1.2.4. La qualité de vie et le domaine de la santé

Le domaine de la santé a très largement investi le concept de qualité de vie. L’intérêt qui lui a été porté a connu une croissance exponentielle. L’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) s’inscrit dans une approche subjective de la qualité de vie qui tient compte des contextes culturels, sociaux et environnementaux des individus. La qualité de vie est directement liée à la réalisation des potentialités individuelles et à la capacité des individus de réaliser leurs satisfactions personnelles. Ce concept prend ainsi en compte les éléments du milieu socioculturel, les jugements de valeur et les systèmes d’évaluation propres aux individus qui sont susceptibles de générer leur satisfaction :

‘« Quality of Life has been defined by the Word Health Organization as an individual’s perception of their position in life in the context of the culture and value systems in which they live and in relation to their goals, expectations, standards and concerns. It is a broad ranging concept incorporating in a complex way the person’s physical health, psychological state, level of independence, social relationships, personal beliefs and their relationship to salient features of the environment » 11 .

Cette définition explique que le concept de qualité de vie se réfère à une évaluation subjective propre au contexte individuel. Elle correspond à la perception qu’a un individu de sa place dans la société en lien avec ses propres attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est pourquoi la qualité de vie ne peut être directement assimilée au niveau de santé, au style de vie, à la satisfaction de la vie ou au bien-être. Il s’agit au contraire d’un concept multidimensionnel qui intègre, à la fois, la perception individuelle des différents aspects de la vie et la possibilité pour un individu d’assouvir ses besoins et de réaliser ses désirs.

Ce concept est également utilisé afin d’évaluer l’état de santé tout en incluant la dimension de satisfaction. L’unité de recherche sur la qualité de vie du Centre pour la Promotion de la Santé de l’Université de Toronto 12 en lien avec le département des Sciences de la Santé Publique, propose ainsi une approche basée sur la satisfaction. La qualité de vie est abordée à travers l’appréciation des individus lorsqu’ils jugent de l’importance des possibilités de leur vie. Ces possibilités résultent des opportunités et des limites de la vie de chacun. Elles sont conditionnées par l’interaction de facteurs personnels et environnementaux. Cette appréciation se base sur l’expérience de la satisfaction et sur la possession non matérielle illustrée, par exemple, par le fait « d’avoir une bonne santé ». Trois domaines d’évaluation sont ainsi identifiés : « l’être », « l’appartenance », et « la pratique ». Chacun de ces trois domaines est défini par un ensemble de variables.

Le domaine de « l’être » prend en compte les caractéristiques de base de la personne. Trois sous-ensembles le composent : l’être physique incluant les aspects de la santé physique, de l’hygiène personnelle, de la nutrition, de l’apparence physique et vestimentaire,… ; l’être psychologique considérant la santé psychologique de la personne, ses sentiments, sa considération pour elle-même,… ; l’être spirituel reflétant les valeurs personnelles, les modes de conduite, les croyances spirituelles, religieuses ou non.

Le domaine de « l’appartenance » permet de considérer l’adaptation d’un individu à son environnement. Trois sous-domaines sont également identifiés. L’appartenance physique est caractérisée par les points d’ancrage au sein de l’environnement comme la maison, le travail, l’école. L’appartenance sociale se caractérise par les liens avec l’environnement social et considère la manière d’être accepté dans l’intimité d’autrui, par exemple de la famille, des amis, des collègues de travail. L’appartenance communautaire correspond à l’accès aux ressources normalement disponibles aux membres de la communauté comme l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux services sanitaires et récréatifs.

Le domaine de « la pratique » se réfère aux activités quotidiennes comme le fait de se rendre à l’école ou au travail, d’avoir des loisirs ou des activités relaxantes, des visites familiales ou encore la durée des vacances. L’appréciation de ces trois composantes de la vie de l’individu permet une évaluation subjective de la qualité de vie.

