A- Une tradition renaissante

Rigolot affirme que Ronsard voit dans le paratexte « un moyen de se forger une gloire toujours plus grande » 1032 , allant même jusqu’à aménager ses recueils en ce sens, jusqu’à solliciter des personae qui servent son dessein, jusqu’à se mettre en scène dans ses écrits. La Renaissance est propice à l’émergence d’une « conscience progressivement plus aiguë de la personnalité littéraire » 1033 , à une promotion de l’autorité de l’auteur sur son texte, à une prise de conscience par les créateurs des enjeux de leur création. Labé veut faire œuvre d’auteur comme avant elle Dante, Pétrarque, Marot, Scève, Ronsard, se mettant eux-mêmes en scène dans leurs œuvres, devenus sujets et objets de leur livre, « matière » parfaite d’un auteur, personnage de ses écrits, pour assurer sa postérité. Dans le désir patent d’ordonner les Euvres comme dans la revendication incessante de son nom, ce nom qui devient une justification poétique puissante par son caractère signifiant, Labé se veut dans ses Euvres en s’y dissimulant pourtant.

Marot est le premier modèle français pour Labé dans la quête de la postérité littéraire. Comme le fera l’auteure des Euvres, Marot trouve des sens à son nom, qu’il met en scène dans ses écrits, jouant de l’onomastique comme il est de coutume alors : entre Clément VII et Virgile (Maro était le surnom du poète latin), Clément Marot investit de signification, politique et poétique, ses nom et prénom. Labé va employer dans son Epistre de 1555 un vocabulaire très proche de celui qu’utilise Marot dans la préface de l’Adolescence Clémentine : « Je ne sçay (mes treschiers Freres) qui m’a plus incité à mettre ces miennes petites jeunesses en lumiere, ou voz continuelles prieres : ou le deplaisire, que j’ay eu d’en ouir crier, et publier par les Rues une grande partie toute incorrecte, et plus au proffit du Libraire qu’à l’honneur de l’Autheur » 1034 . Marot revendique bien ici son statut d’auteur et fait référence à une pratique courante au XVIème siècle, l’édition illégale de textes sans autorisation de leur auteur. Dans le Privilège accordé aux Euvres, il est dit une chose semblable mais aussi dans l’Epistre dont l’influence marotique semble alors pertinente : « Quant à moy tant en escrivant premierement ces jeunesses que en les revoyant depuis (…) depuis que quelcuns de mes amis ont trouvé moyen de me lire sans que j’en susse rien (…) » 1035 , dont on retrouve les échos dans le Privilège des Euvres : « qu’aucuns ses Amis auroient souztraits, et iceus encore non parfaits publiez en divers endroits… » 1036 .

‘ Quand vous lirez, ô Dames Lionnoises’ ‘ Ces miens escrits pleins d’amoureuses noises 1037 .’

Labé utilise là une « episserie » 1038  : la rime lionnoise / noises, plusieurs fois utilisée dans les Euvres, et notamment dans la disposition des titres (principaux ou intermédiaires) était largement pratiquée par la Grande Rhétorique de la fin du XVème siècle, mais plus près des Euvres, par Marot et ses disciples. Le lecteur des Euvres se voit insidieusement, par ces vers, contraint à faire le lien entre l’auteure et le je lyrique qui s’exprime. Dans les Escriz, la Dame(s) lionnoise(s), c’est Louise Labé, mise en scène sous son propre nom dans une persona d’auteure légendaire, et plus particulièrement dans les sonnets III, IV, V, IX, pièces que l’on peut attribuer aux « lyonnais ». Le titre du recueil des Escriz, qui présente ce texte comme un second recueil dans le recueil, (à la suite cependant d’un sonnet liminaire qui est, pour ainsi dire, mis à l’écart de l’ensemble), se présente en faisant apparaître une disposition signifiante : ESCRIZ DE divers Poëtes à la Louenge de Louïze Labé Lionnoize.

