Le comité Gilpatric

Un mois après le 1er essai nucléaire chinois, Johnson choisit une dizaine de spécialistes américains dans le domaine nucléaire, formant ainsi un comité présidé par Roswell L. Gilpatric ( 482 ). Connu sous le nom du comité Gilpatric, il a la mission d’étudier le problème de la prolifération nucléaire et de répondre à la question suivante : comment les États-Unis peuvent-ils combattre la prolifération ? Cela montre, non seulement que la situation de la prolifération impose une réflexion profonde en la matière, mais aussi qu’après l’essai chinois, la politique américaine contre la prolifération est fragmentée. Ceci est un constat selon lequel les États-Unis manquent d’une politique cohérente, logique et bien coordonnée face au problème de la prolifération. À ce sujet, il y a déjà des questions préliminaires posées avant même la constitution du Gilpatric Committee : la prolifération nucléaire peut-elle être inévitable ? Si elle est inévitable, est-elle mauvaise pour les États-Unis ? Après deux mois, le groupe de travail du comité Gilpatric rend au Président, le 21 janvier 1965, un long rapport de 22 pages (Annexe 91) 483 .

Ce rapport constitue un travail d’analyse en profondeur sur le problème de la prolifération nucléaire. Extrêmement précis, ce document tire un certain nombre de conclusions. Par exemple, la prolifération nucléaire pose une menace de plus en plus grave pour la sécurité des États-Unis. Le comité prend une position universelle englobant tous les cas de prolifération, sans désigner des catégories de proliférateurs selon des critères amis/ennemis. Selon ce rapport, la prolifération augmente les soupçons et les hostilités des pays voisins à l’égard des nouvelles puissances nucléaires. Le comité Gilpatric souligne que la prolifération nucléaire réduirait également l'influence des États-Unis dans le monde entier : « notre influence diplomatique et militaire s'affaiblirait, et des pressions fortes surgiraient afin d’éviter le risque d’une guerre nucléaire » écrit le comité. Le rapport Glipatric formule clairement que le monde s’approche rapidement d’un point de non-retour dans la perspective de contrôler la prolifération d’armes nucléaires. D’après les conclusions du comité, « la prévention et la lutte contre la prolifération demandent des efforts et une coopération intensive à mener de concert avec les autres puissances nucléaires. » Le rapport Gilpatric, en classant Israël parmi ces pays non nucléaires, recommande spécifiquement (page 12), « qu’aussi longtemps que l’État hébreu restera un État non nucléaire, nous devrions continuer à lui donner des assurances de sécurité. Nous devrions notifier clairement aux Israéliens que ces assurances seraient retirées s’ils développaient des armes nucléaires et que nous serions disposés à considérer d'autres mesures », note ce rapport top secret daté du 21 janvier 1965. Les recommandations Gilpatric sont présentées le jour même au Président Johnson. Le contenu du rapport, pourtant hautement confidentiel, est politisé et devient sujet d’un débat public.

Notes
482.

Roswell Leavitt Gilpatric, ex sous-secrétaire à la Défense.

483.

Annexe 91, A Report to the President, The Committee on Nuclear Proliferation. National Security Archive, Electronic Briefing Book No. 1, “As Explosive as a Nuclear Weapon”: The Gilpatric Report on Nuclear Proliferation, January 1965. Source : Freedom of Information Act request to State Department. Foreign Relations of the United States, Arms Control and Disarmament, 1964-1968, Volume XI, Gilpatric Report.