Dans le secteur de la santé, la recherche s’intéresse également à l’implication de la maladie dans la qualité de vie du patient. Il s’agit, par exemple, d’envisager les répercussions que peuvent avoir les interventions chirurgicales importantes ou les effets secondaires de traitements lourds sur la qualité de vie du malade. Les chercheurs examinent alors l’impact des traitements d’une maladie sur la qualité de vie du patient. Les conséquences et les effets plus ou moins bénéfiques des traitements contre le cancer ont, par exemple, amené les équipes soignantes à s’interroger sur la pertinence de certaines actions médicales. À travers cette approche, le domaine de la santé a un réel souci d’identification des effets indésirables des soins pour préserver au mieux la qualité de vie quotidienne des patients. L’introduction du concept de qualité de vie en médecine a donc permis d’attirer l’attention sur l’importance des opinions et exigences des patients. La possibilité leur ait ainsi donnée de s’exprimer sur leur propre vécu de la maladie et sur des traitements qui leur sont administrés.

Comme l’explique A. LEPLEGE 13 , cette considération de la qualité de vie oblige à prendre en compte les perceptions et les préférences des patients dans les décisions médicales. Pour l’auteur, « la qualité de vie n’est pas identifiable au bonheur, mais, à l’instar du bien-être, elle relève de ses conditions nécessaires. Elle se définit par rapport au degré de satisfaction d’un ensemble de besoins et de désirs déterminés à partir d’un point de vue qui, idéalement devrait être celui des sujets eux-mêmes ». Il convient alors de développer des instruments capables de mesurer la qualité de vie des malades. Cet exercice de mesure induit une situation de double point de vue : « le point de vue de celui qui considère, le médecin et le point de vue de celui qui est considéré, le patient »27. Soucieux d’identifier des outils capables de refléter les préoccupations des patients et de représenter le réel le plus objectivement possible, A. LEPLEGE développe essentiellement les outils quantitatifs, sans pour autant, exclure les aspects qualitatifs de la mesure de la qualité de vie. Les mesures obtenues reposent sur les jugements que portent les patients sur leur propre état de santé. Comme il n’est pas possible de considérer tous les aspects de l’existence, ni de construire un questionnaire par sujet, il convient, pour mesurer la qualité de vie, de la réduire à certaines de ses dimensions. Cette démarche a pour but d’améliorer le bien-être et la satisfaction du malade concernant ses traitements médicaux. Il devient alors possible de dresser une typologie des instruments de mesure de la qualité de vie liée à la santé en fonction : de l’origine du questionnement (qui pose les questions ? Le médecin, le patient,…), des méthodes de pondération utilisées, du type de mesure obtenue (index, profil, …), de la population concernée, du type de pathologie ou du type d’échelle de mesure. Concrètement, ces mesures permettent aux équipes médicales d’approfondir leurs connaissances du ressenti et des perceptions des malades, d’anticiper la demande de soins tout en identifiant les besoins des patients.

Notes
11.

WORLD HEALTH ORGANIZATION, 1999, « WHOQOL, Annotated Bibliography ». Department of mental health, www.who.int , 35 pages.

« La qualité de vie a été défini par l’Organisation Mondiale de la Santé comme une perception des individus de leur situation selon le système culturel et de valeur dans lequel ils vivent, en fonction de leurs objectifs, de leurs attentes, de leurs normes et de leurs préoccupations. C’est un concept au champ large qui tient compte de manière complexe de la santé physique de la personne, de son état psychologique, de son niveau d’indépendance, de ses relations sociales, de ses croyances personnelles et de ses relations avec les éléments marquants de son environnement. » Traduction N. Saulnier.

12.

Quality of Life Research Unit, University of Toronto, www.soc.titech.ac.jp/uem/qol-define.html

13.

LEPLEGE A., 1999, Les mesures de la qualité de vie. Que sais-je ?, Paris, Presses Universitaires de France, 127 pages.