3.3. La qualité de vie à travers le cadre de vie, l’écologie urbaine et le développement durable

La qualité de vie est principalement utilisée pour évoquer le lien entre l’habitant et son espace de vie. La référence à la qualité de vie se traduit souvent par un discours structuré autour de ce que l’on « voit et vit » tous les jours. Le discours donne une place fondamentale à la proximité et à la quotidienneté. Il inscrit l’intentionnalité des acteurs à une échelle « affective » qui est celle du « chez soi ». Dans ce contexte, la qualité de vie revêt une valeur symbolique. Elle a un rôle fédérateur et tente de rapprocher le narrateur des électeurs en exprimant une large prise en compte des préoccupations de chacun. Le rapport de l’homme avec son cadre de vie est souvent cité comme un élément essentiel de qualité de vie. Le discours s’appuie ainsi sur les potentialités, les carences et les dysfonctionnements de l’espace urbain. La communication s’appuie sur une vision prospective et envisage les axes de développement et les améliorations qu’il convient de mener pour que la vie soit plus agréable, conviviale et harmonieuse. Pour les acteurs, la qualité de vie dépend largement de la qualité des cadres de vie. Le discours s’organise autour de différentes orientations (plus au moins nombreuses selon les listes) qui semblent favoriser la qualité de vie. Le niveau de langage permet de juger de l’intentionnalité des narrateurs sans que les moyens de sa mise en oeuvre soient explicités.

Le discours repose sur une idée simple : la qualité de vie dépend de la qualité des cadres de vie. Ce postulat apparemment anodin renseigne sur la perception des acteurs. L’analyse discursive met en évidence leur représentation et permet de saisir leur projet de ville. Lorsque la qualité de vie est évoquée, elle se traduit dans les schémas d’intention par une prise en compte qualitative du milieu urbain. La qualité de vie des individus est ainsi conditionnée par des facteurs exogènes. Cette perception largement partagée confère à l’espace de vie la capacité de participer à la qualité de la vie de chacun. Le politique se place dans ce cas dans une position de régulateur. Dans l’énonciation de son action, il se propose d’équilibrer les fonctions urbaines, d’adapter au mieux l’offre à la demande en services et équipements. On vise ainsi la mise à disposition d’un « équi-environnement » de qualité. La qualité des cadres de vie se structure ainsi autour de différents éléments récurrents.

La question des déplacements urbains s’impose comme une préoccupation prioritaire. Pour la liste « A Gauche Autrement », l’engagement politique est de « faire respirer la ville et ses habitants » grâce à une politique municipale garantissant le développement durable des transports collectifs. L’objectif est de limiter l’usage de la voiture individuelle grâce à « l’instauration d’un droit au transport collectif pour toutes et tous ». En luttant contre l’asphyxie de l’agglomération, ces mesures luttent en faveur de la préservation de l’environnement et de la santé tout en favorisant « l’amélioration de la vie quotidienne des habitants ».

Pour la liste « M.I.L.L.O.N. pour Lyon », le projet consiste à mettre en place une politique des déplacements favorisant l’équilibre entre les modes de transport. « La lutte contre la pollution atmosphérique constitue aujourd’hui une impérieuse nécessité. Cette nuisance est source de dégradation de la qualité de vie mais entraîne surtout un problème de santé publique ». La pollution atmosphérique et les nuisances sonores constituent l’argumentaire du discours. Le constat de la densité du trafic automobile et les dégradations qu’elle engendre sur le cadre de vie permettent d’afficher des objectifs plus qualitatifs. Le politique s’engage en effet à « réduire les nuisances provenant de l’usage non maîtrisé de la voiture particulière afin de garantir aux lyonnais une meilleure qualité de vie (accidents, bruit routier en façade des zones habitées, pollution de l’air) ». La qualité de vie semble, dans ce cas, dépendre de la régulation politique de la circulation individuelle. Il s’agit de privilégier l’intérêt général. Le choix énoncé est de réguler les mobilités individuelles au profit de la préservation et de l’amélioration du cadre de vie collectif.

