Justifier l’usage des armes nucléaires

Depuis 1991, une forte majorité de la population israélienne (tableau 2), justifie l’usage des armes nucléaires (plus de 80% en 1991, contre 36% en 1986). En 1991, la question des armes nucléaires s’impose au devant de la scène, suite à la guerre du Golfe. Les armes nucléaires, perçues comme une menace majeure par les israéliens, le soutien au recours à ces armes en cas de besoin s’est cristallisé dans l’opinion publique. C’est non pas parce que l’opinion israélienne change à propos de ces armes, mais c’est parce que les Israéliens sentent la menace représentée par ces armes. Ils ont toujours placé la menace des armes non-conventionnelles au premier plan (armes fortement menaçantes).

Tableau 2. Justifier l'usage des armes nucléaires. B : question non posée, C : en 1998, la question était (pour sauver beaucoup de vies)
  1986 1987 1991 1993 1998
Justifier le recours aux armes nucléaires 36% 53% 88% 67% 80%
En réponse à une attaque nucléaire B 99% 99% 98% 99%
En réponse à une attaque biologique ou chimique B B 85% 84% 86%
Lors d’une situation de défaite militaire 91% B B B B
Pour éviter une défaite lors d’une guerre B 60% 53% 58% 45%
Pour sauver beaucoup de vies humaines 63% 53% 48% 41% 25%
Pour sauver peu de vies humaines 18% 19% 20% 17% C
Si le Golan est pris B B B 18% 21%
Au lieu d’utiliser l’armée 13% 13% 12% 8% 12%

Depuis plusieurs années le centre des Études Stratégiques de Tel-Aviv effectue des enquêtes pour mesurer l’état de l’opinion israélienne concernant la politique nucléaire de l’État hébreu. Les trois question qui sont posées chaque année sont : Israël doit-il, ou ne doit-il pas, développer des armes nucléaires ? Si les armes nucléaires israéliennes existent, doivent-elles ou ne doivent-elles pas être tenues secrètes ? Sous quelles conditions le recours aux armes nucléaires serait-il justifié ? En 1998, 92% soutiennent le fait qu’Israël développe des armes nucléaires. Peu de changement par rapport à 1991. Il y a alors 91% de personnes interrogées qui estiment que l’État hébreu doit se doter des armes nucléaires. (14 points en hausse par rapport à 1987). 78% des israéliens expriment le soutien à l’idée de doter l’armée israélienne des armes nucléaires. Dans cette enquête, Arian Asher note que les Israéliens ont tendance à vouloir maintenir l’incertitude autour de la question nucléaire. Une grande majorité des personnes interrogées soutient la politique de discrétion. Il y a une augmentation spectaculaire passant de 36% en 1986, à 80% en 1998, à propos du soutien de l’usage des armes nucléaires (tableau 3).

Tableau 3. Justifier le recours aux armes nucléaires
  1986 1987 1991 1993 1998
Justifier le recours aux armes nucléaires 36% 53% 88% 67% 80%

En 1991, le taux de soutien a largement augmenté suite à la guerre du Golfe. Mais il faut noter qu’entre 1986 et 1998, ce soutien est aussi en augmentation. 1991 et 1998 sont les deux années où le soutien à l’usage des armes nucléaires est le plus fort. En 1991, cela coïncide avec la guerre du Golfe, et en 1998, cela coïncide avec la crise entre les inspecteurs en armements de la commission spéciale des Nations unies (UNSCOM) et l’Irak. (Crise aboutissant à l’expulsion des inspecteurs de l’Irak et une série d’attaques aériennes massives par l’aviation américano-britannique en Irak). Sous quelle condition les armes nucléaires peuvent-elles (si Israël possédait ces armes), être utilisées ? À propos des conditions dans lesquelles l’armée israélienne peut avoir recours aux armes nucléaires, l’enquête d’Arian Asher montre un taux très élevé dans l’opinion israélienne sans hésitation pour l’usage des armes nucléaires (tableau 4).

Tableau 4. Les conditions d'usage des armes nucléaires (si elles existaient).
  1986 1987 1991 1993 1998
Répondre à une attaque nucléaire B 99% 99% 98% 99%
Eviter une défaite militaire B 60% 53% 58% 45%
Suite à une attaque biologique ou chimique B B 85% 84% 86%

La majorité des israéliens justifie le recours aux armes nucléaires suite à une attaque avec des armes non-conventionnelles de la part d’un autre pays. Le soutien à l’usage des armes nucléaires pour éviter une défaite militaire est quant à lui en baisse constante entre 1987 et 1998. Contrairement à d’autres pays, en Israël, on trouve une corrélation forte entre le niveau d’études et le soutien à l’usage des armes nucléaires. Entre les personnes ayant un niveau minimum d’éducation on trouve en 1987, que 68% soutiennent qu’Israël doit détenir l’arme nucléaire. Ils sont 41% à exprimer qu’il y a certaines conditions qui justifient que l’armée peut avoir recours à ces armes. Une comparaison avec les personnes ayant un maximum de niveau d’éducation, on trouve respectivement que 81% perçoivent une menace forte de la part des voisins arabes et soutiennent la possession d’armes nucléaires et 61% d’entre eux soutiennent le recours à ces armes en cas de besoin.