En observant cette disposition, on constate que le mot noize est mis en évidence, en rappel de l’Elégie III, que le groupe central est constitué de divers Poëtes à la Louenge de Louïze Labé Lion, comme si, la triple allitération du nom maintenue, la ville de l’auteure surgissait soudain de son nom, et enfin que l’attribution des textes sera floue (divers Poëtes), tout comme leur forme (Escriz), contrairement à celle qu’ils louent, très visible dans ce titre (Louïze Labé Lion). Si on ne lit que les extrémités de ce titre apparaissent d’autres phrases : Escriz de Louenge de Lion / divers Poëtes Louïze Labé. On peut tourner et retourner mille fois les termes, Louïze Labé et Lion sont les points centraux de toute proposition d’analyse, c’est-à-dire que l’auteure se revendique comme telle et surtout, serait-on tenté de dire, comme lyonnaise. Peu étonnant par conséquent qu’elle suive davantage Sébillet et surtout Aneau, que Du Bellay.Dans ses Amours de 1552, Ronsard, revendiquant son statut d’auteur immortel, s’inscrivait déjà dans la topique de mythification personnelle, notamment dans le vœu initial où le poète se met en scène dans une tension entre fausse humilité (humble present) et quête de la postérité (Ronsard, livre immortel) :

‘ Dans votre temple engravez ces paroles :’ ‘ RONSARD, AFIN QUE LE SIECLE A VENIR’ ‘ DE PERE EN FILS SE PUISSE SOUVENIR’ ‘ D’UNE BEAUTE QUI SAGEMENT AFFOLE’ ‘ DE LA MAIN DEXTRE APPEND A NOTRE AUTEL’ ‘L’HUMBLE PRESENT DE SON LIVRE IMMORTEL’ ‘SON CŒUR DE L’AUTRE AUX PIEDS DE CETTE IDOLE. 1039

Encadrant le sizain des mots idole et Ronsard, son propre nom d’auteur (premier et dernier mots), le Vendômois se veut le Pétrarque français, le prince des poètes et le poète des princes. Il remet en contexte son œuvre en faisant appel au nom de Du Bellay à plusieurs reprises dans le recueil de 1552, ainsi qu’à celui d’Henri II de France, mais aussi à sa région (forêt de Gastine 1040 ), ce qui participe à la mise en scène de son propre nom, récurrente dans l’ensemble de sa production. Ronsard s’adresse à l’ensemble de ses amis poètes, Peletier (sonnet IV – Amours 1555 1041 ), ou encore Du Bellay, Baïf, Belleau, Jodelle… et se met en scène par là-même au centre d’un groupe lettré, comme dans le sonnet LXVIII des Amours de 1555 1042 où la persona poétique ronsardienne se dissimule derrière une initiale R d’une clarté absolue.

Les femmes-muses qu’il choisit de chanter portent elles-aussi des noms signifiants, en vertu du fait que les noms (ce dit Platon) ont tresgrande vertu 1043 : Cassandre, Marie, Hélène. Leurs trois noms sont riches de sens et Ronsard ne se prive pas de les développer infiniment entre 1552 et 1578. Cassandre et Hélène permettent l’évocation de Troie (donc d’Homère et de l’Iliade) et de toute la mythologie grecque. Marie permet l’anagramme du sonnet VII des Amours de 1555 :

‘ Marie, qui voudroit vostre beau nom tourner,’ ‘ Il trouveroit Aimer… 1044

Ronsard est conscient de l’importance de ses œuvres et de l’assurance de postérité qu’elles lui garantissent, autant, si ce n’est plus, qu’à ses amantes :

‘ Vous vivrez (croyez moy) comme Laure en grandeur,’ ‘ Au moins tant que vivront les plumes et le livre.1045

affirme-t-il au sonnet II des Amours de 1578 (Sonnets pour Hélène). Il garantit l’immortalité à Hélène par ses vers (alors que, dans la mythologie grecque, elle en est frustrée au profit de ses frères Castor et Pollux), et par là même à lui-même.

