2.2. Les systèmes de mesure et d’évaluation de la qualité de vie

Les recherches de R.J. ROGERSON permettent une vision assez synthétique et globale des approches possibles de la qualité de vie. Cependant, nous avons jugé nécessaire, tout en s’inspirant de ces travaux, de compléter davantage les orientations proposées. L’approche subjective structurée autour des systèmes de représentations d’une part et du bien-être d’autre part semble couvrir la sphère de la vie personnelle de manière satisfaisante. L’approche objective doit au contraire être approfondie. La figure I.3. présente les résultats de cette adaptation.

Figure I.3. Approches et systèmes de mesure de la qualité de vie
Figure I.3. Approches et systèmes de mesure de la qualité de vie

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

L’analyse de la sphère de la vie matérielle dépend bien évidemment de la qualité de l’environnement et des conditions nécessaires à l’agrément de l’existence de chacun. Elle dépend également des caractéristiques intrinsèques des éléments déterminés et de leur répartition spatiale. L’identification des conditions nécessaires à la qualité de vie constitue ainsi une première démarche qui peut être complétée par l’évaluation objective de ces qualités. Cette approche complémentaire vient, à notre sens, compléter les procédés d’appréciation de la qualité de vie.

Chacun de ces quatre champs d’investigation donne lieu à une méthode d’évaluation spécifique de la qualité de vie. La figure I.3. permet de clarifier l’ensemble des possibles en matière d’évaluation de la qualité de vie. Une part importante des recherches sur la qualité de vie se base sur l’évaluation des conditions de vie matérielles. L’analyse peut s’appuyer sur l’identification d’indicateurs capables de caractériser les circonstances objectives de la vie. Cette approche prend pour référence certaines idées normatives généralement acceptées comme participant à la qualité de vie. Selon le cadre spatial de l’étude, les paramètres utilisés peuvent varier. La différence des échelles considérées qu’ils s’agissent de la nation, de la ville ou d’unités de vie quotidienne implique une variabilité quant aux choix des critères utilisés.

Puis, l’approche objective peut tendre vers l’évaluation quantitative des conditions de vie. La démarche consiste alors à considérer le territoire en fonction de ces potentialités et carences. À travers la présence ou l’absence d’un certain nombre d’éléments identifiés comme générateurs de qualité de vie, des disparités spatiales peuvent être mises en évidence. Ces analyses reposent sur des traitements statistiques capables de produire une connaissance précise des qualités environnementales des cadres de vie. C’est ainsi que des notions d’accès, de répartition, d’adéquation entre l’offre et la demande peuvent apporter une plus value analytique. L’analyse des conditions objectivables de l’existence n’aborde pas les perceptions subjectives et l’expérience directement vécue avec le milieu.

Cette approche est laissée aux démarches subjectives qui proposent une vision de la qualité de vie basée sur la connaissance des préférences et de la satisfaction des individus. Ces études qualitatives permettent un élargissement de la compréhension de la qualité de vie. Des questionnaires directement soumis à la population ou des entretiens, sources d’informations plus approfondies, permettent de saisir les opinions des individus. Il ne s’agit pas d’évaluer la satisfaction mais de prendre connaissance des éléments qui engendrent cette satisfaction. À travers une enquête sur les goûts, les aspirations, les désirs du plus grand nombre, la perception de la qualité de vie devient saisissable. Cette démarche fixe une identification claire des priorités et des préférences des différents groupes de la société selon par exemple le sexe, les cycles de la vie, les positions sociales ou la localisation géographique. Cela permet d’identifier selon des types de profils sociodémographiques les éléments subjectivement structurants pour la qualité de vie.

L’analyse qualitative repose également sur l’évaluation proprement dite de la satisfaction et du bien-être. Dans ce cas, il ne s’agit plus de connaître les éléments qui génèrent le sentiment de satisfaction mais bien de tendre vers l’estimation du bien-être. Bien que ces deux démarches d’analyse puissent être étroitement liées, celle-ci s’axe principalement sur la mesure de la satisfaction. Il s’agit par le biais d’une prise de contact directe avec la population à travers la passation de questionnaires ou d’entretiens, d’identifier des degrés de satisfaction ou l’importance du bien-être des individus.

L’identification des différents champs d’investigation de la qualité de vie et de leurs systèmes spécifiques de mesure montre que cette notion est au centre d’une véritable tension conceptuelle. Cependant, la mise en tension de la qualité de vie ne se borne pas à son approche scientifique. Elle est également accentuée par son appropriation et son institutionnalisation qui en ont fait une expression courante dont le sens se perd quelques peu dans la multitude des emplois et des référents. Pour mieux saisir la qualité de vie, il convient de retracer brièvement les « leviers sociétaux » et les appropriations politiques qui ont accompagné l’émergence du concept et suscité la multiplicité de son usage. Le contexte à la fois structurel et conjoncturel ne peut être déconnecté de la considération scientifique du concept tant leurs histoires sont étroitement liées. Ce n’est qu’à l’issue de cette prise de connaissance que nous pourrons envisager de sortir de cette tension improductive qui cristallise la notion de qualité de vie pour construire notre étude sur la base de propositions nouvelles.