L’interaction des concepts scientifiques et des concepts spontanés

Vygotsky met l’accent sur la spécificité des apprentissages scientifiques et propose la distinction entre concepts scientifiques et concepts quotidiens. La question du développement des concepts scientifiques chez l’enfant d’âge scolaire est avant tout une question pratique d’une importance immense, peut-être même primordiale pour les problèmes que pose à l’école l’enseignement d’un système de connaissances scientifiques.

Vygotski affirme que « les concepts scientifiques ne se développent pas du tout comme les concepts quotidiens (Vygotsky, 1997, p.281) ». Il précise alors que les concepts quotidiens se forment dans l’expérience, ont une portée immédiate et sont peu abstraits. En revanche, les concepts scientifiques sont transmis par le langage, ont une portée générale, et forment des systèmes. Leur faiblesse résulte de leur « verbalisme » et de « leur insuffisante saturation en concret ». Ainsi, les rapports des concepts quotidiens et des concepts scientifiques avec l’expérience et avec la formulation sont différents : « l’enfant formule mieux la loi d’Archimède qu’il ne définit ce que c’est qu’un frère. Le concept de frère est saturé d’expérience et ne résulte pas d’une explication du maître » (Vygotsky, 1997 p.292)

« Le développement des concepts scientifiques doit immanquablement prendre appui sur un certain niveau de maturation des concepts spontanés, qui ne peuvent être dépourvus d’intérêt pour la formation des concepts scientifiques pour le seule raison déjà que, comme l’expérience directe nous l’enseigne, le développement des concepts scientifiques ne devient possible que lorsque les concepts spontanés de l’enfant ont atteint un niveau déterminé, caractéristique du début de l’âge scolaire. D’autre part, nous devons supposer que l’apparition des concepts de type supérieur, tels que les concepts scientifiques, ne peut manquer d’influer sur le niveau des concepts spontanés déjà formés, puisque dans la conscience de l’enfant, les uns et les autres ne sont pas enfermés dans des capsules, ne sont pas séparés par une cloison étanche, ne suivent pas deux trajectoires distinctes, mais qu’ils se trouvent dans un processus d’interaction constante, qui doit avoir pour conséquence que les généralisations de structure supérieure, propres aux concepts scientifiques, provoquent obligatoirement des modifications dans la structure des concepts spontanés.» (Vygotsky, 1997, p.289-290)