Les conceptions 

Giordian et de Vecchi (1987) recensent plus de trente termes, dans la littérature de didacticiens franchophones ou anglophones, pour désigner les « conceptions » des élèves. On trouve dans la littérature les expressions de préconception, mis-conception, « alternative framework », « children’s science », raisonnement naturel, représentation, « commonsense », connaissances spontanés etc. Ces différentes terminologies ne sont pas gratuites, par exemple le terme de préconceptions met l’accent sur les croyances que les élèves ont avant de commencer l’enseignement scientifique, le terme de mis-conception réfère seulement aux aspects des croyances des élèves en contradiction avec les savoirs scientifiques. Pour Johsua et Dupin (1993), le terme de préconception, et encore plus celui de mis-conception, souffrent à la fois de ne trouver leur sens que dans une opposition stricte avec les savoirs scientifiques et surtout de ne pas tenir en compte d’une possible évolution interne des conceptions.

Nous utiliserons le terme plus neutre de « conceptions ». Nous acceptons la définition reprise par Tiberghien (1997), « une conception est une ensemble hypothétique de propositions, savoir faire, procédure, habilité manuelle que le chercheur attribue à l'élève dans le but de rendre compte des conduites de l'élève dans un ensemble de situations données ». Les conceptions ne sont pas une propriété des individus mais une construction du chercheur pour modéliser le fonctionnement de l’élève en vue d’interpréter les procédures observées dans les situations d’apprentissage.

Nous reprenons des caractéristiques essentielles des conceptions.

Les conceptions ne sont pas des objets figés et fermés sur eux-mêmes il faut tenir en compte d’une possible évolution interne des conceptions (Giordian et de Vecchi, 1987). Cependant, certaines conceptions d’élèves peuvent être particulièrement résistantes à l’enseignement y compris dans la durée.

Une conception a sa pertinence propre, son domaine particulier d’application, elle a un caractère local. Pour des situations jugées différentes du point de vue de l’élève (peu importe ici qu’elles le soient du point de vue scientifique), des conceptions différentes seront mobilisées, qui peuvent avoir chacune leur degré partiel de pertinence. (Johsua et Dupin, 1993, p.127, Balacheff, 1999, p.224).

Pour un élève donné, nous pouvons voir des conceptions différentes contradictoires ou pas, Tytler (1988) parle de « perspectives multiples », Petri et Niedderer (1998) parlent de co-existence de plusieurs conceptions avec une couche métacognitive au dessus, Taber (2000) parle de multiples conceptions en compétition.

Les conceptions peuvent être contradictoires mais elle sont également opératoires parce qu’elles apparaissent à des moments distincts de l’histoire du sujet : elles peuvent s’ignorer mutuellement. Elles peuvent être contradictoires du point de vue d’un observateur et cependant être cohérentes dans le référentiel de l’élève (Balacheff, 1999 p. 218, 224).

Certaines conceptions peuvent avoir une forte logique, et même gagner en logique interne quand elles sont confrontées à des arguments apparemment contraires, sans pour autant se rapprocher d’un modèle cible dans un enseignement (Johsua et Dupin 1993, p.126). Champagne et al. (1980) en donnent un exemple : les élèves sont confrontés à une expérience de chute de deux corps de masses différentes. Certains des élèves paraissent utiliser une relation dynamique du type force proportionnelle à la vitesse. Mais par ailleurs ils savent que les deux corps vont arriver en même temps au sol. Les deux assertions, contradictoires dans un modèle newtonien, ne le sont pas aux yeux de ces élèves : ils en déduisent « logiquement » que la force exercée par la gravité sur les objets est constante quelle que soit leur masse.