La fin des doutes américains

La fin de 1960, marque une période de transition politique aux États-Unis. Le Président Eisenhower quitte la Maison Blanche après huit années de présidence et le jeune Président John F. Kennedy (élu le 7 novembre 1960), arrive au pouvoir. Les inquiétudes américaines commencent à être palpables au sujet du réacteur de Dimona au sein de l’administration américaine. Les informations commencent à quitter le cercle diplomatique pour faire la “Une ” de la presse des alliés. C’est le 16 décembre 1960, que le quotidien londonien Daily Express publie un article écrit par Chapman Pincher, révélant que les sources d’Intelligence britanniques et américaines ont des informations certaines selon lesquelles les Israéliens sont sur le point de construire le premier réacteur nucléaire leur permettant de fabriquer la bombe atomique. Aux États-Unis, John Alex McCone, qui démissionne de l’AEC en janvier 1961, sous l’administration Eisenhower, est nommé, quelques mois plus tard directeur de la CIA, par John Fitzgerald Kennedy. Il remplace Allen Welsh Dulles le 29 novembre 1961. McCone est connu comme un farouche opposant de la prolifération nucléaire et il est irrité par le mensonge des Français et des Israéliens sur la construction du réacteur de Dimona. Devant cette situation, les Israéliens poursuivent les démarches conduites par le vice-ministre de la Défense Shimon Pérès qui, averti par l'ambassadeur d'Israël aux États-Unis M. Harman, et probablement par le Mossad, essaie de couvrir et de contenir l’affaire de Dimona avant qu’il ne soit trop tard. En France, et depuis le sommet du 17 juin 1960, entre le général de Gaulle et Ben Gourion, la France souhaite que les Israéliens rendent publique la construction de la centrale de Dimona ( 301 ).

Le flou qui entoure le site de Dimona intrigue la classe d’Intelligence américaine. Selon le rapport du 31 janvier 1961 (Annexe 21) 302 , le U.S. Intelligence Board (USIB) demande le 13 décembre 1960, à la CIA de préparer un rapport à propos du dossier Dimona. Ce rapport donne un aperçu clair du programme nucléaire israélien ainsi que de la coopération entre Français et Israéliens dans ce domaine. Il donne aussi une idée claire sur les informations disponibles à Washington depuis de longues années. On voit, dans le début du deuxième paragraphe, que le doute n’est plus à l’ordre du jour à Washington. Dimona est un réacteur destiné à un programme nucléaire militaire. Le dernier rapport réalisé par l’administration Eisenhower, le 19 janvier 1961, est écrit par William Macomber adjoint au Secrétaire d’État, à James T. Ramey, directeur du Comité du Sénat à l’énergie atomique. Ce rapport précise que les informations en provenance de Paris et de Tel-Aviv ne suscitent pas d’inquiétude concernant Dimona. Cette lettre souligne l’aspect non-militaire de la centrale de Dimona (Annexe 19) 303 . À peine installé à la Maison Blanche, Kennedy, le 27 janvier 1961, donne ses directives et formule une demande urgente pour savoir les raisons des lacunes de la CIA en ce qui concerne le programme nucléaire israélien (Annexe 20) 304 . Le 31 janvier 1961, 10 jours après son arrivée à la Maison Blanche, et en réponse à la demande explicite du Président, un rapport de 17 pages intitulé “Post-mortem report ”, est présenté à la Maison Blanche (Annexe 21) 305 . Ce document est le premier qui avertit clairement que les Israéliens sont sur le point d’achever un réacteur nucléaire. Ce rapport détaillé, met en évidence que le réacteur est en construction, en collaboration avec la France depuis 1956 (point 3 de la conclusion) et que les éléments concernant ce sujet sont disponibles auprès des services d’Intelligence depuis avril 1958 (point 3a de la conclusion).

Notes
301.

17 juin 1960, le Président de Gaulle recevant le Premier ministre Ben Gourion, l’informe de l’arrêt du concours de la France en matière nucléaire entrepris depuis la crise de Suez de 1956.

302.

Annexe 21, Post-Mortem on SNIE 100-8-60 : “Implications of the Acquisition by Israel of a Nuclear Weapons Capability.” 31 janvier 1961. Source : United States National Security Archive.

303.

Annexe 19, lettre de William Macomber adjoint au Secrétaire d’État à James T. Ramey, directeur du Comité 19 janvier 1961. The Dwight D. Eisenhower Presidential Library. Voir aussi : Avner Cohen, Israel and the Bomb , 1998, pp. 95-97.

304.

Annexe 20, demande de Kennedy, 27 janvier 1961. Source : United States National Security Archive, Voir aussi Avner Cohen Israel and the Bomb , pp. 81-85.

305.

Ibid.