Attaquer les installations iraniennes

Le commandant de l'armée de l'air israélienne, le général Eliezer Shkedi, affirme le 21 février 2005, que « son pays devait être prêt à lancer une attaque aérienne contre les installations nucléaires iraniennes », indique la radio militaire. « Israël doit être prêt à mener une attaque contre les installations nucléaires en Iran » déclare le chef de l'armée de l'air qui s'est toutefois refusé de préciser si Israël était en mesure de mener seul une telle attaque, comme cela avait été le cas en 1981 lorsque l'aviation israélienne avait détruit la centrale nucléaire Osirak, près de Bagdad ( 828 ). À Bruxelles, et lors du sommet de l’OTAN, le 22 février 2005, Le président des États-Unis George W. Bush qualifie de “ridicules’’ les spéculations sur des préparatifs américains pour attaquer l'Iran, tout en répétant qu'il n'excluait aucune option si Téhéran ne renonce pas à ses ambitions nucléaires. « L'idée que les États-Unis se préparent à attaquer l'Iran est simplement ridicule » déclare M. Bush ( 829 ). Le 12 janvier 2005, le général Aharon Zeevi, chef du renseignement militaire israélien, affirme « Si rien n’est fait, l’Iran pourra produire de l’uranium enrichi d’ici six mois, ce qui devrait lui permettre de produire sa première bombe atomique d’ici à 2008. »

Le New Yorker, le 17 janvier (2005) 830 , publie une enquête effectuée par Seymour Hersh et intitulée The Coming Wars, dans laquelle le journaliste américain affirme que, après l’Irak, la “guerre contre le terrorisme“, va se poursuivre par une attaque contre Téhéran. Conseillé par les civils du Pentagone -MM. Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Douglas J. Feith-, le Président George W. Bush aurait autorisé des missions secrètes à l’intérieur de l’Iran. Suite à des renseignements fournis par Israël et le Pakistan, des commandos américains opèrent, depuis juillet 2004, en Iran afin d’obtenir des informations. Ils cherchent trois douzaines d’objectifs relevant des programmes nucléaires, chimiques et balistiques iraniens. Des attaques de précision lancées par les forces spéciales pourraient bientôt les viser. Le Pentagone n’a pas démenti. Lors d’une interview diffusée par la chaîne de télévision NBC, le président Bush, à qui on demande s’il écartait une action militaire contre l’Iran, répond, menaçant : « J’espère que nous pourrons régler cela de façon diplomatique, mais je n’exclus aucune option. »

La question de mener des attaques contre les installations iraniennes reste, du côté israélien, en option. En effet, durant l’été 2002, et avant que le monde ne découvre le plan de guerre contre l’Irak, écrit Bob Woodward (2004) 831 , la question de mener des attaques préventives contre Téhéran se trouve parmi les options de Tel-Aviv et de Washington. Un journal russe Nezavissimaïa Gazeta affirme la veille de la diffusion d’une interview du Président américain George W. Bush, que les Américains ont déjà préparé un plan pour une opération militaire contre l'Iran. L'opération sera lancée depuis l'Irak et le plan américain prévoit l'utilisation de bases militaires en Géorgie et en Azerbaïdjan, écrit le quotidien dans son édition du 29 mai 2003, citant des sources diplomatiques. Dans son interview, diffusée à la télévision russe, le 30 mai 2003, le Président américain George W. Bush qualifie ces informations de Nezavissimaïa Gazeta de rumeurs.

Le Premier ministre israélien Ariel Sharon réunit alors, le 31 décembre (2003) 832 , son mini-cabinet composé des cinq principaux ministres pour discuter de la menace iranienne. Israël ne cesse depuis plusieurs mois de tirer la sonnette d'alarme au sujet du programme nucléaire iranien, et estime que Téhéran, qui réclame la destruction de “l'entité sioniste’’, est fort proche du point de non-retour qui lui permettra d'acquérir la capacité nucléaire. L'Iran dispose d'autre part du Chihab-3, missile sol-sol d'une portée de 1.300 km capable d'atteindre Israël. Le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, a brandi fin septembre, et de nouveau en décembre 2003, la menace d'une frappe préventive contre les installations nucléaires de l'Iran. Le ministre iranien de la Défense, Ali Chamkhani, a répondu le 24 décembre 2003, que, dans ce cas, l'Iran riposterait par tous les moyens dont il dispose pour frapper Israël, et qu'il pourrait en l'occurrence utiliser ses missiles Chahab-3. Le soutien logistique, militaire et financier accordé par Téhéran aux islamistes palestiniens et au Hezbollah chiite libanais, aggrave le contentieux entre Israël et l'Iran, qui n'entretiennent plus de relations diplomatiques depuis la chute du Chah et l'avènement de la République islamique en 1979.

