Notre analyse définitionnelle sera basée sur des définitions de Tournier (1985, 1991a, 1991b) – élaborées pour l’anglais, mais appropriées aux travaux lexicologiques portant sur le français et l’espagnol. Deux raisons majeures sont à l’origine de cette décision. Premièrement, à l’instar de Gross (1996 : 3), nous avons constaté que les définitions du nom composé sont contradictoires. L’élaboration d’une définition ‘unique’ du nom composé à partir de traits conceptuels tirés de différentes définitions serait vouée à l’échec. Les approches des auteurs étant divergentes, leurs définitions ne sont pas superposables. L’assemblage de traits conceptuels d’origine diverse nous plongerait dans une grande confusion. 7 Les travaux de Marchand (1969), Catach (1981), Darmesteter (1872) et Kocourek (1980) sont une bonne illustration de la diversité des approches :
Le caractère flou et même contradictoire des définitions du nom composé apparaît encore plus clairement lorsque des termes de construction similaire ont selon les auteurs un statut de composés ou de dérivés. À titre d’exemples, EN autograph est un composé néoclassique pour Adams (1973), FR autocuiseur est un composé pour Catach (1981) alors que EN nanometre est un mot affixé pour Tournier (1991b). Or, ces trois unités lexicales sont formées d’un morphème lié d’origine classique et d’un morphème libre.
Deuxièmement, en recourant à la terminologie d’un seul auteur, nous éviterons le flottement terminologique. Les auteurs emploient généralement une terminologie qui leur est propre, aussi plusieurs dénominations 15 sont-elles parfois utilisées pour un même concept :
Nous avons vainement tenté de rassembler les traits conceptuels des définitions de Adams (1973), Alvar Ezquerra et Pottier (1993), Bauer (1983, 2001, 2002), Boisson (1980), Catach (1981), Grevisse (Le Bon usage 2001), Gross (1988, 1990, 1996), Guilbert (1975), Marchand (1967, 1969), Quirk et al. (1972).
« When two or more words are combined into a morphological unit […] we speak of a compound » (Marchand, 1969 : 11).
Voir Part. I, Ch. 1, Sec. 1.2. pour la définition du terme lexie.
Pour Catach, un composé est un « mot formé d’éléments morphologiques ou lexicaux, à l’origine distincts, tendant vers l’unité sémantique et grammaticale, unité qu’ils finissent en général par atteindre au point que les composants ne sont plus sentis » (1981 : 16).
« Le français, en effet, comme les autres langues romanes, possède un certain nombre de procédés qui lui permettent d’unir entre eux deux ou plusieurs termes, et de les faire servir sous cette forme nouvelle à l’expression de faits nouveaux » (Darmesteter, 1967 : 1).
« Il y a composition si deux ou plusieurs mots (mots constitutifs) s’unissent pour donner une unité lexicale graphiquement continue (un mot composé, ou composé), par exemple si haut et bois se soudent en hautbois, si laver et vitre donnent lave-vitre […] » (1991b : 129).
« Si deux ou plusieurs confixes [racines grecques ou latines] se soudent, avec ou sans addition d’affixes, ils donnent un mot confixé, ou un confixé. » (1991b : 127)
Pour Kocourek, la lexicalisation (ou formation syntagmatique) est « la formation des unités lexicales à plusieurs mots (des syntagmes lexicaux) » (1991b : 135). Lorsque nous employerons lexicalisation ce sera pour désigner la stabilisation d’une unité lexicale au sein d’une communauté comme dénomination d’un concept. L’intégration d’une lexie dans un dictionnaire est l’aspect le plus évident de la lexicalisation. Elle dépend de la fréquence d’emploi du néologisme mais aussi de l’importance dans la communauté du locuteur qui l’a employé pour la première fois et de l’influence des médias. On utilisera lexicalisation pour désigner le processus et lexicalité pour dénommer le résultat : « La lexicalité est le fait, pour un mot ou suite de mots, de constituer un signe de la langue, c'est-à-dire l’association stable d’un signifiant et d’un signifié […] ». (Arnaud, 2003 : 20)
Ladénomination est « […] l’inscription d’un signe dans le lexique d’une langue » (Arnaud 1997 : 308). Le terme dénomination renvoie également à l’acte de dénomination. Les termesdénomination, désignation et appellation sont synonymes dans notre étude.