En s’inscrivant dans la même démarche, la liste « En avant Lyon » structure son projet autour des sollicitudes citadines. Pour eux, la préoccupation principale des lyonnais est sans doute la qualité de leur vie quotidienne. « Ils veulent une ville douce à vivre, accueillante, hospitalière ». Afin de pallier la péri-urbanisation, la ville doit s’efforcer d’être attractive. Il faut qu’elle soit « attirante par la qualité de vie qu’elle offre, par le nombre des équipements et des services à la population qu’elle développe, par la beauté de son architecture, par la qualité de ses espaces publics ». La ville doit ainsi « retrouver son urbanité et, pour résister aux charmes du cocooning rural, devenir une ville douce à vivre ». Afin d’atteindre ces objectifs, le projet prévoit d’en « finir avec le cauchemar des déplacements et du stationnement ». Les mots utilisés font appel à l’imaginaire collectif tout en ancrant le discours dans une représentation individuelle, personnelle voire intime. L’utilisation de l’image du cauchemar en tant qu’activité psychique angoissante procure au discours un poids symbolique fort. En mettant un mot et donc une image sur le ressenti de la population, il connote l’énoncé et présente son intention comme une libération. Il devient ainsi impératif d’adapter l’offre en transports en commun aux besoins (création de parking relais, multiplication et diversification de la desserte), de trouver des solutions alternatives au transport automobile individuel (complémentarité des modes de transports avec les taxis, construction de garages résidents en milieu urbain dense, favoriser le covoiturage), de désenclaver la ville de son trafic transitoire. Qu’il s’agisse d’un droit citoyen ou d’un devoir politique, les déplacements animent les discours. Les problèmes que posent la circulation automobile et la gestion des transports collectifs permettent aux propagandistes de dresser un bilan servant de support à la nouvelle dynamique qu’ils se proposent d’impulser. Ils inscrivent ainsi leur projet d’action dans l’amélioration du quotidien et la valorisation de la qualité de la vie. Le discours s’adresse donc bien à l’habitant, à l’usager du cadre de vie et non à l’automobiliste potentiel qui sommeille en chaque citoyen.

Au-delà des problèmes de déplacements urbains qui permettent d’évoquer la lutte contre les pollutions atmosphériques ou sonores, l’analyse discursive souligne la volonté des acteurs de proposer un projet de ville plus soucieux de l’environnement, de l’écologie, du développement durable. La notion d’écologie urbaine structure ainsi largement les programmes même si chacun d’entre eux ne l’évoque pas à travers des schémas d’intentions et d’actions similaires. La liste « Civisme à Lyon » préconise un aménagement et un urbanisme durable. À travers la création de villages urbains fondés sur la proximité, l’accessibilité, la quotidienneté, le but est de tendre vers des solutions urbaines qui fassent entrer « tout ou partie de la ville dans des cercles vertueux en matière de santé de la population, d’animation de la vie de quartier et de convivialité entre les habitants ». La notion d’écologie urbaine est dans ce cas envisagée comme une démarche qualitative permettant de valoriser et de préserver la vie sur l’espace restreint du quartier. La sauvegarde d’éléments historiques, le choix du vélo comme mode de transport ou « le développement de centres de télétravail créant de l’activité non polluante dans les quartiers » sont les orientations jugées nécessaires pour améliorer le quotidien de chacun. L’écologie telle qu’elle est abordée dans ce discours dépasse la préservation de l’environnement pour anticiper sur des mesures visant le mieux-vivre ensemble.

La liste « D’abord les Lyonnais » associe la qualité de vie à l’écologie urbaine à travers la lutte contre les pollutions et leurs répercussions sur la santé des habitants. Il est ainsi proposé de préserver et d’améliorer la qualité de l’air, la qualité de l’eau et de poursuivre une politique d’aménagement d’espaces verts « pour préserver la santé des lyonnais, en particulier des plus jeunes et des plus fragiles ». Le discours sensibilise donc sur la nécessité d’un engagement politique en faveur du maintien de la santé publique.

La liste « M.I.L.L.O.N. pour Lyon » propose une politique d’écologie urbaine basée sur l’embellissement urbain, la propreté (lutte contre le collage sauvage d’affiches, les graffitis, les déjections canines), la qualité du mobilier urbain (améliorer l’éclairage public, répondre de façon systématique et immédiate aux actes de vandalisme), la multiplication des espaces verts et la lutte contre la pollution. Pour reprendre les termes du discours, « la qualité de vie des lyonnais passe par un développement urbain harmonieux et équilibré » et un environnement amélioré. La multiplication des espaces verts s’inscrit comme une réponse au souhait des habitants de disposer d’équipements de proximité capables d’apporter « la qualité de la vie au cœur des quartiers ». Envisagés comme des lieux de convivialité entre les générations, favorisant l’échange, la récréation, la détente et le jeu, les espaces verts semblent favoriser le lien social. La valorisation esthétique de la ville à travers le plan de qualité de ville intitulé « Lyon fais-toi belle » s’impose également comme une priorité. S’appuyant sur le ravalement des façades, la qualité du mobilier urbain, une signalétique adaptée, la multiplication des fontaines et l’acquisition statuaire, le choix est fait de tendre vers la magnificence urbaine. Cette politique d’embellissement de la cité permet de valoriser le cadre de vie en présupposant de l’association entre le beau et l’agréable.