L'Iran frappera le réacteur nucléaire israélien de Dimona si l'État hébreu s'avise de lancer une attaque contre la centrale iranienne de Bouchehr, prévient un commandant des Gardiens de la Révolution, fer de lance du régime islamique. « Qu'Israël tire un seul missile contre la centrale nucléaire de Bouchehr, et il peut oublier à jamais le centre nucléaire de Dimona, où il produit et garde ses armes atomiques, et c'est Israël qui sera responsable des conséquences terrifiantes de tels actes », met en garde le général Mohammad Baqer Zolqadr, un des chefs de l'armée idéologique du régime iranien, cité le 18 août 2004 (Annexe 175) 833 . « Israël pourrait, en cas de nécessité, attaquer les sites nucléaires de l'Iran », déclare son ministre de la Défense Shaoul Mofaz, cité par le quotidien Haaretz, le 21 décembre 2003. Le journal précise que M. Mofaz, -d'origine iranienne-, est intervenu, en persan, sur les ondes de la radio publique israélienne et a déclaré que « les mesures nécessaires seront prises pour qu'il ne soit pas porté atteinte aux civils iraniens » durant cette éventuelle attaque. M. Mofaz indique par ailleurs dans cette interview qu'Israël ne nourrissait pas de sentiments d'animosité envers l'Iran mais est prêt à défendre l'intégrité de son territoire en cas d'agression de la part de ce dernier. Un mois auparavant et lors d'une visite à Washington, en novembre, M. Mofaz met en garde contre la menace nucléaire iranienne. « Des efforts sont nécessaires pour retarder, arrêter ou empêcher le programme nucléaire iranien », affirme le ministre à l'issue d'une rencontre avec le Secrétaire à la Défense américain Donald Rumsfeld et le Secrétaire d'État Colin Powell.

Avant M. Mofaz, le chef du Mossad (service extérieur de sécurité), Meir Dagan, a pour sa part averti que le programme nucléaire iranien représentait une menace pour l'existence d'Israël. Selon lui, l'Iran s'approche du point de non-retour qui lui permettra de se doter de l'arme nucléaire. L'Iran a signé le 18 décembre 2003, à Vienne un protocole additionnel au traité de non-prolifération des armes nucléaires autorisant l'AIEA à effectuer des contrôles inopinés et poussés de toutes ses installations nucléaires. Le lendemain à Téhéran, le général Seyed Reza Pardis, commandant de l'armée de l'air iranienne, annonce qu’Israël creusera sa tombe s'il attaque des sites nucléaires iraniens, réagissant ainsi aux propos du ministre israélien de la Défense. « Les menaces du régime sioniste n'ont aucune valeur pour nous. Ce régime sait que les forces armées de la République islamique, en particulier notre armée de l'air, ont atteint une telle capacité (...) qu'il creusera sa propre tombe s'il attaque militairement l'Iran », affirme le commandant iranien, cité par l'agence de presse MEHR, proche des conservateurs. Outre la centrale de Bouchehr, en construction avec l'aide de la Russie le long du Golfe et devant entrer en fonction en 2005, l'Iran possède plusieurs sites nucléaires, notamment à Ispahan, Natanz, Arak, villes du centre de l'Iran. « Le ministre de la Guerre du régime israélien doit savoir que, si jamais ces menaces sont effectivement traduites dans les faits, aucun endroit en Israël ne sera sûr pour les dirigeants de ce pays et le régime sioniste payera un prix particulièrement élevé », déclare pour sa part le ministre iranien de la Défense, l'amiral Ali Chamkhani, cité par l'agence estudiantine Isna. Toutefois, il ajoute que ces menaces lui paraissaient “irréalistes et improbables ” car les Israéliens avaient une « bonne connaissance des capacités de riposte de l'Iran », sans toutefois préciser quelle pourrait être la nature de cette riposte. « Que ces menaces soient sérieuses ou pas, nos forces armées sont totalement prêtes à défendre les sites sensibles et l'espace aérien de notre pays », a encore déclaré M. Pardis. Le Tsahal va-t-il appliquer une deuxième fois son principe ? : passer à l’attaque si un État voisin s’approche de la phase de production d’armes nucléaires. Inquiet par le désir et la possibilité que l’Iran puisse obtenir les armes nucléaires et devenir une puissance nucléaire régionale, Israël va-t-il mener une attaque préventive ? La question de frappes préventives contre Téheran se pose mais sa réalisation s’avère difficile à mettre en place (Shahram Chubin, 1995, p. 91-93) 834 .

