Le rapport Foster : la Chine

Comment arrêter la prolifération des armes nucléaires ? Telle est la question posée en ce début du mois d’août 1964. Le 14 du mois, William C. Foster présente son rapport au Department of State. Ce rapport est consacré exclusivement au problème de la prolifération des armes nucléaires (Annexe 76) 463 . Intitulé Non Proliferation of Nuclear Weapons, cet article, avec ses 11 pages, expose le problème de la prolifération et la position des États-Unis. Le rapport Foster pose la question de comment dissuader les États avant qu’ils prennent la voie des armes nucléaires. Il souligne que l'imminence d’un essai nucléaire chinois, pose un problème aux États-Unis, dont voici des extraits : « L'essai chinois pourrait se produire n'importe quand », écrit William Foster dans son long rapport « Le test chinois placerait sous une grande pression les trois ou quatre États considérés techniquement comme capables de produire les armes nucléaires, pour prendre leur propre décision et faire de même, cela peut être pour des raisons de sécurité ou pour des raisons de prestige national. » (…) En raison des conflits régionaux, une décision par n'importe lequel de ces États, pourrait forcer d'autres, -parmi ces pays encore techniquement moins avancés-, à prendre une décision semblable et lancer un effort massif en vue de l'acquisition des armes nucléaires. Certains le feront pour le prestige, d’autres le feront pour des considérations sécuritaires. » (Annexe 76) 464 .

William Foster souligne qu’une fois ce processus lancé, « il serait impossible de l’arrêter. » Ce long rapport Foster, pose le problème de fond : « comment dissuader les candidats capables, du point de vue technique et scientifique, de produire la bombe atomique ? » (…) « Le problème des États-Unis est comment les empêcher de commencer ? se demande W. Foster. « Comment peut-on créer une inhibition politique contre la volonté suffisamment forte de développer des armes nucléaires, pour tenir le choc d’un essai nucléaire de la Chine communiste ? Le problème qui se pose aux États-Unis est comment arriver à produire cette inhibition politique en un espace-temps très limité ? (…) « Si nous ne résolvons pas ce problème -en raison d’une erreur ou en raison d’un retard quelconque-, nous serons bientôt confrontés à un monde dans lequel il y aura dix et puis probablement vingt États ayant des capacités nucléaires. Ce serait un monde de grand danger et d’insécurité. » (Annexe 76).

On trouve dans ce rapport les orientations et la ligne suivie par l’administration Kennedy et les inquiétudes qui les ont poussés à considérer la question de la prolifération comme prioritaire. Le rapport Foster, écrit en août 1964, explore les différentes possibilités d’actions que les États-Unis peuvent entreprendre envers le problème de la prolifération. Il nomme Israël, l’Inde, la Suède, le Japon et la République Fédérale Allemande comme pays techniquement prêts à une décision politique de développer les armes nucléaires. Parmi ces cinq États, le rapport note que les États-Unis n’ont pas de politique contre la prolifération nucléaire hormis dans la région du Moyen-Orient. C’est-à-dire Israël. Cela inclut l'arrangement bilatéral entre les USA et Israël au sujet des visites de Dimona. Il recommande les efforts des États-Unis (avec les deux missions de McCloy de 1963 et 1964), de maintenir un dialogue de limitation d’armements dans la région, et notamment avec l'Égypte. Le rapport William C. Foster recommande également que ce programme bilatéral doit continuer et devrait être étendu sur la base de traitement au cas par cas. Pour qu’elle soit efficace, cette politique bilatérale devrait prendre en considération une certaine forme d'arrangement de sécurité, dans laquelle la participation ou l'aide américaine peut représenter une source principale de pression pour dissuader certains pays et inciter d’autres à renoncer à acquérir les armes nucléaires. Mais, deux mois après le rapport, le test chinois a lieu le 16 octobre 1964 (Annexe 77) 465 . La prolifération nucléaire est en marche, et la Chine devient la 5ème puissance nucléaire.

Notes
463.

Annexe 76, Non-Proliferation of Nuclear Weapons. Draft Position Paper. Washington, August 14, 1964. FRUS, 1964-1968, Volume XI (N.44). Arms Control and Disarmament . Department of State. Washington, DC. Source : Department of State, S/S-RD Files: Lot 68 D 452, Committee of Principals, August-december 1964. Secret; Noforn. The source text was forwarded to Secretary Rusk under cover of an August 14 memorandum from Foster. Foster's memorandum indicated that the paper “is based in part on discussion at the June 16 and July 23 meetings of the Committee of Principals and also sets forth a U.S. response to the recent resolution of the Organization of African Unity on this subject.” Regarding these two meetings of the Committee of Principals, see Documents 36, 37, 40, and 41. The OAU resolution refers to the declaration on the denuclearization of Africa adopted by the heads of state and government of the Organization of African Unity at Cairo, July 21. Text in Documents on Disarmament, 1964, pp. 294-295.

464.

Ibid.

465.

Annexe 77, Glenn T. Seaborg, Chairman, Atomic Energy Commission, Diary Entry for 17 October 1964. Document 2 : Glenn T. Seaborg, Chairman, Atomic Energy Commission, Diary Entry for 20 and 21 October 1964. Source : Journals of Glenn Seaborg, Volume 9, Lawrence Berkeley Laboratory, University of California, 1979.