2.2. Politique actuelle de l’environnement et évolution de l’usage de la notion de qualité de vie

Le décret n°97-715 du 11 juin 1997 institue le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. Sous l’autorité de D. VOYNET, cette instance gouvernementale vise la mise en place d’une politique transversale et intégrée qui ne soit pas uniquement le résultat de l’adaptation des projets ou la correction de leurs dégâts éventuels. Il s’agit davantage d’une intervention située en amont des projets dans une logique de développement durable.

Ce Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement s’assure que les objectifs de la politique du développement durable soient pris en considération dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ainsi que dans la gestion des espaces et des ressources naturels. Par délégation du Premier Ministre, il exerce les pouvoirs relatifs à l’aménagement du territoire et à l’action régionale dévolus au Premier Ministre par le décret du 14 février 1963. Parmi ses attributions, ce ministère conduit la politique gouvernementale d’un développement économique et social équilibré sur l’ensemble du territoire afin d’assurer une intégration au sein de l’espace européen. Il prépare les contrats de plan entre l’état et les régions tout en évaluant la politique d’aménagement du territoire.

Dans le cadre de la politique de l’environnement, le Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement assure la protection de la nature et la lutte contre les pollutions et les nuisances. À ce titre, il est responsable des actions de protection des paysages, des sites, du littoral et de la montagne. Il police et gère la chasse, la pêche en eau douce, la navigation fluviale ainsi que l’exploitation des carrières. Il travaille à la prévention de la qualité de l’air, des risques majeurs d’origine technologique ou naturel et lutte contre l’effet de serre. Ce ministère est également chargé de favoriser l’information, la formation et les initiatives citoyennes en matière d’environnement et se doit de proposer des mesures susceptibles d’améliorer la qualité de la vie. Dans le domaine énergétique, cette instance est associée à l’élaboration de la politique de rationalisation des ressources et de développement des énergies renouvelables. En collaboration avec le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, il participe à la politique de sûreté nucléaire (y compris le transport des matières radioactives). Il participe également à la détermination et à la mise en œuvre de la politique en matière d’urbanisme, d’équipement, de transport et de grandes infrastructures ainsi que la politique d’aménagement de l’espace rural, de la forêt et de la santé lorsque cette dernière est liée à l’environnement. C’est le cas par exemple du problème de « la vache folle » ou la gestion des organismes génétiquement modifiés (O.G.M.).

Comme le montre la figure I.4., le Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement dispose d’un certain nombre de conseils et de comités nationaux internes. Quelques organismes sont également mis à sa disposition par d’autres ministères. L’inspection générale de l’environnement (IGE) assure ainsi une mission permanente de contrôle, d’évaluation, d’analyse et de conseil pour la mise en œuvre des politiques de l’environnement. À cet égard, le cabinet de la Ministre s’appuie sur cinq directions d’administration centrale. Afin de conforter sa politique au sein des régions, le ministère mobilise les services déconcentrés comme la DIREN et la DRIRE. Sous la direction du Préfet de région, les Directions Régionales de l’Environnement (DIREN) favorisent la prise en considération de l’environnement dans les divers programmes d’aménagement, les programmes européens et dans les contrats de plans. Elles veillent à la protection de la nature, des sites et des paysages tout en favorisant les politiques de conservation des milieux naturels. Egalement sous autorité préfectorale, les Directions Régionales de l’Industrie et de l’Environnement (DRIRE) coordonnent l’animation de l’inspection et l’application des législations relatives aux installations classées, à la pollution de l’air et aux déchets. Afin de compléter et diversifier ses compétences, le ministère confie la réalisation d’un certain nombre de ses missions à des organismes publics sous sa propre tutelle ou sous tutelle conjointe avec d’autres ministères. C’est le cas par exemple de l’Institut Français de l’Environnement (IFEN), de l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques (INERIS), du Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres (CELRL), de l’Office National de la Chasse (ONC), des Agences de l’Eau et des Parcs Nationaux. Pour les établissements en co-tutelle, on peut noter sa collaboration avec l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), l’Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA), le Muséum National d’Histoire Naturelle ou l’Office National des Forêts.

