pas d'entrer en contact avec d'autres puissances, ni même d'utiliser de l'énergie nucléaire ou de la produire par nos propres moyens. D'autre part, il nous promet également un réacteur de recherche, et n’exige qu’une seule condition : ne pas utiliser ce réacteur pour tout autre but. » Avner Cohen (1998) 198 . Deux mois plus tard, le 12 juillet 1955, Israël et les États-Unis signent l'accord, Avner Cohen (1998) 199 , écrit qu’un réacteur nucléaire est alors offert par les États-Unis aux Israéliens dans le cadre des accords du programme “Atomes pour la Paix” (Ian Black et Benny Morris, 1991) 200 , (Dan Raviv et Yossi Melman, 1994) 201 . Une lettre écrite en hébreu par le professeur Amos De Shalit à Munya Mardor et datée du 28 août 1955, fournit une autre perspective au sujet du nucléaire israélien, gardé au secret. L'idée est d’améliorer le réacteur américain offert à Israël dans le cadre de l’initiative américaine Atoms for Peace, en utilisant l'uranium normal israélien en tant que “couverture” et de produire ainsi un peu de plutonium -8 grammes par mois- (Annexe 9) 202 . Une telle quantité de plutonium, selon la note, aide à entreprendre des expériences plus avancées dans la séparation du plutonium. Cette lettre, écrite quelques jours après la fin de la conférence de Genève du 16 août 1955, contient une critique de l'approche proposée par Ernst David Bergmann, et avance des conseils concernant les améliorations que les scientifiques israéliens peuvent apporter.

De Shalit prône une transparence avec les États-Unis dans ce domaine et s’oppose à la discrétion. C’est l’époque où apparaît une différence entre les approches existant au sein même de la classe scientifique israélienne. Cette différence d’approche aboutit à une division interne et il se produira même des démissions plus tard au sein de l’Institut Weizman. C’est ainsi que les membres de la Commission israélienne de l’énergie atomique démissionnent en bloc en 1957. Ernst Bergmann se trouve ainsi à la tête d’une commission sans membres, car il est le seul à ne pas avoir démissionné.

Notes
196.

Annexe 7, Rapport Morehead Patterson et Bernard G. Bechhoefer. Ecrit par Morehead Patterson et Bernard G. Bechhoefer le 18 août 1955. Source : United States National Archives, Voir aussi : Israel and the Bomb, pp. 50-51.

197.

Annexe 4, Un mémorandum de conversation entre l'ambassadeur israélien aux États-Unis, Abba Eban et Morehead Patterson, émissaire spécial du Président Eisenhower sur l'énergie atomique, au sujet de l'accord bilatéral de coopération dans l'usage pacifique de l'énergie atomique. Source : United States National Security Archive.

198.

Avner Cohen, “Israel and the Evolution of the US Nonproliferation Policy, The Critical Decade, 1959-1969”, Center for Nonproliferation Studies, The Nonproliferation Review, Vol : V, N° 2, hiver 1998.

199.

Ibid.

200.

Ian Black, Benny Morris, Israel's Secret Wars: A History of Israel's Intelligence Services , New York, Grove Weidenfeld, 1991, 603 pages.

201.

Dan Raviv, Yossi Melman, Friends in Deed: Inside the U.S.-Israel Alliance , New York, Hyperion, 1994, 537 pages.

202.

Annexe 9, Rapport 28 août 1955 Lettre écrite en hébreu. Voir aussi : Avner Cohen Israel and the Bomb , 1998, pp. 46-47.