La grande différence entre Labé et ces deux illustres prédécesseurs, Marot et Ronsard, que nous venons d’observer rapidement, c’est qu’elle est une femme. Elle est une auteure de la Renaissance dans un contexte masculin. Il va donc lui être nécessaire, pour exister en tant qu’auteure et, pour s’assurer mythe et postérité, de faire appel aux hommes, pour justifier son droit à la création poétique, et de prendre posture d’humilité afin de n’être pas trop jugée. Rigolot évoque ainsi la faculté que développent les Euvres de « redonner une voix à Laure » 1046 . Contrairement aux autres femmes qui servent de muses et d’objets poétiques aux hommes qui écrivent, les Escriz, ou du moins leur sonnet liminaire 1047 , affirment Louise Labé dans la droite ligne de Sappho, comme sujet de son œuvre, sujet aux dimensions légendaires :

‘ Louïze, autant en beauté reputee,’ ‘ Trop plus se fait par sa plume estimer.’ ‘ Et de soymesme elle se faisant croire,’ ‘ A ses loueurs est cause de leur gloire. 1048

Ceux qui ont cru se servir de cette femme (des femmes ?) pour leur propre réputation sont prévenus : leur nom ne restera peut-être dans les annales que pour avoir été un jour associé au sien. De plus, le soymesme de l’avant-dernier vers du sonnet (déjà présent au second quatrain) anticipe sur le BELLE A SOY du dernier vers du sonnet VI de ces Escriz, de Claude de Taillemont  :

‘Les regardans en soymesme transmue. 1049

Labé se sert apparemment des Escriz non seulement comme une justification de sa venue à l’écriture, et alors tout le paratexte peut être considéré sous cet angle, tant le Privilège que l’Epistre, mais aussi comme une justification de son talent : les devises révèlent des noms déjà célèbres à l’époque, ce qui sert la cause des Euvres et de leur auteure. Ainsi, la disproportion mathématique entre une femme seule écrivant l’ensemble des Euvres, dans leur diversité, leur abondanceet leur harmonie, et une vingtaine de poètes au service de cette femme, semble vouloir insister sur le fait que ce sont les hommes qui sont à son service, au service de sa persona d’auteur mythique, dans une inversion complète des valeurs sociales traditionnelles, mais non des valeurs courtoises :

‘ Et qu’en sa gloire immortelle,’ ‘ On voye esbahie en elle’ ‘ Toute la postérité… 1050

écrit l’auteur de l’ode XXIV des Escriz.

Le détour par les mythes antiques sert aussi le dessein labéen d’autopromotion. L’utilisation problématique que l’auteure des Euvres fait des mythes ulysséen et orphique, problématique car ces deux mythes servent normalement la cause masculine au détriment de celle des femmes, objets passifs, joue sur l’horizon d’attente du lectorat renaissant habitué aux chansons de toile et à la poésie courtoise. La dame doit attendre son amant en tissant, à l’image de Pénélope restée dix ans sans nouvelle d’Ulysse en lui demeurant parfaitement fidèle. L’élégie II des Euvres semble tisser sur ce mythe un parallèle entre le je lyrique et Pénélope :

‘ De toy, Ami, j’aye nouvelle aucune… 1051

L’amante est en attente du retour de celui qu’elle aime, sollicitée par d’autres hommes sans jamais leur céder :

‘ Maints grans Signeurs à mon amour prétendent…1052

Le thème central de la plainte élégiaque devient l’absence de l’aimé sans lequel le je énonciateur ne peut plus vivre :

‘ Ainsi, Ami, ton absence lointeine’ ‘ Depuis deus mois me tient en cette peine,’ ‘ Ne vivant pas mais mourant d’une Amour’ ‘Lequel m’occit dix mille fois le jour…1053

