Washington se contente de peu

Les assurances données par les Israéliens et les Français semblent être satisfaisantes pour Washington, bien que plusieurs questions demandent toujours une clarification écrit Alvin Schuster (1960) 347 . De toute façon, le département d’État ne considère pas ceci comme un simple épisode mais demande aux Agences d'Intelligence d'exercer une surveillance continue d’Israël et d'autres pays, afin d’éviter la prolifération d'armes nucléaires. « Au moment où nous encourageons les Israéliens à permettre à un scientifique qualifié des États-Unis ou toute autre puissance amicale de visiter l'installation de Dimona, le Premier ministre Ben Gourion a indiqué que ceci peut être réalisable dans un bref délai », écrit le Secrétaire d’État Dean Rusk dans son rapport daté du 30 janvier 1961, et adressé au Président Kennedy (Annexe 41) 348 . L’origine du rapport est difficilement lisible dans les documents des archines américines. Certains passages sont rayés (Annexe 41). On peut par ailleurs trouver ces parties manquantes, transcrites dans un autre document fourni par les archives du FRUS, (Foreign Relations of the United States). Ces passages, ( 349 ), parlent des raisons données par Ben Gourion pour expliquer la discrétion israélienne ainsi que la demande du Department of State aux agences d’Intelligence (Annexe 42) 350 . Les conclusions du rapport d'USIB (United States Intelligence Board, (Annexe 21) 351 , affirment (point 3), que les Israéliens ont probablement pris la décision de poursuivre un programme nucléaire dès 1956. Le rapport souligne aussi que la collaboration avec les Français sur ce projet a dû être lancée aux alentours de 1957. Le rapport, dans sa conclusion, (point 3a), souligne que des informations sont disponibles auprès des services d’Intelligence depuis 1958. En effet, le rapport confirme que l’information était à disposition des responsables d'Intelligence dès avril 1958 et qu’ils auraient pu alerter la Commission d'Intelligence d'énergie atomique à propos des intentions israéliennes. En outre, le rapport note que « si la Commission d'Energie Atomique avait correctement interprété les informations disponibles sur les intentions nucléaires israéliennes et le réacteur de Dimona, nous croyons que le secret entourant le programme nucléaire israélien aurait été connu et cela aurait pu l’être un an plus tôt. » ( 352 ). Pour expliquer cet échec, les auteurs du rapport soulignent la volonté délibérée de la part des Israéliens de brouiller les pistes à propos de leur programme nucléaire. Les auteurs soulignent également le fait qu'Israël n'a pas été classé sur la liste des pays candidats à la prolifération avant la découverte des activités sur le site de Dimona. Le rapport fait référence à un sentiment général et note qu’« Israel ne peut réaliser ses ambitions nucléaires sans une aide extérieure des États-Unis ou l’un de ses alliés. Le fait de croire qu’une telle aide serait aisément connue par les Américains, conduit à une tendance générale aboutissant à décliner toutes les rumeurs de construction israélienne de réacteur nucléaire avec la collaboration française dans le domaine des armes nucléaires. » Le rapport relate dans le détail un nombre important d'informations et de sources disponibles au système d'Intelligence américain depuis 1956, réputées perdues dans le battage bureaucratique ou simplement mal interprétées. Parmi eux, on trouve le rapport Gomberg.

Notes
347.

Alvin Schuster, “Israel Satisfied U.S. on News of Reactor,” New York Times, 23 décembre 1960.

348.

Annexe 41, Memorandum for the President, Israeli Atomic Energy Activities, 30 janvier 1961. Source : National Security Archive. The Dwight D. Eisenhower Presidential Library.

349.

En italique dans le document

350.

Annexe 42, Memorandum From Secretary of State Rusk to President Kennedy, Washington, January 30, 1961. Source : Department of State, Central Files, 884A.1901/1-3061, Secret. Drafted by Meyer (NEA/NE). Subject : Israel's Atomic Energy Activities. voir aussi : Rapport Teddy Kollek, février 1961. Source : United States National Archives, Central Foreign Policy Files.

351.

Annexe 21, Post-Mortem on SNIE 100-8-60 :Implications of the Acquisition by Israel of a Nuclear Weapons Capability.” 31 janvier 1961. Source : United States National Archives. Voir aussi, Avner Cohen, Israel and the Bomb , 1998, pp. 81-85.

352.

Voir aussi à ce propos, Avner Cohen, “Israel and the Evolution of the US Nonproliferation Policy, The Critical Decade, 1959-1969”, Center for Nonproliferation Studies, The Nonproliferation Review, Vol: V, N° 2, hiver 1998.