3.2. Bilan

Tableau 46 : Fréquence des combinaisons de matrices dans le corpus français
Combinaisons % Fréquence « type » % anglais
Composition + métaphore 65,5 16 64,5
Composition + pseudo-confixation 21,4 12 21,5
Composition + siglaison 8 7 7,5
Composition + métonymie 3,6 9 3,4
Composition + apocope 1,2 4 0,6
Composition + suffixation 1,4 5 0,2
Composition + aphérèse 0,9 3 0,2
Composition + préfixation 0,5 2 0

Les pourcentages du tableau 46 sont équivalents à ceux observés pour le corpus anglais. Ces résultats appellent deux questions : la prédominance de la combinaison composition-métaphore dans le lexique français d’Internet est-elle due à l’influence de l’anglais ? Les métaphores des composés anglais sont-elles reprises en français ? Nous reprendrons l’analyse de la traduction des composés métaphoriques anglais en français de Brolles (2001).

Meyer et al. (1997) ont enregistré trois stratégies de traduction des termes métaphoriques : le maintien, le changement ou la suppression des métaphores. Une métaphore est conservée si elle est transparente – identifiable et compréhensible – pour les français. Par exemple, blacklist est une métaphore empruntée à l’anglais et mot de passe est le calque de password. Ces deux métaphores sont compréhensibles pour les locuteurs français. 126 Parmi les trente-huit termes anglais métaphoriques du corpus de Brolles (cinquante termes au total), vingt-huit équivalents français contiennent une métaphore transparente. Lors du passage vers le français les métaphores sont calquées (agent intelligent) ou empruntées (surf, cookie), aucune n’est abandonnée. Les dix métaphores opaques se répartissent en neuf emprunts (bookmark, newsgroup) et un calque. Le maintien des métaphores suppose que les pays source et cible partagent la même culture ou ont des environnements culturels proches, ou bien que la communauté emprunteuse souhaite appréhender une autre culture.

Certaines des métaphores conservées sont opaques pour le locuteur français (bookmark, weblog, etc.). Plusieurs facteurs expliquent l’emprunt de termes opaques pour l’internaute français :

Brolles conclut son analyse de la combinatoire par le fait que la métaphore est la matrice lexicogénique la plus utilisée dans le cadre d’Internet et qu’elle semble être le moteur principal de la néologie. La néologie formelle intervient en second 128 pour adapter le terme aux particularités de la langue française. Étant donné les principales caractéristiques de la composition, nous ne pensons pas que la métaphore soit le moteur principal. La composition forme des dénominations complètes et claires – décrivant bien le concept – et souvent monosémiques, comme gestionnaire de téléchargement ou comparateur de prix – contrairement à des termes métaphoriques simples comme forum, portail ou fournisseur.

À l’instar de l’auteur, mais pour des motifs différents, nous pensons que la métaphore n’est pas la principale raison justifiant le recours massif au calque et à l’emprunt. Internet est un domaine dont la terminologie n’est pas régie par une autorité centrale et dans lequel les innovations sont rapides et multiples. Ces réalités font du calque et de l’emprunt les deux procédés les plus appropriés pour créer des termes dénommant des concepts nouveaux car ils sont rapides à appliquer et permettent l’identification à la communauté internaute anglophone.

Notes
126.

Par locuteur français, nous entendons locuteur francophone moyen.

127.

http://www.granddictionnaire.com : « Petite fenêtre publicitaire s'ouvrant automatiquement sur la page principale d'un internaute, une fois que celui-ci accède à certains sites commerciaux ».

128.

La combinaison métaphore-composition représente 72% du corpus de l’auteur (Brolles, 2001 : 32). « La composition conserve un rôle important ; la juxtaposition reste le procédé le plus employé […] » (ibid. : 37).