L’agrammaticalité des deux derniers vers concernant le mot Amour, utilisé d’abord au féminin puis repris par un pronom au masculin pose la problématique du dessein labéen. En effet, il semble que le but des Euvres, au-delà de la quête de la postérité littéraire par une auteure consciente de sa production, soit philosophique et politique. Cette agrammaticalité peut se lire comme un refus d’attribution d’un seul genre au mot Amour, qui, pourtant, dans son incarnation mythologique est représenté sous les traits d’un jeune homme ou d’un garçon. Elle semble signifier aussi la quête androgynique d’un être parfait que l’auteure, dans son processus d’autopromotion et de mythification personnelle, se propose d’incarner en partie : elle est une femme qui écrit, incarnant par conséquent des valeurs, des « vertus » proprement masculines aux yeux de la tradition et de la doxa. L’utilisation de la mythologie virile participe de ce processus : elle est à la fois Ulysse et Pénélope, Sémiramis, Bradamante, Marphise, Sappho… Elle peut être à la fois au féminin et au masculin, représentante de ce « tout » dont ses Euvres semblent être en quête. L’utilisation de la conjonction de coordination est d’ailleurs récurrente chez Labé. Nous en retrouvons des exemples très signifiants dans l’Epistre Dédicatoire où reviennent de façon récurrente les conjonctions de coordination (on trouve au moins six  et, parsemés en des endroits stratégiques de l’Epistre, sorte de sutures entre les différentes parties de l’argumentation). Toute la première partie de l’Epistre 1054 est bâtie sur la mise en équivalence des hommes et des femmes : des temps nouveaux sont advenus (« Estant le temps venu »), qui vont permettre aux femmes de s’éduquer : puisque l’humain est maintenant au centre des priorités, les femmes le sont aussi et elles interviennent dans le discours coordonnées aux hommes (« les severes loix des hommes n’empeschent plus les femmes de s’appliquer aus sciences et disciplines » 1055 ), puisqu’elles peuvent « en science et vertu passer ou egaler les hommes ». Les femmes peuvent enfin sortir du gynécée, participer à la vie de la polis, « s’employer à faire entendre au monde » qu’elles sont les indispensables « compagnes tant es affaires domestiques que publiques ». Si l’auteure précise que les femmes ne sont « faites pour commander », ce n’est que pour mettre en évidence de façon ironique les « severes loix » de « ceus qui gouvernent et se font obeïr », par leur tyrannie, leur violence et non leur compétence. Ce qui ressort de cette partie, au-delà du manifeste, c’est-à-dire de l’adresse de l’auteure en direction d’une jeune femme, M.C.D.B.L, et de l’ensemble des « Dames lionnoises » qu’on retrouve en d’autres points du recueil des Euvres, c’est la volonté qu’a Labé de se poser en humble – a priori – exemple d’une émancipation sociale et littéraire, toute mesure gardée.

La seconde partie de l’Epistre est une véritable réflexion d’auteure sur l’acte d’écrire, réflexion quasiproustienne sur la réminiscence et la seconde vie que permet l’écriture, qui réaffirme la nécessaire égalité entre hommes et femmes : du je l’on passe au nous, un nous ambigu dont le genre grammatical ne peut être déterminé car il englobe probablement l’ensemble des personnes qui écrivent, femmes ou hommes. L’auteure utilise la captatio benevolentiae traditionnelle dans son projet d’autopromotion. Véritable rhétorique de la personne auctoriale, cette Epistre concilie l’expression d’une auteure et celle d’ambitions politiques. Bref, même si « les emplois du pronom sujet sont au demeurant en évolution au cours du XVIème siècle et se rapprochent à la fin du siècle de l’usage moderne » 1056 et bien que « Meigret, dans son Traité de la grammaire française, répertorie autant de cas du pronom en français qu’en latin et mentionne au cas sujet je et moi, et au cas accusatif me et moi » 1057 , Nathalie Dauvois relève la pauvreté d’utilisation des formes objets du pronom de première personne dans les textes du corpus qui a servi à son étude, presque tous écrits par des hommes, alors que dans les Euvres, il y a une forte proportion, on l’a vu, de la forme pronominale objet de première personne et des possessifs qui l’accompagnent généralement. Le je lyrique des Euvres se veut un tout, sujet et objet du discours, et se donne à lire comme tel. Le caractère faussement problématique de l’utilisation du mythe viril d’Ulysse dans le sonnet I des Euvres n’est guère étonnant si l’on garde à l’esprit la démarche égalitaire labéenne. Ulysse peut être utilisé comme persona possible du je lyrique et doit l’être puisqu’il ne s’agit plus pour les femmes d’être seulement des Pénélope penchées sur leurs quenouilles.

