Pourquoi maintenant ?

Deux mois avant le débat, le quotidien populaire Yédiot Ahronot en (1999) 724 , publie dans son édition du 26 novembre, des extraits du rapport du procès de Mordechaï Vanunu ( 725 ). Condamné à 18 ans de prison, cet ingénieur israélien est le premier à révéler des informations secrètes sur le programme nucléaire israélien avec des photos de la centrale de Dimona au Sunday Times en octobre 1986. Les extraits du rapport Vanunu, sont rendus publics deux jours auparavant, le 24 novembre 1999, après autorisation du Procureur de la république. C’est suite à une pétition signée quatre ans auparavant en 1995, que la décision de la justice donne son avis pour autoriser la publication.

Le gouvernement demande alors du temps afin de prendre la décision concernant ce qui doit être publié, alors que les éditorialistes des différents journaux parlent des bienfaits de l’acte de Vanunu pour la doctrine de la dissuasion israélienne. Pour la majorité d’entre eux, le cas Vanunu renforce le facteur de la dissuasion israélienne en admettant qu’il est toujours utile de maintenir une politique d’ambiguïté nucléaire, comme c’est le cas de la ligne suivie par les gouvernements successifs en Israël. Cette ligne d’ambiguïté repose sur la base de la promesse maintes fois reprise et répétée par l’État hébreu. La devise de cette promesse est qu’« Israël ne sera pas le premier à introduire les armes nucléaires dans le Moyen-Orient. »L’un des plus connus des analystes militaires en Israël, Ron Ben Ishai, écrit, dans Yédiot Ahronot, en novembre (1999) 726 , que les deux facteurs, -la promesse et la politique de l’ambiguïté- sont essentiels pour la politique nucléaire israélienne.

Ils permettent ainsi aux États-Unis et aux pays de l’OTAN de demander à la Russie et à la Chine de ne pas fournir la technologie nucléaire à l’Iran. Ils permettent aussi aux États-Unis de ne pas être taxés de double langage en n’ayant pas pris des mesures de prévention à l’égard du programme nucléaire israélien (Jean Shaoul, 2000) 727 . La publication du rapport Vanunu réside derrière le motif de la demande faite par le député Issam Makhoul, d’un débat parlementaire élargi au sujet du programme nucléaire israélien. Cette demande n’obtient pas une réponse favorable de la part du Président de la Knesset, Avraham Burg. Ce dernier, propose un débat à huis clos en présence du comité parlementaire des Affaires étrangères, avançant ainsi des considérations de sécurité nationale. Le député Makhoul, qui refuse cette idée, décide de porter l’affaire devant la Haute Cour de Justice demandant un débat public à la Knesset. Une médiation est alors entamée par le député de la Knesset, et Président du Comité de Sécurité et des Affaires étrangères, Dan Meridor. La médiation de M. Meridor et les discussions avec Chaim Ramon, chargé de liaison entre le Premier ministre et la Knesset ont permis que M. Burg, le Président du Parlement, accepte la tenue du débat à la Knesset ( 728 ).

Lorsque le débat a lieu, en signe de désaccord, plusieurs députés quittent l’hémicycle de la Knesset. D’autres préfèrent rester et protester contre le simple fait d’autoriser de débattre la question nucléaire au sein du Parlement. Le Président de la Knesset est même obligé de demander à certains députés contestataires de quitter l’hémicycle. Une semaine plus tard, un vote a lieu afin que les députés se prononcent s’il faut organiser un deuxième débat réunissant la totalité des membres de la Knesset. Seuls 16 députés votent pour, mais 61 votent contre, sur un total de 120 sièges. Aucun député du gouvernement ne vote en faveur. Ce débat, selon Merav Datan (2000) 729 , brise le glacier. Appelé option nucléaire par certains ou arsenal nucléaire par d’autres, le secret israélien est maintenant ouvert. Ce sujet, explique M. Datan, est de moins en moins entouré de discrétion et cela ne pourra plus rester exclu de la vie politique et des débats à la Knesset comme c’était le cas jusqu’à présent.

Notes
724.

Ron Ben Ishai, “Ambiguity Wins”, Yédiot Ahronot, Supplément du Samedi, 26 novembre 1999, p. 6.

725.

Libéré après 18 ans de prison, en avril 2004, il a été condamné à la prison suite à ses révélations au Sunday Times en octobre 1986.

726.

Ibid.

727.

Jean Shaoul, “Israel admits stockpiling nuclear weapons”, Fourth International, février 2000.

728.

Pour plus d’articles sur ce débat, voir aussi : Nina Gilbert, Hadash MK's debate of Israeli nuclear policies stirs Knesset storm, The Jerusalem Post, 3 février 2000, p. 2 ; Aviv Lavi, “Atom and Impenetrability”, Haaretz, 7 février 2000 ; Guy Leshem, “Close the Nuclear Reactor in Dimona”, Yédiot Ahronot, 6 février 2000, pp. 1 et 5 ; “Reactor Structure Fragile, Environment Poisoned”, Yédiot Ahronot, 6 février 2000, p. 5 ; “With all due caution”, Haaretz, 4 février 2000, p. A 4 ; Gerald Steinberg, “The Knesset's Nuclear Farce”, The Jerusalem Post, 8 février 2000.

729.

Merav Datan, “Relaxing the Taboo : Israel Debates Nuclear Weapons”, Disarmament Diplomacy, Issue N. 43, fevriér 2000.