La menace nucléaire iranienne est « la plus grande menace pour l'existence d'Israël depuis sa création » en 1948, rapporte la radio citant le patron du Mossad, Meir Dagan, qui s'exprimait lors d'une rare intervention devant les membres de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Parlement. Jusqu'ici, le chef du Mossad n'intervenait que devant une Commission restreinte, souligne la radio. L'Iran s'approche du point de non-retour qui lui permettra de se doter de l'arme nucléaire, averti M. Dagan, toujours cité par la radio. « L'Iran est sur le point d'achever la construction d'un site pour l'enrichissement d'uranium à Kachan (centre) qui lui permettra, si elle ne se heurte pas à des problèmes techniques, d'avoir la capacité de fabriquer une dizaine de bombes nucléaires », ajoute la radio, citant M. Dagan. « L'Iran a oeuvré en secret sur ce plan et ses intentions ont été découvertes il y a trois mois », souligne le chef du Mossad. La République islamique d'Iran est violemment hostile à Israël, dont elle n'a jamais reconnu l'existence. Les États-Unis, principal allié de l'État hébreu, accusent Téhéran de développer un programme nucléaire militaire. Mais les autorités iraniennes ont toujours affirmé leur volonté de développer un nucléaire à usage uniquement civil. « L'Iran cherche à se doter de l'arme nucléaire et possède déjà des missiles pour la lancer », déclare, en juillet 2003, à la radio le député travailliste Efraïm Sneh, membre de la Commission parlementaire qui a entendu le chef du Mossad. D’après Sneh, Israël sera le premier pays sur lequel l'Iran essaiera son arme nucléaire. « Le problème est mondial mais Israël est la première victime. Israël et les juifs sont toujours les premiers à être victimes, les autres suivent après », ajoute le député israélien. Durant l'été 2003, l'armée de l'air des Gardiens de la révolution, armée parallèle créée au lendemain de la révolution islamique de 1979, prend livraison de plusieurs missiles Shihab-3, d'une portée minimale de 1.300 kilomètres et capables d'atteindre le territoire israélien. Début juillet 2003, l'Iran confirme la réussite des essais de ce missile balistique. Israël devenant ainsi à portée de frappe. Le Shihab-3, une version améliorée du missile sol-sol nord-coréen No Dong-1, est capable d'emporter une charge de 800 kg, selon les estimations de la presse israélienne.

Notes
828.

AFP, 21 février 2005. Israël-Iran-nucléaire AFP-SI03 0393 ISR/ Israël doit être prêt à une attaque aérienne en Iran, selon un général.

829.

USA-Bush-UE-Otan-sommet-Iran 2ELEAD 0334 BEL /AFP-WP03. Bush juge “ridicule” les spéculations sur une attaque de l'Iran par les USA.

830.

Seymour Hersh, “The Coming War : What the Pentagon can now do in secret”, The New Yorker, 17 janvier 2005.

http://www.newyorker.com/fact/content/?050124fa_fact , Voir aussi : Ignacio Ramonet, “Iran, la cible”, Le Monde Diplomatique, février 2005. http://www.monde-diplomatique.fr/2005/02/RAMONET/11885 ,

-Paul Hughes, avec Jim Wolf à Washington, “Nouvelle passe d'armes entre les USA et l'Iran”, 18 janvier 2005 http://www.liberation.fr/page.php?Article=268902 , -Reuters, USA-IRAN, 17 janvier 2005, 14:46.

831.

Bob Woodward, Plan d’attaque , Paris, Denoël, 2004, 473 pages.

832.

AFP, 31 décembre2003, PO-Israël-Iran-nucléaire, ms/mj, 0263 ISR /AFP-RP45.

833.

Annexe 175, AFP, Iran-USA-Israël-nucléaire LEAD 0235 QAT /AFP-XX66. 18 août 2004. AFP, Iran-Israël-nucléaire PREV. 0681 IRN /AFP-TM87.

834.

Shahram Chubin, “Does Iran Want Nuclear Weapons?”, Survival, Vol. 37, No. 1, printemps 1995.