1. La pluridisciplinarité comme source de diversité

Bien que le langage commun ait largement participé à l’absence d’une définition claire, la confusion est entretenue, en amont de cette appropriation populaire, par la multiplicité des approches disciplinaires dont la qualité de vie fait l’objet. La multitude des emplois de cette expression qualité de vie entraîne une perte nuisible de signification précise et partagée. Cette polysémie est entretenue par la sphère scientifique qui ne parvient pas à s’accorder sur un consensus conceptuel. Dans le corpus scientifique, la qualité de vie est souvent confondue ou assimilée au bien-être alors que certains auteurs l’associent davantage à la satisfaction des besoins ou même au bonheur. Cette confusion se maintient par la déficience voire l’absence de définition des chercheurs qui traitent de cet objet. Comme l’explique A. OUDRY et D. HERMAND dans « Psychologie sociale appliquée » 1 , rares sont les recherches qui définissent explicitement la qualité de vie. Essentiellement envisagée en tant que « concept opératoire »18, la qualité de vie semble plus aisément mesurable que définissable : « de nombreuses recherches proposent d’évaluer directement la qualité de vie à partir d’indicateurs »18alors que ces travaux n’envisagent pas, au préalable, de la définir ni même de la discuter.

Evoquer la qualité de vie, c’est faire référence aux conditions générales d’existence en considérant par exemple la mortalité, l’espérance de vie, les qualités nutritionnelles, sanitaires ou éducatives d’une société ainsi que son contexte économique, politique et social. Les cadres de vie, compte tenu de leurs potentialités et de leurs carences ainsi que la qualité environnementale des milieux, peuvent être déterminants pour la qualité de vie.

Ce concept intègre également des éléments subjectifs relatifs à l’histoire et l’intimité des individus en se référant aux désirs, aux besoins, aux satisfactions et même au bonheur de chacun. Le concept de qualité de vie ne se limite pas à des aspects matériels et objectivement observables de la vie mais il s’enrichit des approches sociologiques et psychologiques pour se nourrir des rapports qu’entretient l’homme avec lui même et avec les autres. Tendre vers la qualité de vie, c’est aspirer au bonheur personnel, se sentir bien chez soi, vivre en harmonie avec son milieu qu’il soit familial, professionnel ou géographique, satisfaire ses besoins, avoir le temps et les moyens de vivre.

Le concept de qualité de vie reste donc difficile à appréhender de part l’abondance et la richesse des éléments qui peuvent s’y référer, dans la mesure où un ensemble considérable de notions désigne un même objet : la qualité de vie. Ce concept, critiqué voire discrédité en tant qu’objet de recherche pour son caractère « fourre-tout » 2 , fait ainsi référence à des éléments à la fois multiples et totalement différents tant dans leurs fondements que dans leurs approches. La diversité, inhérente à ce concept de qualité de vie, s’explique par « la multiplicité des approches et des disciplines qui s’y intéressent » 3 . Notre démarche est géographique. Il s’agit d’aborder le concept de qualité de vie certes à travers les pratiques et les représentations individuelles mais au travers de leurs implications dans les structures spatiales. Il ne s’agit pas de contenir le concept de qualité de vie dans un champ disciplinaire unique mais au contraire de se nourrir de la diversité des disciplines qui l’abordent pour sustenter notre démarche géographique.

Il convient ainsi de prendre conscience et connaissance de ce « flou conceptuel confortable »19 et de le dépasser. C’est en s’imprégnant des continuités et des ruptures conceptuelles que nous pourrons construire et proposer, à notre tour, une approche spécifique de la qualité de vie. Cette démarche ne peut se faire sans un ancrage conceptuel à la fois nécessaire mais non suffisant. Cet état de l’art doit servir de base à l’avancement propre de la connaissance. Cette approche d’identification et de clarification scientifique doit permettre de situer notre approche géographie de la qualité de vie en fonction des différentes écoles de pensée et des champs disciplinaires qui ont investi cette question de la qualité de vie.

Notes
1.

BONARDI C., GIRANDOLA F., ROUSSIAU N., SOUBIALE N., 2002, Psychologie sociale appliquée. Environnement, santé et qualité de vie. Paris, In Press Editions, 390 pages.

2.

TOBELEM-ZANIN C., 1995, La qualité de vie dans les villes françaises. Rouen, Publication de l’Université de Rouen, N°208, 288 pages.

3.

BONARDI C., GIRANDOLA F., ROUSSIAU N., SOUBIALE N., 2002, Psychologie sociale appliquée. Environnement, santé et qualité de vie. Paris, In Press Editions, 390 pages.