Les bénéfices du déni

Pourquoi Israël nie toujours le fait d’avoir des armes nucléaires ? La question est posée au Président Herzog en 1995, lors d’une conférence de presse. Il répond « qui dit que nous les avons ? » Les questions pressent et le Président israélien répond à une autre question : avez-vous des armes nucléaires ? « La réponse est non », répond M. Herzog. D'après Emily Landau (1998) 673 , le changement vers une politique nucléaire explicite serait inutile et indésirable au stade actuel pour les raisons suivantes : la politique de négation suivie par les gouvernements successifs a permis aux décideurs israéliens de laisser leurs voisins dans le flou, et en même temps d’éviter une suspension de l’aide américaine. Pour certains, le consensus fonctionne entre Tel-Aviv et Washington, le premier nie et le deuxième ne dit rien : le débat n’a pas raison d’être et cela marche. Malgré l’ambiguïté, la pensée stratégique des États arabes intègre et prend en compte que les Israéliens possèdent les armes nucléaires et qu'ils peuvent s’en servir lors d’une situation de dernier recours. Prouver que la dissuasion a réussi est une affaire difficile empiriquement, (les raisons d’échec de la dissuasion sont nombreux), il semblerait que l'effet préventif de la politique israélienne de l'ambiguïté nucléaire a jusqu'ici réussi, écrit Josef Fitchett (1997) 674 . Un changement de la politique d’ambiguïté serait interprété comme une escalade de défis nucléaires augmentant inutilement et dangereusement des tensions régionales. La question de la prolifération monte à la surface dans le monde entier, et en Israël un débat public autour de l’arme nucléaire s’intensifie. D’abord en mai puis en juillet 1998. En mai, lorsque le Pakistan procède à deux essais nucléaires : le premier le 28 et le second deux jours après, le 30 mai 1998. Trois semaines plus tôt, le 11 mai 1998, l’Inde procèdait à un essai nucléaire ( 675 ). En juillet 1998, lorsque l'Iran procède à un test du Shihab-3, un missile balistique capable de frapper Israël. L’État hébreu craint qu’en plus de l’Inde et du Pakistan, d’autres pays dans le Moyen-Orient comme l'Iran puissent être encouragés à développer les armes nucléaires. Jusqu’en 2003, l’Irak, avant l’occupation américaine, était considéré comme une menace plus forte que l’Iran.

Shai Feldman (1998) 676 , explique qu’Israël ne peut suivre l’exemple pakistanais et conduire un essai nucléaire, pour des raisons de coûts et de bénéfices. Les coûts d’un tel essai sont beaucoup trop élevés pour Israël par rapport aux bénéfices. Lorsque Shimon Pérès déclare qu’ « Israël a bâti son option nucléaire non pas pour avoir Hiroshima mais plutôt pour avoir Oslo », il ajoute lors de sa visite en Jordanie à la mi-juillet 1998, « nous pensons que les raisons pour lesquelles Israël s’est fait attaqué cinq fois sans aucune provocation ont eu lieu car certains de nos voisins ont pensé qu'ils pourraient nous maîtriser. » Pérès aborde alors la question de la dissuasion israélienne et ajoute « nous avons voulu créer une situation dans laquelle cette tentation (d’attaques) n'existerait plus. Je pense que sans elle (l’arme nucléaire), nous n'aurions pas eu les accords » (Annexe 183) 677 .

Notes
673.

Emily Landau, “Change in Israeli Nuclear Policy ?” Strategic Assessment, Vol 1, N° 1, (March 1998).

674.

Joseph Fitchett, “Israeli Reaction to Iran's Buildup Is Heightening Nuclear Fears in Mideast”, International Herald Tribune, 19 décembre 1997.

675.

The Canadian CTBC National Data Center et Canadian National Seismograph Network.

676.

Shai Feldman, “The Nuclear Test in South Asia: Implications for the Middle East,” Strategic Assessment, Vol. 1, N. 2, Juin 1998.

677.

Annexe 183, “Peres Admits Israeli Nuclear Capability”, Israel Special Weapons News 1998, (IsraelWire-7/14), July 14, 1998, 8:13 a.m. Voir aussi : Jerusalem Post Daily, Internet Edition, 14 juillet 1998.