Pourtant, elles prolifèrent

À la lecture des évènements de cette époque, on a tendance à dire que la prolifération est inévitable par une réaction en chaîne. L’ambassadeur américain en Inde Thompson tire la sonnette d’alarme dans sa lettre adressée au Department of State, et propose que les États-Unis rassurent New Delhi en cas d’attaque par l’un de ses voisins. D’après lui, le facteur principal dans la décision indienne de développer ou non son arme nucléaire, dépend des assurances de la part de Washington et de Moscou. Ces assurances n’ont jamais eu lieu (Annexe 84) 476 . C’est alors que la Chine procède à son deuxième essai nucléaire. Il faut donc rassurer Nehru. Dans un rapport, daté du 27 février 1965 et envoyé aux ambassades américaines à Moscou, à Tel-Aviv et le Consul américain à Hong Kong, le Départment d’État, (page 4, point numéro 5), fait allusion aux assurances de soutien de Washington à Nehru lors de la visite du Président Eisenhower en 1959. Nehru aurait, selon le document, demandé l’aide militaire américaine en 1962. La note souligne aussi que les États-Unis ne peuvent aller au-delà des assurances et qu’ils entendent défendre l’Inde en cas d’attaque chinoise (Annexe 85, p. 2, §. 2) 477 . Un an après, le 29 mars 1966, le Secrétaire d’État Dean Rusk écrit une note dans laquelle il souligne que les indiens ont pris la décision de développer un programme nucléaire militaire. Il souligne aussi que si c’est le cas, l’Inde sera en mesure de procéder à son premier test nucléaire dans un an. Le Secrétaire Rusk demande à l’ambassade américaine à New Delhi de lui fournir toute information utile à ce sujet. L’Inde possède un réacteur nucléaire canadien. New Delhi a des accords avec le Canada et les États-Unis de n’utiliser ce réacteur qu'à des fins pacifiques. Mais l’Inde, selon la note de Dean Rusk, à suffisamment de plutonium pour procéder à la fabrication de la bombe atomique (Annexe 86) 478 . Malgré les oppositions internes, l’Inde poursuit son programme nucléaire. Suite à l’essai chinois du 24 octobre 1964, le Président de la Commission de l’énergie atomique indien, annonce que son pays procédera peut-être à la fabrication de l’arme nucléaire, sauf si des pas significatifs sont faits pour un désarmement général. Dix ans plus tard, en mai 1974, l’Inde procède à son premier test nucléaire. Deux semaines après ce test, un rapport écrit par le Department of State estime que l’essai indien a pour but de dissuader la Chine. Le rapport prévoit un deuxième essai indien avec des moyens plus sophistiqués. Un rapport, rendu partiellement illisible, souligne que l’essai indien a eu des effets au Pakistan et que ce pays déclare son inquiétude. La page 2 du rapport (le deuxième point : Reactions to the Test), on lit l’impact du test au Pakistan, puis la suite est rayée avec du noir (Annexe 87) 479 . En janvier 1967, suite à une étude sur le programme nucléaire indien effectuée par le Department of State, une note du Pentagone -adressée au Secrétaire à la Défense-, donne lieu à la conclusion suivante : « les efforts des États-Unis, pour dissuader un État de prendre sa propre décision d’acquérir des armes nucléaires, ont probablement peu de valeur. » C’est ce qu’on lit dans cette note du Pentagone, datée du 4 janvier 1967 (Annexe 88, p. 1, §. 2) 480 . Une autre note issue du Pentagone et adressée au département d’État, est écrite suite à l’étude mentionnée ci-dessus et à l’issue d’un examen d’un rapport présenté par un groupe de travail consacré à la question des armes nucléaires indiennes. Cette note, datée du 7 janvier 1967, préconise que « le moment n’est pas approprié pour prendre la décision d’une politique ferme vis-à-vis de la non-prolifération. » (Annexe 89) 481 . « However, in light of current activities in the non-proliferation area we do not believe that this is an appropriate time to make firm policy decision on these issues. »

Notes
477.

Annexe 85, State Department Telegram for Governor Harriman from the Secretary, February 27, 1965. Source : National Security Archive, Subject-Numeric File, 1964-1966; Central Files of the Department of State, Record Group 59; National Archives, Washington, D.C.

478.

Annexe 86, State Department Cable, “Possible Indian Nuclear Weapons Development”, March 29, 1966 (secret). Source : National Security Archive, Subject-Numeric File, 1964-1966; Central Files of the Department of State, Record Group 59; National Archives, Washington, D.C.

479.

Annexe 87, “Assessment of Indian Nuclear Test” Jun 5, 1974, (secret), Source : National Security Archive. Declassified in response to a Freedom of Information Act request.

480.

Annexe 88, Memorandum for the Secretary of Defense: “The Indian Nuclear Weapons Problem : Security Aspects”, January 4, 1967, attached to a letter from Morton H. Halperin, special Assistant to the Secretary of Defense, to Douglas Heck of the State Department (SECRET). Source : Subject-Numeric File, 1967-1969; Central Files of the Department of State, Record Group 59; National Archives, Washington, D.C.

481.

Annexe 89, Letter from Morton H. Halperin, special Assistant to the Secretary of Defense, to Douglas Heck of the State Department (SECRET), Source : Subject-Numeric File, 1967-1969; Central Files of the Department of State, Record Group 59; National Archives, Washington, D.C.