Cacher le révélateur

Le Sunday Times, après s'êtreassuré que les photos et les informations avancées par Mordechaï Vanunu étaient authentiques, et après avoir eu les avis des experts nucléaires, loue un appartement pour Vanunu, qui le prend sous une fausse identité, -loin de Londres et loin de la portée du Mossad-. Dans la dernière ligne droite avant la publication, Vanunu logera dans des hôtels à Londres même. Le Sunday Times mesure l’importance des informations et leurs conséquences. La publication est retardée et le mois de septembre approche à sa fin sans la sortie de l’article. Vanunu devient anxieux et prend contact avec le Sunday Mirror. Les journalistes du tabloïde britannique estiment que l’histoire vaut de l’or. Ils décident une publication et la planifient pour le 28 septembre 1986. L’article devait sortir sous le titre : The Strange Case of Israel and the Nuclear Conman.Mais, à la dernière minute -et vu l’importance du sujet-, le patron, Robert Maxwell en personne, interdit la publication de la révélation en qualifiant son contenu de faux. Une semaine après, c’est le Sunday Times qui, en exclusivité, imprime 6000 mots “exclusifs“. On parle de Vanunu dans la presse mais personne ne sait ce qu’il est devenu. Six semaines plus tard, le gouvernement israélien annonce l’arrestation de M. Vanunu. Le directeur adjoint à l’information du Sunday Times Ivan Fallon reconnaît plus tard que la rédaction aurait pu prendre des mesures plus sérieuses, pour protéger sa source. Ivan Fallon dira qu’ils étaient tous naïfs. Selon l’hebdomadaire, le Jewish Journal, du 13 juin 1997, la Maison Blanche refuse de donner une suite favorable à une demande du Congrès, visant à intervenir dans le cas de Mordechaï Vanunu. Treize membres du Congrès -avec en tête le républicain Ronald Dellums d'Oakland-, demandent au Président Bill Clinton de « persuader les dirigeants israéliens de libérer M. Vanunu pour des raisons humanitaires. » Quant au Departement of State, il estime que l’affaire Vanunu est une affaire israélienne, selon les déclarations de Barbara Larkin -assistante au secrétariat d’État aux affaires législatives- dans sa réponse à une lettre envoyée par Amnesty International. Barbara Larkin souligne que les États-Unis n’ont aucune information relative à un mauvais traitement de Vanunu en prison, écrit Fredrik Heffermehl (1997) 744 .

15 experts internationaux ainsi que l’un des prix Nobel de la physique en 1995, Joseph Rotblat, signent en 1995, un ouvrage consacré à l’histoire de M. Vanunu. Ils donnent à travers son exemple un panorama complet du contexte de la sécurité au Moyen-Orient. Les experts adressent aussi une lettre au Président israélien M. Ezer Weizman, suite à une conférence à Tahiti (21-28 janvier 1997), demandant son intervention pour la libération de Vanunu. Le 14 juin 1990, une résolution est adoptée par le Parlement Européen, statuant que Vanunu a été enlevé illégalement. En plus, des appels de députés demandent au Président israélien une grâce présidentielle, des appels s’élèvent aussi pour la nomination de Vanunu comme candidat au prix Nobel de la paix en 1991, Paolo Farinella et Venance Journe (1991) 745 . Chaque année, le 30 septembre (date anniversaire de l’enlèvement de M. Vanunu), des militants des organisations des droits de l’Homme se rassemblaient devant la prison d’Ashkelon. Le 22 septembre 1998, les manifestants se sont donnés rendez-vous devant le site de Dimona. Les manifestants essayent alors de pénétrer dans l’enceinte de la centrale nucléaire israélienne. La police interpelle une dizaine d’entre eux tandis qu’une cinquantaine de manifestants tiennent un sit-in de protestations -à trois kilomètres du site-, contre l’armement nucléaire israélien et pour la libération de Vanunu. Ils réclament que la centrale soit ouverte à l’inspection internationale et qu’un contrôle public soit organisé pour ses déchets nucléaires. Ces manifestations sont organisées suite à l’appel du Comité public israélien pour la libération de Vanunu et pour un Moyen-Orient dénucléarisé.

Notes
744.

Fredrik Heffermehl, “Vanunu 11 Years of Torture”, World News, septembre, 1997.

745.

Paolo Farinella, Venance Journe, “Justice For Vanunu”, Bulletin of Atomic Scientists, Vol. 47, N. 1, janvier/février.1991.