2. … graphie

Utiliser un critère graphique pour identifier les composés serait inefficace puisque :

• Nombreux sont les composés dont les éléments sont séparés par un blanc. Aucune distinction entre composés et séquences fortuites ne peut donc être opérée. Dans le lexique d’Internet, des tendances se dégagent selon les langues et/ou les formants des composés. Le français et l’espagnol privilégient l’orthographe en plusieurs blocs alors que l’anglais utilise les trois orthographes (accolée, séparée, reliée). Dans notre corpus, peu de termes français et espagnols sont reliés par un trait d’union. Les termes concernés sont des surcomposés (FR courrier non-sollicité, architecture client-serveur, pare-feu, ES cliente-servidor arquitectura, programa anti pop-up), des composés pseudo-confixés (FR cyber-délinquence, e-tourisme, ES e-compra). Rares sont aussi les composés français et espagnols dont les éléments sont accolés. Seuls les amalgames et les composés contenant un pseudo-confixe ont leurs éléments accolés (seule exception cortafuegos en espagnol).
• En anglais, en français et en espagnol, deux ou trois graphies existent parfois pour un même composé (popup, pop up, pop-up ; email, e- mail ; dotcom, dot com, dot.com). Selon Bauer, l’orthographe des N + N anglais de la langue générale est irrégulière (1998 : 69) car il existe un processus diachronique de changement orthographique basé sur le degré de « item-familiarity » (c'est-à-dire de connaissance des unités lexicales). Mais la variation orthographique n’est pas seulement liée à ce degré de ‘familiarité’ avec l’unité lexicale. Par exemple, Bauer relève les trois graphies EN daisy wheel, daisy-wheel et daisywheel dans le Oxford Dictionary of New Words (Tulloch, 1991) et il n’y a aucune preuve d’une progression diachronique ; EN airside s’écrit en un bloc, sans trace d’une écriture séparée ou reliée et EN college degree, qui est une unité lexicalisée, est constituée de deux mots graphiques. Il existe tout de même des tendances : les éléments des lexies longues sont séparés par des blancs alors que ceux des lexies courtes sont plus souvent accolés. Selon Boisson, l’utilisation du trait d’union varie selon les époques et les cultures. D’après ses observations du Webster’s Third, le trait d’union semble disparaître en anglais américain (1980 : 271) et l’écriture en bloc est moins fréquente en anglais britannique qu’en anglais américain. Pour savoir si le trait d’union est fréquemment utilisé dans le lexique d’Internet, un test a été réalisé à partir de Google.com. Il s’avère que l’hésitation entre les deux orthographes ne semble toujours pas levée en 2003. ⁴⁶
• La graphie influence la place de l’accent mais elle ne permet pas de savoir si une unité est un composé ou une séquence libre (Boisson, 1980 : 271). En effet, les 3/4 des composés N + N gauches ne sont pas séparés par un blanc, contrairement aux 3/4 des composés droits.La présence d’un blanc montre que le statut d’une combinaison entre séquence fortuite et composé n’est pas parfaitement défini. D’après Boisson, un composé perçu comme tel est généralement écrit sans blanc (1980 : 400). En ce qui concerne les composés A + N, 81% des composés écrits en un bloc ou avec un trait d’union sont gauches et 82% des composés écrits avec un blanc sont droits. Toutes les combinaisons de lexies autonomes séparées par des blancs ne sont pas des syntagmes de discours (EN black hat, address book). La graphie est un critère peu fiable du statut du composé (Adams, 1973 : 59). Les éléments peuvent former un bloc, être séparés par un trait d’union ou par un blanc et cela indépendamment du degré d’unité unissant les formants.