The CIA Information Report

L’ambivalence au top de l’administration américaine concernant l’armement nucléaire israélien se reflète par un flou entourant ce sujet. Même avec des inspections, Washington ne voit rien de douteux vis-à-vis du site de Dimona. Au milieu des années 60, les règles du jeu sont déjà fixées entre le Président Johnson et ses conseillers. Toute l’administration se base sur les rapports des deux visites d’inspections américaines à Dimona et qui ne soulignent aucune intention de la part des Israéliens de développer des armes nucléaires. Ainsi, les Américains peuvent continuer à réaffirmer leur engagement vers la non-prolifération nucléaire. Mais, les deux hommes, Arthur C. Lundahl et Dino A. Brugioni, de la CIA-NPIC, (National Photographic Interpretation Center) qui analysent les données et des photos d’Intelligence et qui écrivent des rapports à leurs supérieurs de la CIA, ont compris qu’il ne sert à rien de relayer une information au sommet, si celui-ci ne souhaite pas le savoir. L’information est disponible mais personne n’en veut.

À la CIA, et donc au département d’État comme à la Maison Blanche, tout le monde le sait, mais personne n’en parle. On en sait déjà beaucoup dès le début des années 60. Par exemple, en ce qui concerne le missile Jéricho, l’administration américaine sait que la firme française Dassault l’assemblait pour les Israéliens. Seymour Hersh (1991, p. 142), note que la CIA possède, à cette époque, toutes les informations nécessaires avec l’aide des Français, et des espions. Lewis Lichtenstein Strauss est considéré comme l’un des farouches opposants à la prolifération nucléaire et il a connaissance de toutes les informations fournies par la CIA à l’Atomic Energy Commission à propos de la construction de la centrale de Dimona. Lewis Strauss ( 286 ), directeur de la AEC depuis 1953, n’informé pas son successeur John Alex McCone ( 287 ), lorsqu’il lui succède à la tête de l’AEC en 1958, du contenu des rapports disponibles sur le programme nucléaire israélien. Tout au long de son mandat, Lewis Strauss n’a pas soulevé une seule fois la question du programme nucléaire israélien. Etant juif, il a vécu l’holocauste et sent le besoin de sécurité d’Israël. Lewis Strauss qui voit dans l’arsenal nucléaire américain un moyen essentiel pour contrer les menaces soviétiques, voit aussi que c’est l’industrie, et non pas les gouvernements, qui permettent la construction des réacteurs nucléaires (Richard Pfau, 1984) 288 . Durant sa carrière, Lewis Strauss a participé à la plupart des conférences internationales sur l’usage pacifique de l’atome. Il rencontre à plusieurs reprises son homologue israélien Ernst David Bergmann. Une relation d’amitié lie les deux hommes et Strauss signifie à Bergmann sa sympathie pour le programme nucléaire israélien, note Seymour Hersh (1991, p. 86). Hersh écrit que M. Strauss, en 1966, use de son influence et obtient une invitation de deux mois d’Ernst Bergmann pour visiter le prestigieux (IAS) Institute for Advanced Studies, à Brinceton.

Carl Kaysen, alors directeur de l’institut, est un homme politique et assistant adjoint au Président du conseil de la Sécurité Nationale américaine. Il raconte dans ses mémoires qu’il n’a pas été surpris de la présence de Bergmann parmi eux ou encore des démarches israéliennes vers la possession de la bombe atomique. Il rapporte par ailleurs qu’il avait été surpris par le fait que Strauss, qui s’oppose publiquement à la prolifération nucléaire, soit en privé favorable au programme nucléaire israélien, rapporte Seymour Hersh (1991, p. 92). Durant les années Eisenhower, le programme nucléaire israélien et les photos des avions U-2 américains ainsi que les informations de l’intelligence de la CIA se trouvent entre les mains d’Arthur C. Lundahl ( 289 ) et de Dino A. Brugioni du NPIC, (National Photographic Interpretation Center), l’agence d’interprétation des photos de la CIA. Ces photos sont traitées comme les plus hauts des sujets top secret. Mais, durant les années Eisenhower, il y a un grand fossé entre les informations disponibles et les hommes au sommet.

Notes
286.

Lewis Lichtenstein Strauss (1896-1974), membre de la Commission d’énergie Atomique depuis 1946, devient son directeur à partir de 1953. Il est le mieux placé pour conseiller le Président Trauman et puis Eisenhower en ce qui concerne les dossiers relatifs aux armes nucléaires. Opposant farouche de la prolifération nucléaire, il souhaite le monopole américain dans ce domaine.

287.

John Alex McCone, est nommé par le Président Eisenhower en tant que directeur de la Commission de l’énergie Atomique en 1958. Suite à la démission de Allen Welsh Dulles, il est nommé par le Président Kennedy à la tête de la CIA le 29 novembre 1961. Le 11 avril 1965, il démissionne en considérant que le Président Johnson ignore ses évaluations sur le Vietnam en prenant en considération les estimations du Pentagone car elles sont plus optimistes.

288.

Richard Pfau, No Sacrifice Too Great , Charlottesville, University Press of Virginia, 1984.

289.

Arthur C. Lundahl crée le (CIA-NPIC), National Photography Interpretation Center qui joue un role primordial et vital dans l’interprétation des milliers de photos du nouveau système de reconnaissance, prises par les avions de reconnaissance U-2 et celles prises par les satellites d’espionnage.