1.1.1. Les composés binaires 82

Tableau 11 : Structures compositionnelles des composés anglais
  Structures Fréquence « type » %
1 N + N 201 50,50%
2 PS + N 96 24,12%
3 A + N 72 18,09%
4 13 structures mineures 83 29 72,90%
  Total 398 100,00%

Globalement, les composés anglais se découpent en seize catégories. Trois d’entre elles représentent 92,71% de l’ensemble. Il s’agit des composés formés de (a) deux substantifs, (b) d’un pseudo-confixe et d’un substantif et (c) d’un adjectif et un substantif. Les treize autres structures ne représentent donc que 7,29% du total.

Ce n’est pas une spécificité du lexique d’Internet que le patron syntaxique le plus fréquent soit N + N, avec 50,50% (type snail mail, virus definition). En effet, Tournier (1991b : 127) et Jouneau (1997 : 9) ont observé la même chose dans la langue générale. Les N + N représentent 58,94% du corpus de Jouneau et 59,80% de celui de Tournier. Les N + N sont aussi majoritaires dans d’autres études terminologiques : 17 ou 20% de la physico-chimie (variation selon le corpus) 84 (Depierre, 2001 : 106-108), 70,95% de l’informatique (Béciri, 1999 : 138), 50,3% de la science fiction (Gindre, 1998 : 37). Brocard (1998 : 21) et Paillard (2000 : 51) écrivent, sans donner de chiffre, que ce procédé est très utilisé dans le vocabulaire du cinéma et de la langue générale.

La fréquence « type » du patron PS + N (type cyberspace, Web access) est non seulement élevée (24,12%) mais elle est également inhabituelle. Au total, les patrons compositionnels avec pseudo-confixes (PS + N, N + PS et A + PS) représentent 26,14 % des composés. La création de termes à partir de pseudo-confixes semble être caractéristique du domaine d’Internet. 85 Nous n’avons pas relevé de travaux sur les lexies de la langue générale ou sur les vocabulaires spécialisés faisant état de pseudo-confixes. Dans sa récente étude du vocabulaire informatique, un domaine connexe, Béciri (1999) ne mentionne aucune création de ce genre.

Les composés A + N (type intelligent agent, secure server) – au troisième rang de notre classement avec 18,09% – sont plus fréquents que dans la langue générale. Dans les travaux de Tournier (1991b : 128) et de Jouneau (1997 : 9), respectivement 7% et 11,19% des composés binaires sont des A + N. Dans la terminologie de la physico-chimie, les composés A + N sont majoritaires avec 18% du total des composés (27% des composés binaires) 86 (Depierre, 2001 : 107). En ce qui concerne l’informatique, Béciri (1999 : 138) a relevé 12,16% de N + A (18 sur 148 composés binaires). La fréquence de ce patron serait plus élevée sans la présence des pseudo-confixes. Par exemple, la forme e- qui produit de nombreux termes (email, ebook, e-card, etc.) est la troncation postérieure de l’adjectif electronic. Le nombre de composés A + N se voit ainsi réduit.

Les noms composés comprenant un verbe sont peu fréquents dans notre corpus. Ils font partie des quatorze types mineurs. Et les deux types rencontrés down + V et up + V (download, upload, uploading) ont produit seulement 0,75% des termes du corpus. La présence des verbes est plus marquée dans la langue générale. Tournier (1985 : 114-115) a recensé les types suivants : N + V (toothpick), A + V (whitewash), Adv + V (upstart), V + N (pickpocket), V + part. adv. (stand-by), 2 V coordonnés (hide-and-seek), V + V (make-believe). En informatique, Béciri (1999 : 138) dénombre une vingtaine de formes à élément verbal (V +N, V-n + N, N + V-ing) qui représentent 11% des composés. En physico-chimie, les composés possédant un élément verbal représentent un pourcentage similaire, 10% des surcomposés et 14% des composés binaires (Depierre, 2001 : 103). Pour la langue générale, Brocard (1998 : 21) et Paillard (2000 : 51) mentionnent l’existence des V + N mais ne donnent aucun chiffre. Quant au corpus de Jouneau (1997 : 9), il contient entre autres 5,62% de N + V-er, 3,68% de N + V-ing, 2,64% de V + part. adv., ce qui représente 11,94% des composés. La faible fréquence des composés comprenant un verbe dans notre corpus s’explique, en partie, par la différence de structure des typologies. Contrairement à Jouneau, nous excluons les éléments déverbaux (V-er, V-or, V-ion, V-ing, V-n) qui sont pour nous des sous-types de N ou de A. Ils sont donc comptabilisés dans les types comprenant un N ou un A comme N + N, A + N, PS + N, etc.

D’autre part, nous constatons la très faible représentation des structures N + to + N (1,01%), N + and + N (0,25%), N + of + N (0,76%) (type business to business, Denial of Service, click and mortar, peer-to-peer, business-to-consumer) par rapport à la langue générale. Tournier (1985 : 118) relève 1 145 lexies de ce type (dont 84,03% de N + of + N) dans la sixième édition de The Concise Oxford Dictionary of Current English (1976). Selon l’auteur, cette structure est généralement utilisée dans les registres très soutenus, les langues spécialisées comme les terminologies officielles, les vocabulaires juridique, religieux ou littéraire. Par conséquent, ce serait la nature même du lexique d’Internet, bien différente de celle des domaines cités par Tournier, qui explique la faible fréquence de ce type de composition.

Notes
82.

Abréviations utilisées pour l’analyse des patrons compositionnels : A = adjectif, Adv = adverbe, Emp2 = emprunt de deux éléments, Emp3 = emprunt formé de trois éléments, Emp4 = emprunt formé de quatre éléments, Fdiv = formations diverses, Flud = formations ludiques, N = nom, PS = pseudo-confixe, S = sigle, V = verbe.

83.

Il s’agit de : N + PS (1,01%), A + PS (1,01%), N + to + N (1,01%), Flud (1,01%), N + of +N (0,75%), N + up (0,50%), down + V (0,50%), in + N 0,25%), up + N (0,25%), N + to (0,25%), N + over (0,25%), up + V (0,25%), N + and + N (0,25%).

84.

Dans son corpus dictionnairique (Penguin Dictionary of Physics, 1990), Depierre recense 17% de composés N + N au total et 26% de N+N chez les composés binaires uniquement. Le chiffre pour les binaires atteint 55% lorsque l’auteur regroupe les pourcentages des catégories suivantes : N + N (26%), N propre + N (15%), morphème savant + N (8%), morphème savant + morphème savant (4%), lettre + N (2%), sigle + N (- de 1%).

Dans son corpus de catalogues publicitaires, Depierre relève 15 % de composés N + N. On obtient 22,70% de noms composés chez les binaires si on additionne les catégories suivantes : N + N, V-ing + N (4,5%), N + V-er (3,20%).

Dans son corpus bilingue (Do you speak Chemistry ?, 1991), Depierre relève 20% de N + N.

85.

Les composés pseudo-confixés sont étudiés en détail dans la section 1.2.

86.

Ces chiffres correspondent au corpus dictionnairique de l’auteur. Si on regroupe les catégories contentant des dérivés, comme Depierre l’a fait avec les N+N, le pourcentage atteint 31% des binaires : A+N (27%), V-n + N (2%), A + V-ing (1%) et A + V-er (1%).