Le sommeil paradoxal de Dimona

Paradoxalement, on n’en parle plus depuis et l’une des conséquences majeures de la guerre de 1967, est d’ordre militaire. En Égypte, la défaite impose le besoin urgent de se réarmer. En Israël, le Tsahal commence l’élaboration d’une ligne infranchissable tout au long de la rive orientale du canal : la ligne Bar Lev. C’est ce qui fait que le Caire se concentre sur un objectif : traverser le canal et reprendre le Sinaï et ce, malgré l’arsenal nucléaire israélien. En 1967, Washington a la certitude que Tel-Aviv détient la bombe nucléaire. On n’évoque plus la question de Dimona et la mise en place du TNP oriente les discussions vers sa signature ou non. À la suite de la guerre de 1967, la CIA souligne que Dimona devient un casse-tête et un sujet embarrassant aussi bien pour Washington que pour Tel-Aviv. La guerre des Six jours humilie l’armée égyptienne. Nasser se tourne alors vers Moscou. Pour Washington, et depuis l’échec de contenir Nasser, il est clair pour l’administration américaine que trouver une fin à ce dossier relève du miracle. Les efforts de l’administration Kennedy pour rassurer Nasser n’ont pas abouti. C’est ce qui ressort des rapports du directeur de la CIA de l’époque Richard Helms et les notes de l’ambassadeur de Washington à Tel-Aviv. Peu avant la guerre de 1967, les Américains ont des informations claires selon lesquelles les Israéliens passent à la fabrication de la bombe nucléaire. Paradoxalement, note la FAS, (Federation of American Scientists), c’est le moment où la question nucléaire israélienne entre dans l’oubli. Lorsque l’ambassade de Tel-Aviv notifie au Department of State, que les Israéliens ont équipé des missiles avec des têtes nucléaires, le message se perd dans la bureaucratie et n’a jamais eu une suite souligne la FAS ( 565 ).

Il faut attendre près de 20 ans, pour que Mordechaï Vanunu réveille le monstre de son long sommeil. Un mois après la fin de la guerre d’usure, et en septembre 1970, Nasser, suite à une attaque cardiaque est décédé. Le nouveau Président, Anouar El-Sadate, réalise immédiatement que Dimona est un tabou non seulement israélien mais aussi international que l’on ne peut pas aborder avec Washington. Il réalise aussi que les problèmes économiques et sociaux en Égypte sont plus urgents que le conflit avec Israël. Sadate opte alors pour la logique de paix. Il pense qu’en œuvrant pour la paix, l’Égypte peut réduire ses énormes dépenses militaires et obtenir l’aide et l’assistance américaine. Il essaie par la voie diplomatique de regagner les pertes territoriales et surmonter le sentiment de l’humiliation arabe subie il y a trois ans lors de la guerre des Six jours. Il entreprend alors une initiative en 1971, visant à échanger la terre contre la paix. En février 1971, le nouveau Président déclare devant son Parlement : « si Israël retirait ses forces du Sinaï, je serais disposé à rouvrir le canal de Suez. Pour que mes forces traversent vers l’Est du canal de Suez, je suis prêt à faire une déclaration solennelle d'un cessez-le-feu. Je suis aussi prêt à constituer des relations diplomatiques avec les États-Unis et signer un accord de paix avec Israël. »

Ces tentatives n’aboutissent à rien et Sadate se voit confronté à la position d'un statu quo. Il réalise alors qu’il doit défier la dissuasion afin d’aboutir à la paix. Pour le raïs, il faut une action forte. Mettre à mal la dissuasion israélienne, tel est le pari que Sadate s’est fixé et il va réussir son pari. C’est ce que nous allons développer dans le volet suivant, consacré à la guerre de 1973.

Notes
565.

“Weapons of Mass destruction, Israel’s Nuclear Weapons”, Federation of American Scientists.