Mouvement

L’étude du mouvement traite des questions du « où » et du « quand » (Feynman 1979, p.55) ; ces questions nous envoient aux notions de temps et d’espace.

Jusqu’à la fin du Moyen-Âge, tout mouvement était défini par sa cause motrice. « La physique aristotélicienne établit une différence de nature intrinsèque entre repos et mouvement liée à l’existence d’un ordre cosmique en vertu duquel chaque objet possède dans l’Univers une place, un « lieu » qui lui est propre -car il est conforme à sa nature-, vers lequel il tend à revenir s’il en est écarté, et où il reste immobile si rien ne vient l’en déloger » (Balibar, 1984, p.13). Aristote distinguait deux types de mouvement : le mouvement « naturel » d’un corps qui amène ce corps à son lieu propre et le mouvement « violent » qui a pour cause une contrainte exercée sur le corps qui l’empêche de rejoindre son lieu naturel, ou qui l’en déloge Aristote considérait comme le seul mouvement naturel ou parfait, auquel on devait rapporter les autres, le mouvement circulaire, en relation à sa cosmologie et à sa doctrine des éléments. Les éléments, ou corps simples sont au nombre de quatre, la Terre, l’eau, l’air et le feu. Chaque corps a son lieu propre, vers lequel il tend : ainsi des éléments, les légers (air et feu) tendant vers le haut, les graves tendant vers le bas. Le mouvement vers le haut ou vers le bas ne se fait pas par l’action d’un autre corps ni par pression, mais par la sollicitation de cette tendance : « Plus grande est la masse du Feu ou de la Terre, plus rapide est son mouvement vers son lieu propre » (Paty, 1997, p.20). Cette sollicitation est aussi fonction de la forme du corps : « La figure des corps n’est pas la cause de leur mouvement vers le haut ou vers le bas d’une façon absolue, mais seulement de leur plus ou moins grande rapidité » (ibid.,p.20). Aristote en donne pour exemples un disque plat de métal lourd flottant sur l’eau, ou encore des poussières en suspension dans l’air. Le mouvement, défini «comme l’acte de ce qui est en puissance, en tant que cela est en puissance » (ibid., p.20), exige une cause continuelle. « Le repos est pensé non pas comme un mouvement nul, mais comme son terme et sa finalité. En ce sens, il en diffère radicalement, absolument » (Balibar, 1984, p.15).

Les conceptions aristotéliciennes sur le mouvement ont exercé une influence considérable sur toute la pensée médiévale. La distinction entre les mouvements « naturels » et les mouvements « violents » tend à disparaître au moyen-âge au profit du seul mouvement naturel, défini par un moteur unique, interne à l’objet, appelé « impetus » par les maîtres des Universités de Paris et d’Oxford, au XIVe siècle, en particulier Guillaume d’Ockham, Nicole Oresme et Jean Buridan (Paty, 1997). « L’impetus était une impulsion de nature dynamique, transférée au corps par le moteur qui lui avait donné le mouvement (par exemple un autre corps dans un choc, ou une impulsion) et désormais portée par lui ; propriété du corps, l’impetus était pensé comme une sorte de force interne, sur le mode de la chaleur qui reste dans le corps après avoir été transmise » (Paty, 1997, p.20-21).

Si Galilée révolutionne les idées scientifiques de son époque, c’est parce qu’il fut le premier à étudier le mouvement en tant que tel en refusant d’en chercher les causes. Le mouvement est une modification des relations, des rapports entre les choses ; ce n’est que cela. Car cette modification laisse les choses elles-mêmes complètement indifférentes. Qu’elles soient en mouvement ou au repos ne les affecte nullement dans leur être ; le mouvement est un état au même titre que le repos ; pas plus que le repos, le mouvement n’est un changement d’état. Les choses sont extérieures à leur mouvement. Ainsi se trouve affirmée l’équivalence entre repos et mouvement. En plus, « le temps (et non l’espace) apparaît comme le véritable variable du mouvement, celle selon laquelle le mouvement se déroule. En opposition évidemment avec l’idée aristotélicienne d’un mouvement déterminé par le lieu de départ et le lieu d’arrivée » (Balibar, 1984, p.50).