Confirmation de notre hypothèse

Les armes nucléaires israéliennes remplissent une fonction de garantie contre toute forme de défaite militaire. Elles forment ainsi un socle lourd d’arrière-plan pour soutenir les différentes actions de l’État hébreu. Leur usage reste impensable. Toutefois, elles n’ont pas inhibé les actions d’offensive côté arabe et Tel-Aviv les a mis en alerte plusieurs fois lors des crises régionales. Parmi les puissances nucléaires, l’État hébreu est le seul qui n’a pas encore des frontières définitives. Durant plus de 50 ans, ces frontières sont passées par des différentes étapes. La carte géographique israélienne de 1948, est différente de celle de 1967. Extension par la guerre (1967), ou réduction suite aux accords de paix (restitution du Sinaï), la frontière actuelle peut encore subir de changements futurs. Le retrait précipité du sud-Liban, le retrait unilatéral de la bande de Gaza ou encore un possible retrait du Golan, rendent la constitution de l’État hébreu évolutive. Même les armes nucléaires n’ont pas imposé un cadre sécuritaire stable et l’État hébreu préssent toujours la menace. Des vagues successives d’agression ont eu lieu et cela met en question la conception de la dissuasion israélienne. Succès pour certains, échec pour d’autres, la doctrine de la dissuasion israélienne est en phase de corrosion chronique.

Il y a deux points essentiels dans le cas israélien. Si la dissuasion a pu être considérée par certains comme un succès pour stabiliser les relations entre les Arabes et les Israéliens, nous pensons qu’elle a au contraire échoué en ce qui concerne la prévention de la guerre au Moyen-Orient. Nous pouvons conclure que la dissuasion israélienne n’est pas un succès et qu’au vu des éléments avancés et des analyses fournies tout au long de ce travail, elle est un échec. Ambiguïté et non-dissuadables sont deux pôles majeurs qui aboutissent inévitablement à son échec. Pour faire face à des acteurs non-dissuadables, nous sommes tentés de se demander s’il ne faudrait pas chercher une autre conception de la dissuasion israélienne.

Tout au long de ce travail nous avons montré qu’en effet, les actions de prévention se multiplient et cela est le signe de la multiplication des intentions d’agression. La dissuasion comme stratégie se base sur un concept vaste et flou. Théoriquement, cela peut avoir un succès. Mais, dans la réalité, elle est vouée à un échec et notamment dans cette région. Au Moyen-Orient, la dissuasion s’avère difficilement applicable. Ce sont peut-être les attaques ou les guerres dites préventives qui se sont substituées à ce concept. Ces actions concrètes sont les options choisies par les forts pour pallier la défaillance de la dissuasion auprès des plus faibles. Elles viennent remplacer les lacunes de la théorie de la dissuasion. Dans ce cas, c’est le signe tangible de l’échec cuisant de cette stratégie. Nous pouvons conclure que l’ambiguïté nucléaire ne donne pas de résultats face aux non-dissuadables. La psychologie de la dissuasion n'est pas compatible avec la rationalité sur laquelle se repose la conception de la théorie de la dissuasion. Cette conception stratégique, dans les conditions d’ambiguïté, mérite d’être révisée. Dans un environnement régional qui a changé, les Israéliens vont peut-être devoir changer de concept et repenser à la fois leur doctrine de dissuasion et leur politique d’ambiguïté : c’est-à-dire se déclarer comme une puissance nucléaire. Notre hypothèse peut alors être élargie. On peut alors affirmer que la théorie de la dissuasion ne trouve pas de terrain d’application dans le Moyen-Orient.

Notre recherche nous amène aussi et en conclusion, à avancer les affirmations suivantes : (1) -La dissuasion est un concept vague et ne peut réussir face à des non-dissuadables. (2) -La rationalité est un concept flou et illogique : ce qui est irrationnel pour l’un est -ou peut être-, rationnel du point de vue de son challenger. (3) -Le programme nucléaire israélien a été mis en place suite aux menaces soviétiques et non pas arabes. (4) -Les armes nucléaires, dans le cas israélien, sont obsolètes. Si elles sont utilisées contre l’une des capitales arabes, de par la proximité géographique, elles n’épargneront pas le petit État d’Israël. (5) -Entre 1950 et 1970, les États-Unis, ont eu une position ambiguë vis-à-vis de la question de la prolifération. Ils n’avaient pas clairement pris toutes les mesures nécessaires contre la prolifération des armes nucléaires et notamment au Moyen-Orient. (6) -La guerre des Six jours en 1967, a eu lieu, en partie,suite à l’entrée en fonction de la centrale nucléaire de Dimona. (7) -Nous avançons l’idée selon laquelle le nucléaire au lieu de prévenir, peut provoquer des guerres. (8) -La guerre de 1973, a eu lieu principalement par la volonté de Sadate de défier le bras de fer israélien. Nous avançons ainsi l’idée selon laquelle, sans cette guerre, les Arabes n’auraient peut-être pas accepté un accord de paix avec Israël. (9) -Les attaques préventives qui sont les signes incontestables de l’échec de la dissuasion sont aussi des signes qui montrent qu’il y a toujours des agresseurs non-dissuadables. (10) -Enfin, les Israéliens, sortant de la guerre de 1967, croient que la dissuasion est acquise, mais en revanche après la guerre de 1973, ils sont fortement convaincus depuis, que leur doctrine de dissuasion a définitivement échoué pour dissuader les Arabes.