Les personnes âgées de 66 ans et plus, soutiennent très fortement la possession et l’usage des armes nucléaires. La perception des armes nucléaire en Israël est différente, note Arian Asher de celle des Américains ou des pays occidentaux durant la guerre froide. L’usage des arme nucléaire n’est justifié que dans des cas précis : une guerre totale et généralisée et non pas lors d’une guerre régionale. Toutefois, la crainte par rapport à l’usage des armes de destruction massive est justifiée, en Occident, par les résultats désastreux causés par ces armes -un anéantissement mutuel-. C’est comme exemple un sondage daté de 1984, où selon lequel 96% des Américains pensent qu’une guerre nucléaire est trop dangereuse et 89% trouvent que cela détruira l’humanité (Daniel Yankelovich, John Doble, 1984) 736 . L’étude d’Arian Asher montre que la division gauche/droite et l’appartenance à un des partis politiques est un facteur qui influe l’opinion des sujets à propos des armes nucléaires. En ce qui concerne la question de possession et d’usage des armes nucléaires, on trouve dans une étude effectuée en 1987, qu’il y a une corrélation entre le jugement des sujets et leur autoclassement sur une échelle continue gauche/droite -notamment pour les partis de l’extrême droite et extrême gauche-. Un peu moins que la moitié de ceux qui se sont, en 1987, autoclassés comme votant à gauche, répondent que certaines conditions justifient le recours aux armes nucléaires en cas de besoin. En 1988, cette distinction d’appartenance à une famille politique, n’a pas eu d’effet. Une majorité des sujets, toutes tendances politiques confondues, ont répondu sans beaucoup de différence significative. Parmi eux, 70% trouvent qu’il y a des conditions qui justifient l’usage des armes nucléaires. Le caractère de non-politisation de la question des armes nucléaires en Israël et la non-signification de types de réponses deviennent particulièrement frappants lorsqu’on compare, à propos des armes nucléaires, l’opinion israélienne et l’opinion publique dans d’autres pays comme l’Allemagne, Hans Rattinger, (1987) 737 , en Nouvelle-Zélande, James Lamare (1989) 738 ou aux États-Unis, Joan Gildemeister et Hans Furth (1989) 739 . Selon un découpage gauche/droite, les Israéliens favorisent l’idée du contrôle des armes non-conventionnelles. Ils sont par ailleurs beaucoup moins favorables à un contrôle vis-à-vis des armes conventionnelles. En 1998, 82% d’entre eux sont favorables à l’interdiction totale à toutes les armées de la région, y compris l’armée israélienne de la possession d’armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Seulement 56% sont favorables à la réduction des effectifs des armées.

Tableau 5. Interdiction des armes de destruction massive dans la région
  1991 1993 1996 1998
Interdire les ADM à tous les pays de la région 75% 71% 43% 82%
Interdir la fourniture d’armes de l’étranger à tous les pays 64% 66% 57% 63%
Elargir la zone démilitarisée 60% 67% 65% 68%
Réduire les effectifs des armées 54% 56% 56% 56%

La plus populaire des questions est celle relative à l’élargissement de la zone démilitarisée. Près des deux tiers 63%, sont favorables à la prévention en interdisant toute fourniture d’armes à tous les pays de la région et 82% sont favorables à l’interdiction des ADM dans toute la région (tableau 5).

Notes
736.

Daniel Yankelovich et John Doble, “Nuclear Weapons and the USSR : The Public Mood”, Foreign Affairs, vol. 63, N. 1, fin 1984.

737.

Hans Rattinger, “Change Versus Continuity in West German Public Attitudes on National Security and Nuclear Weapons in the Early 1980s”, Public Opinion Quarterly, N. 51, 1987, pp. 495-521.

738.

James W. Lamare, “Gender and Public Opinion: Defence and Nuclear Issues in New Zealand”, présenté lors du meeting de American Political Science Association, à Atlanta, en 1989.

739.

Joan E. Gildemeister, Hans Furth, “Attitudes Toward Nuclear Issues: Perspective of 'Hard Liner' and 'Soft Liner' College Students”, présenté lors du meeting de : The International Society of Political Psychology, à Tel Aviv, en 1989.