‘’More is Better’’ : l’Inde aussi

Trois ans avant que la Chine procède à son premier essai nucléaire, les Américains ont l’information sur les prétentions chinoises. Cela remonte à septembre 1961. La question est alors comment contrer la Chine communiste et l’option choisie est donc celle de donner le feu vert à la prolifération asiatique. C’est faute de pouvoir arrêter le programme nucléaire chinois, que les États-Unis cherchent à contrer la Chine par l’un de ses voisins. Dans cette région, il y a le Japon, l’Inde et le Pakistan qui sont, ou qui peuvent avoir les capacités techniques dans ce domaine. Il n’y a que la candidature de l’Inde qui semble être retenue. Un document avec un contenu impressionnant, daté du 14 septembre 1961, montre que le département d’État se fait des soucis à propos de l’impact psychologique d’une détonation nucléaire de la Chine communiste.

La dénucléarisation de la Chine n’est pas l'option choisie. Washington ne fait rien que de constater et il faut agir autrement. Mais comment faut-il donc agir ? La réponse se trouve dans un rapport qui recommande une action face à un possible essai nucléaire de la Chine communiste prévu dans deux ou trois ans. Le chef du Conseil de planification de la politique du département d'État, George C. McGhee, écrit dans un rapport destiné au Secrétaire d'État Dean Rusk en exposant une proposition extraordinaire : « il serait souhaitable qu’un pays asiatique ami puisse rivaliser la puissance à la Chine communiste. » (…) « Aucun candidat n’est plus probable que l'Inde. » Le rapport McGhee est étonnant. Écrit le 13 septembre 1961, (Annexe 78) 466 , le 4ème paragraphe de la deuxième page recommande de chercher la prévention du côté indien. « Face à ce constat, note le rapport,« s’il faut choisir entre la Chine et l’Inde, et tant que nous manquons de possibilité d’action, il vaut mieux que le premier pays asiatique soit l’Inde et non pas la Chine. » Durant l’automne 1964, en octobre, deux événements majeurs coïncident. Le premier est chinois, le deuxième est soviétique. Le 16 du mois, et selon les prévisions d'Intelligence américaine, la Chine procède à son premier essai nucléaire. Le lendemain, le 17 du mois, Khrouchtchev quitte le Kremlin. Ces deux événements font apparaître la fragilité de l'âge nucléaire.

Le Président Johnson qui, dans son discours à la Nation du 18 octobre 1964, aborde l’essai nucléaire chinois, les changements à la tête de l’URSS et les élections en Grande-Bretagne, note que Khrouchtchev s'est, au cours des dernières années, montré préoccupé par le besoin d’assainir l’âge nucléaire. Dans son discours à la Nation,(Annexe 79) 467 , le Président Johnson estime que « l'essai chinois dramatise les craintes américaines vis-à-vis de la prolifération nucléaire : l'effort de la Chine communiste ouvre la voie de la folie devant d’autres États. La prolifération nucléaire est dangereuse pour toute l'humanité. Que peut-il arriver s’il y a 10, ou peut-être 20 puissances nucléaires ? » Le Président Johnson déclare dans son discours, que « ce que nous devons apprendre de Lop Nor ( 468 ), c’est que nous avons raison d’ éliminer le danger de la prolifération nucléaire, que nous devons continuer à travailler contre elle, et nous en avons la volonté. (...) Nous estimons que la lutte contre la prolifération nucléaire est autant dans notre intérêt que dans celui des Soviétiques. Nous serons prêts à nous joindre à eux et à tout le monde pour travailler afin de l'éviter. »

Notes
466.

Annexe 78, Anticipatory Action Pending Chinese Communist Demonstration of a Nuclear Capability. By George G. McGhee. 13 septembre 1961. Source National Security Archive. (Voir la fin du 4ème paragraphe de la 2ème page).

467.

Radio and Television Report to the American People on Recent Events in Russia, China, and Great Britain. Public Papers of the Presidents, Lyndon B. Johnson, 1963-64, N. 686. October 18, 1964. Broadcast from the President's office at 8:30 p.m. Voir aussi : Annexe 79.

468.

Lop Nor, site de l’essai nucléaire chinois, près d’un lac dans les montagnes de Takla Makan situé dans la région de Sinkiang en Asie centrale.