1.2.4. La séquence fortuite

Tournier présente la séquence fortuite comme un groupe de mots assemblés en discours (EN blue towel, FR chaise comfortable, ES libro apasionante). Nous compléterons nos données avec les travaux de Lehmann et Martin-Berthet (1997) qui définissent le composé par rapport au syntagme. Syntagme est hyperonyme de composé. Un syntagme est un groupe de mots et un composé est un groupe de mots possédant des particularités, des marques graphiques (soudure, trait d’union) et morphosyntaxiques. Comme le soulignent Lehmann et Martin-Berthet, la soudure concerne les composés savants (FR biographe, philanthrope), des composés anciens démotivés (FR bonhomme, embonpoint, vinaigre) et des composés récents ayant une lexie tronquée 30 et présentant l’ordre déterminant-déterminé (FR reprographie = repro < reproduction + graphie). Quant au trait d’union, il n’est pas systématique et semble plus fréquent dans la structure V + N (FR abat-jour). L’orthographe de composés construits avec une même lexie est fluctuante : FR enjeu et en-cas, eau-de-vie et eau de rose, télé-achat et téléachat. Comparé à une séquence fortuite, le composé a des spécificités :

Certains composés ne sont pas marqués par la graphie et/ou la morphosyntaxe. FR grand magasin et pomme de terre sont analogues à des syntagmes non lexicalisés (structure et distribution identiques). Des critères linguistiques tentent d’évaluer le figement qui en fait des « signes compacts ». Toutefois, une étude de Bauer (1998) diminue grandement leur portée (Part. I, Ch. 2). 31 Sur le plan conceptuel, les composés se distinguent des séquences fortuites. Seuls les composés renvoient à des concepts précis. FR grand magasin renvoie à un concept (/établissement de commerce rassemblant les produits de différents commerces, présentés dans des rayons spécialisés/) alors que FR petit magasin renvoie à deux concepts (/taille ou volume inférieur à la moyenne/ et /établissement de commerce/).

Notes
30.

Dans le cadre du lexique d’Internet, il faut ajouter les amalgames et les composés pseudo-confixés.

31.

Les critères linguistiques étant également appliqués aux collocations, leur étude est reportée au Ch. II.