Chapitre VIII : le débat historique

Depuis l’annonce faite par David Ben Gourion devant les députés de la Knesset en décembre 1960, aucun débat n’a été tenu au parlement israélien. En janvier 2000, et pour la première fois dans l'histoire de l'État hébreu, la question du nucléaire israélien figure sur l'agenda politique des députés de la Knesset. Le débat, qui a lieu au début du mois de février 2000, est sans précédent. Toutefois, ce débat ne marque pas un changement profond dans la ligne politique officielle suivie par les décideurs israéliens depuis quatre décennies et qui consiste à maintenir une ambiguïté officielle autour de l'arsenal nucléaire israélien. Rappelons que malgré la politique d'ambiguïté, l'État hébreu est crédité par les experts de détenir entre 200 et 300 têtes nucléaires ( 719 ). Israël, qui a secrètement obtenu la technologie nucléaire, n'a jamais reconnu la possession de l'arme nucléaire et les discussions autour de ce sujet constituent un tabou israélien. Elles ont toujours eu lieu à huis clos parmi les membres du comité parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset.

Le débat de 52 minutes a lieu le 02 février 2000. Il marque un fait sans précédent en Israël. C’est le seul et unique débat à la Knesset autour de l’arme nucléaire en 50 ans d’existence. Jean Shaoul (2000) 720 , explique que tous les gouvernements depuis la création de l’État d’Israël, ont refusé de débattre ou de soumettre ce sujet devant les députés de la Knesset. Lors de ce premier débat, le député de la Hadash, Issam Makhoul, formule une demande afin d’avoir des clarifications sur la nature de la doctrine nucléaire israélienne. Il explique que la politique israélienne en matière nucléaire va à l’encontre du concept de la dissuasion. Il souligne que « si les gouvernements successifs ont expliqué que l’arsenal nucléaire israélien a une vocation de dissuasion, cela signifie que plusieurs centaines de bombes, que l’État hébreu possède déjà, doivent sans cesse augmenter en nombre pour remplir cette vocation. Ces arguments accélèrent de plus en plus la spirale de la course d’armes non-conventionnelles avec des coûts exorbitants de Milliards de Dollars » (Annexe 184) 721 . Le député du parti communiste israélien M. Makhoul, écrit dans son discours que : « l’arsenal nucléaire israélien peut tourner cette petite pièce de territoires en une benne d’ordures nucléaires. Empoisonnant, il peut tous nous mettre dans le nuage du champignon. (…) Les citoyens israéliens ont été tenus à l’écart par rapport à l’arme nucléaire et par rapport au vieillissement de la centrale de Dimona. Ce réacteur pose une énorme menace environnementale. » Hormis l’aspect politique et l’ambiguïté qui entourent le nucléaire israélien s’ajoutent d’autres questions relevées par la presse israélienne durant cette période. Parmi elles, les effets néfastes sur l’environnement et l’état dégradé du réacteur de Dimona. Dans deux articles publiés par le quotidien Yédiot Ahronot début février (2000) 722 , on lit qu’un ancien ingénieur à Dimona aurait mis en garde le gouvernement israélien sur des dangers pouvant être provoqués par l’état dégradé du réacteur. D’après Uzi Even (du parti Meretz), le réacteur de Dimona s’utilise de façon surchargée et cela accélère le vieillissement du réacteur. Les articles du quotidien israélien expliquent que des photos prises en 1989, par des satellites espions russes, montrent une anomalie autour du site de Dimona. Cela est interprété comme des effets des déchets nucléaires enfouis près de la centrale (Annexe 174) 723 . « Il n'y a aucune raison qui empêche un pays démocratique de débattre sur ce sujet » explique Avraham Burg, porte-parole du parlement. Mais au fond, quelles sont les raisons qui ont empêché ce débat d’avoir lieu durant environ 40 ans ; autrement dit pourquoi maintenant ?

Notes
719.

Bulletin of Atomic Scientists, vol. 59, N. 2, avril 2003, pp. 74–77. Voir aussi : Bulletin of Atomic Scientists, Vol. 58, N. 5, septembre/Octobre 2002, et Bulletin of the atomic scientists, vol. 58, N. 6, novembre/décembre 2002.

720.

Jean Shaoul, “Israel admits stockpiling nuclear weapons”, Fourth International, février 2000.

721.

Annexe 184, Knesset Debate on Nuclear Weapons. Voir aussi : Disarmamant Diplomacy, N. 43 Janvier/février 2000.

722.

Yédiot Ahronot, 6 février 2000, pp. 1 et 5, “Close the Nuclear Reactor in Dimona”, Guy Leshem.

Yédiot Ahronot, 6 février 2000, p. 5, “Reactor Structure Fragile, Environment Poisoned”.

723.

Annexe 174, AFP, 8 août 2004. En août 2004, Israël commence à distribuer des pilules d'iode aux personnes vivant près de ses deux réacteurs nucléaires pour prévenir le risque de radiations en cas de dommages aux installations nucléaires, indique un communiqué du porte-parole de l'armée. “Les tablettes de Lugol à l'iode fournissent une protection contre la radio-activité en cas de risque majeur de dommage à un centre de Recherches nucléaires, indique le communiqué. Il précise que des soldats apportent ces tablettes au domicile des personnes concernées et qu'un centre de distribution est en outre ouvert sous le contrôle de spécialistes. Des pilules de Lugol contenant de l'iode sont stockées depuis une vingtaine d'années au ministère de la Santé et doivent être distribuées progressivement d'ici deux mois à titre préventif, selon la déclaration, en juin 2004, du porte-parole du ministère de la Défense à Tel-Aviv. Nous avons pris cette décision parce que des rapports ont prouvé que ces pilules sont efficaces et devraient être ingérées au plus vite en cas d'augmentation des radiations autour des réacteurs de Dimona et Nahal Sorek”, écrit le ministère.