François Rigolot lit dans ce sonnet I une imitation toscane et un renoncement momentané du je lyrique à s’exprimer personnellement. Pourtant, le pronom de la première personne apparaît dès le premier quatrain. De plus, si le personnage d’Ulysse est bien une manière de raviver « la tradition classique du voyageur mythique égaré sur les mers » 1058 , nous ne pouvons souscrire à la suite de l’analyse qui ferait de l’Ulysse des Euvres un personnage « qui n’affirme d’autre but que de retrouver l’épouse fidèle restée au foyer dans la quiétude de la patrie d’origine » 1059 . Rigolot utilise l’argument de la mise en parallèle du sonnet I et de l’évocation d’Ulysse dans le Débat, dans l’argumentaire de Mercure (le personnage homérique est comparé à l’amoureux qui cherche à obtenir les faveurs d’une Dame, et qui obtient, «pour toute remuneracion », « un petit adieu avec quelques souzris qui le fera retourner chez soy plus content, que quand Ulysse vid la fumee de son Itaque » 1060 ), car c’est une utilisation ironique du mythe, burlesque, en ce qu’elle rend prosaïque le discours homérique. Dans les sonnets, c’est le caractère épique d’Ulysse qui intéresse l’auteure des Euvres. Comme Enée (et Orphée), Ulysse est descendu aux Enfers et en est revenu rajeuni et régénéré, comme s’il avait eu la possibilité de renaître de ses cendres.

‘ Bien je mourrois, plus que vivante, heureuse. 1061

Le sonnet XIII met au centre même de son dernier vers la locution : plus que vivante, signifiant peut-être la foi du sujet lyrique dans la postérité de son chant poétique. Ulysse est celui à qui on offre l’immortalité, immortalité acquise parce qu’Homère l’a chantée, tout comme Ovide chanta Orphée, et Virgile Enée. Cependant, c’est la référence à Ovide qui est la plus limpide dans le sonnet I des Euvres, notammentdans le premier tercet, par l’évocation du scorpio et de l’amour qui ne trouve remède qu’en lui-même. Le je lyrique, dont le genre ne peut être déterminé ici, avoue ne pouvoir trouver remède à son mal que du même animal qui l’a empoisonné, dans la symbolique du Scorpio, animal qui se blesse lui-même.

Davantage qu’à une passive Pénélope, c’est à son époux que veut être identifié le je lyrique. L’usage de l’italien créé un effet de surprise sur le lecteur, bien que cette langue soit utilisée par d’autres poètes contemporains de Louise Labé, comme Pernette du Guillet dont les Rymes comprennent deux épigrammes en italien. Nous pensons, comme Daniel Martin, que ce premier sonnet italien a une « valeur programmatique ». L’association faite alors entre l’usage de l’italien et le personnage d’Ulysse permet à l’auteure d’établir un parallèle entre Pétrarque et Homère, parallèle déjà utilisé dans le Débat pour le discours d’Apollon 1062 . « Il y a continuité, en dépit du changement de langage, d’Homère à Pétrarque » 1063  ; donc, par suite et déduction logiques, de Pétrarque à Labé. L’auteure se sert du mythe ulysséen pour se présenter comme le prolongement, on l’a dit, d’Homère, de Virgile, d’Ovide. Le terme de noia utilisé dans le dernier tercet de ce sonnet I renvoie aux noises, mot dont on a relevé l’ambiguïté en ce qu’il renvoie à la terminaison du nom triplement allitéré de l’auteure. L’utilisation en français du mot Amour :