Au vue de l’organisation de ce ministère, on remarque que la prise en compte des notions d’environnement, de qualité de vie et de cadre de vie n’a pas évolué de manière identique. La considération environnementale s’installe solidement dans les orientations politiques du gouvernement. La protection de la nature, des sites, des paysages ainsi que la lutte et la prévention des risques naturels et anthropiques restent les maîtres-mots de la politique gouvernementale. Les notions de qualité de vie et de cadre de vie semblent au contraire être moins prégnantes dans les préoccupations ministérielles. La qualité de vie a perdu de sa substance institutionnelle au profit d’une simple évocation de forme. La qualité des cadres de vie est simplement prise en compte à travers les nuisances qui lui sont corollaires (pollutions, bruit, qualité de l’air, de l’eau,…). Il n’y a plus de réel engagement de la part du Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement dans l’organisation et la gestion de la vie urbaine. La considération gouvernementale actuelle se base davantage sur la notion de développement durable et sur la nécessaire équité entre le développement anthropique et le milieu naturel.

Figure I.4. Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement en 2000
Figure I.4. Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement en 2000

Source : Site gouvernemental Internet, www.environnement.gouv.fr (juin 2000

Les convictions écologistes du ministère tendent à orienter les débats et les mesures vers un meilleur équilibre entre l’homme et son environnement naturel. L’engagement dans la protection et le respect de l’écosystème s’impose comme une priorité et semble constituer l’essentiel des préoccupations gouvernementales.

Cette orientation s’accentue encore davantage après la réélection de J. CHIRAC aux élections présidentielles. L’investiture du gouvernement de J-P. RAFFARIN met fin au Ministère de l’aménagement du Territoire et de l’environnement pour le remplacer par le Ministère de l’écologie et du développement durable. Le décret du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministère de l’écologie et du développement durable désigne R. BACHELOT-NARQUIN au poste de ministre de l’écologie et du développement durable et T. SAÏFI au poste de secrétaire d’Etat au développement durable.

Ce changement de nomination cache de profondes similitudes quant aux préoccupations, à l’organisation ministérielle et aux actions envisagées. Comme le ministère de D. VOYNET, celui de R. BACHELOT, axe son projet sur la prise en compte globale de l’environnement à travers des principes de gestion et de prévention des espaces et des territoires. Fondé sur la prise en compte des rapports entre les organismes vivants et le milieu dans lequel ils vivent, ce ministère, comme celui qu’il remplace, axe principalement ses actions sur la défense des milieux naturels et la protection de l’environnement. Parallèlement à ses fonctions d’administration régaliennes, la politique du Ministère de l’écologie et du développement durable se structure en amont autour de missions d’inventaire et de connaissance mais surtout à travers des missions de police et de contrôle.

Dans le cadre de ses attributions, la ministre doit veiller à l’intégration des objectifs de développement durable dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, concernant notamment la gestion des espaces et ressources naturels ainsi que l’aménagement du territoire. Au titre de la politique de l’environnement, le Ministère de l’écologie et du développement durable est responsable des actions de protection de la nature, des paysages et des sites. Il veille à la préservation de la biodiversité et à la protection du littoral et de la montagne. Ce ministère garanti la protection, la police et la gestion des eaux. Il assure la police et la gestion de la chasse et de la pêche en eau douce. En liaison avec les différents ministères concernés, il assure également la police de l’exploitation des carrières et des installations classées pour la protection de l’environnement.

Le Ministère de l’écologie et du développement durable définit et met en œuvre les actions relatives à la préservation de la qualité de l’air et à la lutte contre l’effet de serre et aux changements climatiques. Il veille, en lien avec les ministères intéressés, à la réduction des nuisances sonores, assure la coordination des actions concernant la prévention des risques majeurs d’origine technologique ou naturelle et élabore, conjointement avec le ministère chargé de l’industrie, la politique en matière de sûreté nucléaire, y compris en ce qui concerne le transport des matières radioactives à usage civil.

Ce ministère doit participer à la rationalisation des politiques publiques (utilisation rationnelle des ressources énergétiques, développement des énergies renouvelables, réduction et traitement des déchets, développement des industries et des services de l’environnement). Il participe à la détermination et à la mise en œuvre de la politique en matière d’urbanisme, d’équipement, de transport et de grandes infrastructures, en particulier en ce qui concerne la prévention et la réduction des risques écologiques. Il participe également à la détermination de la politique de santé tant que cette dernière est liée à l’environnement.

