1.1. Les structures compositionnelles et leur fréquence « type »

Dans Morphological Productivity (2001), Bauer met l’accent sur l’ambiguïté de certains termes utilisés pour parler de fréquence et de productivité. Nous nous sommes penchée sur les commentaires de l’auteur sur ces deux notions avant de procéder à l’analyse des typologies.

Pour certains auteurs, fréquence et productivité sont synonymes. Or, un procédé morphologique peut a) être productif mais ne créer qu’une faible quantité de termes nouveaux ou b) avoir créé de nombreuses lexies mais ne plus être productif. Bauer (ibid. : 48) illustre ses propos avec les exemples du préfixe EN a- (ablaze, aflutter) et du suffixe EN -ment (entwinement, underlayment). Marchand (1969) enregistre 90 mots en a- et Barnhart (1990) en relève 94. Cet affixe est donc productif mais pas fréquent puisque peu de mots contiennent le préfixe a-. Marchand (1969) tente de trouver des mots en -ment, Lenhert (1971) en relève plus de 700 et Barnhart (1973) en note 701. Ce procédé morphologique a une « type frequency »élevée mais n’est pas productif. La fréquence est le résultat d’une productivité passée plutôt qu’une indication sur la productivité actuelle.

La productivité est relative à la quantité de néologismes qui peuvent être créés en utilisant un procédé morphologique précis. Elle oscille entre la disponibilité (« availability ») et la rentabilité (« profitability ») (Bauer, 2001 : 211). La disponibilité d’un procédé morphologique est sa capacité à générer des créations morphologiques. Elle est déterminée par le système linguistique. La rentabilité d’un procédé morphologique reflète l’exploitation de sa disponibilité dans la langue.

Ce qui nous intéresse ici, c’est de connaître le nombre de composés créés par les patrons syntaxiques réalisés et répertoriés dans notre corpus. Nous calculerons la fréquence « type » 80 des patrons syntaxiques. En effet, nous ne chercherons pas à connaître le nombre de composés qui peuvent être créés par un patron (en fonction de leur disponibilité et rentabilité) mais le nombre de composés effectivement créés par celui-ci, c’est-à-dire sa productivité passée. Nous recenserons le nombre de composés formés par chaque structure compositionnelle. Par exemple, dans le corpus, la fréquence « type » du patron anglais N + N est 201 puisque 201 composés anglais sont ainsi formés. D’autre part, la fréquence « type » est à distinguer de la fréquence « token » 81 qui est le nombre d’occurrences des composés formés par une structure. Reprenons l’exemple du patron N + N, sa fréquence « token » peut atteindre 1 500 ou 2 000 si on prend en compte chaque occurrence des composés N + N dans un ensemble de textes. Dans le présent travail, lorsque les termesfréquence et fréquent seront employés sans autre précision ce sera toujours pour renvoyer à la fréquence « type ».

Notes
80.

“Type frequency […] is concerned with the number of items in the language that contain the item or process under consideration” (Bauer, ibid.: 47).

81.

“Token frequency […] is concerned with the number of times a particular item occurs in a given text […] that is to say, repetitions of the same word count as separate items […]” (Bauer, ibid.: 47).