1.1.2. La mise en correspondance avec un équivalent de traduction de la langue cible

Nous commencerons par répondre à deux interrogations concernant la notion d’équivalence terminologique : Qu’est-ce qu’un équivalent terminologique ? Comment créer de bons équivalents terminologiques français et espagnols dans le domaine d’Internet ?

Des termes équivalents désignent des concepts homologues dans plusieurs langues (Thoiron et al., 1996 : 512). Dans le domaine d’Internet, la traduction des termes d’Internet est une affaire de communauté. Les internautes et les traducteurs procèdent à la « terminologisation traductive » (Brownlie, 2002 : 298) des termes, c'est-à-dire produisent des termes cibles qui seront réutilisés chaque fois que le terme source apparaîtra. Les équivalents français et espagnols d’Internet, contrairement à la plupart des autres terminologies techniques et scientifiques, ne sont pas créés et normés par une commission de spécialistes mais par les entreprises, les internautes et les traducteurs.

La démarche terminologique pour créer un équivalent est constituée de plusieurs étapes. Le terminologue observe le terme anglais et cherche dans des sources unilingues anglaises le concept désigné (sémasiologie). Une fois le concept identifié, il consulte des sources unilingues françaises et espagnoles pour trouver les termes français et espagnols désignant ce même concept (onomasiologie).

Voici une définition du terme EN chat room et de FR salon de chat et ES sala de charla ses équivalents supposés :

‘EN « A variation on the interactive message board, it is a website for live, online conversation in which any number of computer users can type messages to each other and communicate […] ». (www.netlingo.com)
FR « Lieu de rencontre virtuel, accessible à partir d’un site de bavardage, que l’internaute peut choisir, selon le sujet proposé, afin de converser en temps réel et par clavier interposé, avec un nombre relativement restreint de participants » (www.granddictionnaire.com)
ES « Lugar virtual de la red, llamado también canal, donde la gente se reúne para charlar con otras personas que hay en la misma sala » (www.ati.es)’

Dans les définitions ci-dessus, une partie des informations données est présente dans le terme (lieu + finalité). Les éléments nouveaux concernent les moyens utilisés pour atteindre la finalité. Les trois définitions sont basées sur un schéma définitionnel homologue :

  Anglais Français Espagnol
Nature site web lieu virtuel lieu virtuel
Finalité discuter à plusieurs en temps réel discuter à plusieurs en temps réel discuter à plusieurs
Moyen saisie d’un message saisie d’un message  

Dans cet exemple, en anglais, en français et en espagnol, des traits conceptuels homologues sont utilisés pour la dénomination et les équivalents français et espagnol comportent les mêmes éléments de nomination que le terme anglais mais ce n’est pas toujours le cas. La traduction des éléments de nomination du terme EN bottleneck donnerait un terme existant en français, goulot de bouteille, mais qui, dans le domaine d’Internet, ne correspond pas au concept désigné par le terme anglais. Le terme équivalent est FR goulot d’étranglement. Recourir au schéma définitionnel lorsqu’on sélectionne un équivalent en langue cible, que les langues source et cible sont proches et que le terme source est métaphorique permet d’éviter d’accorder trop d’importance à la forme du terme et de traduire par un faux ami terminologique.

On l’a vu, deux termes sont équivalents lorsqu’ils sont similaires sur le plan conceptuel. Il existe plusieurs degrés d’équivalence conceptuelle dont Arntz propose une classification (1993 : 13-14) qui sera illustrée par des schémas :

Lorsque les termes anglais n’ont pas d’équivalents de traduction préexistants en langue cible, Arntz (1993 : 15-16) propose trois procédés de traduction : l’emprunt ou la traduction littérale, la traduction non littérale et la paraphrase. En comparant les termes anglais et les termes français et espagnols équivalents dans le corpus, il est manifeste que les spécialistes d’Internet optent de préférence pour la première solution. Ils privilégient les dénominations présentant une similitude de signifiants d’une langue à l’autre (EN virus definition, mailbox / FR définition de virus, boîte aux lettres). Ils semblent aspirer à l’internationalisme. Pour créer des équivalents dans le domaine d’Internet ayant un bon potentiel d’implantation, il faudra respecter cette préférence des internautes qui vont réutiliser les termes créés.

Si un équivalent terminologique en langue cible doit être créé, plusieurs faits devront être considérés pour fournir aux internautes des équivalents reconnaissables et pour assurer la stabilisation de la terminologie du domaine :

D’autre part, un emprunt à l’anglais (FR webmaster, ES firewall), l’emploi d’un néologisme (FR bande passante, ES cibercafé), un emprunt interne (FR virus polymorphique, ES acuse de recibido) indiquent au lecteur que le concept est nouveau dans la culture cible et qu’il s’agit d’un terme.

Lors de la création d’un équivalent, un facteur important doit être pris en compte : la qualité de l’équivalent terminologique. Selon Rondeau (1980), la qualité d’un bon terme doit être évaluée sur deux plans :

Dans le domaine d’Internet, d’autres critères garantissent l’implantation d’un équivalent :

Notes
146.

C = concept, TC = trait conceptuel.