Au titre du développement durable, le Ministère de l’écologie et du développement durable veille à l’évaluation environnementale des politiques publiques. Il contribue au développement de la politique destinée à associer les citoyens à la détermination des choix concernant les projets ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. Ce ministère se doit de proposer toute mesure propre à améliorer la qualité de vie et contribue au développement de l’éducation, la formation et l’information des citoyens en matière d’environnement. Il veille aussi à la prise en compte du développement durable dans les politiques contractuelles de l’Etat.

Comme le montre la figure I.5., la ministre de l’écologie et du développement durable a autorité sur l’inspection générale de l’environnement, la direction générale de l’administration, des finances et des affaires internationales, la direction des études économiques et de l’évaluation environnementale, la direction de la nature et des paysages, ainsi que la mission interministérielle de l’effet de serre. Ce ministère a autorité conjointe avec les ministères chargés de l’industrie et de la santé sur la direction de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Pour l’exercice de ses attributions, le ministre de l’écologie et du développement durable dispose du Conseil Général des Ponts et Chaussées (placé sous l’autorité du ministère chargé de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer), du Conseil Général des Mines (placé sous l’autorité du ministère chargé de l’économie, des finances et de l’industrie) et du Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des Forêts (placé sous l’autorité du ministère chargé de l’agriculture). Pour l’exercice de ses attributions en matière d’énergies renouvelables et d’utilisation rationnelle de l’énergie, le ministère de l’écologie et du développement durable dispose de la Direction Générale de l’Energie et des Matières Premières (placée sous l’autorité du ministère chargé de l’industrie).

Figure I.5.Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable en 2003

Source : Site gouvernemental Internet, www.environnement.gouv.fr (février 2003)

La structure du ministère actuel demeure identique au précédent. Le ministère de l’écologie et du développement durable de R. BACHELOT comme le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement de D. VOYNET dispose de l’inspection générale de l’environnement qui assure une mission permanente de contrôle, d’évaluation, d’analyse et de conseil pour la mise en œuvre des politiques de l’environnement. Les cabinets s’appuient sur une administration centrale composée de cinq directions d’administration centrale. Afin de conforter sa politique au sein des régions, le ministère s’appuie sur des « services déconcentrés » comme les Directions Régionales de l’Environnement (DIREN) et les Directions Régionales de l’Industrie et de l’Environnement (DRIRE).

Même si la considération institutionnelle de la qualité de vie n’a pas été constante durant ces trois dernières décennies, cette notion n’a pas pour autant perdu les faveurs de la sphère politique. La qualité de vie a été institutionnellement imposée comme une notion fédératrice. Les institutions gouvernementales ont peu à peu remplacé cette notion de qualité de vie par des préoccupations plus globalisantes concernant l’environnement pour, plus récemment, s’appuyer sur la notion de développement durable. La qualité de vie demeure néanmoins, au fil des années, un enjeu incontournable pour améliorer les stratégies de développement et demeure un point fort de la communication de la sphère politique.

La considération politique de la qualité de vie au sein des préoccupations gouvernementales a donc indéniablement évolué. Après s’être imposée en tant qu’objet de politique nationale, la qualité de vie devient peu à peu un enjeu de politique locale. Les lois de décentralisation mises en place au début des années quatre-vingt, puis les diverses lois concernant l’intercommunalité (en 1992 et 1999), ont octroyé aux collectivités locales de nouvelles prérogatives en matière d’aménagement du territoire. Un changement d’échelle des préoccupations politiques est alors perceptible. La qualité de vie s’impose comme une priorité pour le développement local des territoires. Les acteurs locaux s’approprient cette notion de qualité de vie et l’intègrent aux orientations de développement des communes. La ville devient par conséquent le terrain privilégié d’expression de la qualité de vie. C’est ainsi à l’échelle du local, de la proximité, de la quotidienneté que les individus matérialisent le mieux leurs revendications pour l’amélioration de la qualité de vie et c’est l’échelon municipal qui fait, aujourd’hui, le mieux écho à cette attente. La sphère politique lyonnaise s’est largement emparée de cette notion de qualité de vie lors des dernières élections municipales. L’analyse des discours produits à cette occasion témoigne de l’ampleur et de la diversité de l’appropriation de la qualité de vie par la sphère politique locale.