‘ Pur, Amour, co i begli occhi tu fatt’hai…1064

qui fait référence à la nationalité de Labé, renforce l’idée d’un prolongement littéraire entre Homère, Pétrarque et l’auteure. Il y a continuité entre la Grèce (Ulysse), l’Italie latine d’abord (Ovide et le scorpion) et toscane ensuite (usage de l’italien), et la France de Labé, comme dans le Débat où en quelques phrases sont associés, dans la bouche d’Apollon, Orphée, Homère, Sappho, Platon, Pétrarque, Ovide, Virgile 1065 . Par conséquent, ce sonnet I sert directement le processus d’auto mythification voulu par l’auteure, la légende labéenne, tout comme l’entourage paratextuel des Euvres et son agencement dans l’économie général du recueil.

Notes
1032.

François RIGOLOT, Poésie et Renaissance, op. cit., p. 75.

1033.

Ibid., p. 79.

1034.

MAROT, Œuvres poétiques, l’Adolescence Clémentine, édition Gérard DEFAUX, Paris, Classiques Garnier, Dunod, 1996, p. 17.

1035.

Louise LABÉ, Œuvres complètes, op. cit., p. 43.

1036.

Ibid., p. 37.

1037.

Ibid., p. 115.

1038.

Nous empruntons ces expressions à la Deffense et Illustration de Du Bellay, qui voit dans l’utilisation des rimes équivoques la résurgence d’un médiévisme qu’il combat de façon forcenée et péremptoire.

1039.

RONSARD, Les Amours, op. cit., p. 57.

1040.

Ibid., sonnet CXXXII, p. 111.

1041.

Ibid., p. 158.

1042.

Ibid., p. 184.

1043.

Ibid., p. 291.

1044.

Ibid., p. 159.

1045.

Ibid., p. 290.

1046.

François RIGOLOT, Louise Labé ou la Renaissance au féminin, op. cit., p. 69 : « contrairement à Laure, Louise pouvait, elle, se dispenser d’un interprète masculin pour chanter ses amours car elle savait écrire et se faire estimer, non plus simplement pour sa beauté mais pour ses dons poétiques ».

1047.

Daniel Martin a relevé l’intérêt fondamental de ce sonnet en en faisant l’analyse dans la perspective de glorification lyonnaise entreprise par le recueil des Euvres.

1048.

Louise LABÉ, Œuvres complètes, op. cit., p. 141.

1049.

Ibid., p. 149.

1050.

Ibid., p. 181.

1051.

Ibid., p. 112.

1052.

Ibid.

1053.

Ibid.

1054.

Louise LABÉ, Œuvres complètes, op. cit., pp. 41-42.

1055.

Ibid., p. 42, pour toutes les citations de la page.

1056.

Nathalie DAUVOIS, Le Sujet lyrique à la Renaissance, op. cit., p. 88. Dauvois renvoie à F. BRUNOT, pp. 414 et 415.

1057.

Ibid. Dauvois renvoie à diverses pages de l’ouvrage de MEIGRET en notes.

1058.

François RIGOLOT, Louise Labé ou la Renaissance au féminin, op. cit., p. 81.

1059.

Ibid.

1060.

Louise LABÉ, Œuvres complètes, op. cit., pp. 94-95.

1061.

Ibid., p. 128.

1062.

Louise LABÉ, Œuvres complètes, op. cit., pp. 60-61.

1063.

Daniel MARTIN, Signe(s) d’Amante, op. cit., p. 364.

1064.

Louise LABÉ, Œuvres complètes, op. cit., p. 121.

1065.

Ibid., p. 77.