La liste « En avant Lyon » s’inscrit dans une démarche encore plus pragmatique. Le discours se propose d’intégrer, à l’action publique, le développement durable et la prise en compte de l’écologie urbaine afin de rompre avec le « modèle productiviste et son lot de dégradations et de nuisances ». Considérant la croissance qualitative aussi importante que la croissance quantitative, les acteurs préconisent la mise en place d’une orientation nouvelle, valorisante et efficiente. La proposition est faite de « changer de modèle » de gouvernance à travers à la fois le choix de développer durablement la ville et de placer « l’écologie au cœur du projet urbain ». Le discours insiste sur l’ampleur de l’engagement politique qui est proposé. Cette orientation est légitimée à la fois par la plus-value qualitative qu’elle peut générer pour l’ensemble de la population et par l’image qu’elle confère à ceux qui l’ont suivis. L’analyse discursive permet d’avoir une double interprétation du modèle de développement proposé. Le choix du développement durable dans les politiques urbaines favorise en effet la qualité de vie des habitants tout en valorisant ceux qui s’engagent dans cette voie. Il apparaît ainsi fondamental « à la fois pour la qualité de la vie à Lyon mais aussi pour l’image moderniste » qu’il est souhaité de donner à la cité, d’intégrer de nouveaux modes de réflexion, de gestion et d’action. Le développement durable est ainsi évoqué comme une orientation audacieuse, novatrice permettant au politique d’œuvrer pour améliorer le quotidien des lyonnais, tout en faisant de sa démarche un exemple.

Plus qu’un projet de ville, ce discours propose un projet de société basé sur les principes de solidarité, de précaution et de participation. Cette démarche présuppose une vision globale et systémique des phénomènes économiques, sociaux et environnementaux. Le discours fait ainsi état de la nécessité « d’une gestion globale, transversale, pluridisciplinaire, écosystèmique, qui tranche avec un système qui reste très cloisonné et verticalisé ». Parallèlement à ce projet, la volonté est affichée de faire de Lyon une ville écologique. Le discours fait un rapprochement quasi-systématique entre écologie urbaine et qualité de vie. Pour la liste « En avant Lyon », la concertation entre la population et les différents acteurs publics et privés sur le thème de l’écologie urbaine est nécessaire à la qualité de vie. Les préoccupations majeures demeurent la qualité de l’eau et la préservation des nappes phréatiques, la qualité de l’air, les déchets et leur tri, les politiques énergétiques (énergies renouvelables, logements H.Q.E. -Haute Qualité Environnementale), la pollution sonore et les risques naturels et technologiques. Ces axes de développement ne constituent pas une fin en soi, le discours inscrit l’intentionnalité des acteurs dans une démarche toujours plus globale qui est celle de faire de l’écologie « le fil vert » de toutes les actions entreprises. D’une manière plus opérationnelle, le projet souhaite « introduire la nature au cœur de la ville ». Pour ce faire, il est envisagé de préserver et de mettre en valeur les espaces naturels et les parcs urbains existants. Lors des nouveaux aménagements, il est prévu de mener « la naturalisation et le verdissement de la ville ». La qualité de vie dépend également de l’accessibilité aux espaces verts de proximité. L’objectif est alors que chaque habitant puisse rejoindre en dix minutes un espace vert. Après l’énonciation du modèle politique et l’annonce des grandes orientations de développement, le discours s’ancre davantage dans la proximité. Il s’agit de montrer que les préoccupations locales ne sont pas négligées et que la politique d’agglomération n’est pas la seule à mobiliser les énergies. Il est ainsi prévu de porter une attention particulière à la propreté des rues et des espaces publics, à l’effacement des tags sauvages, au choix et à l’entretien du mobilier urbain. Là encore, le discours fait référence au double intérêt de préserver la qualité du quotidien. Par l’amélioration du cadre de vie, le politique répond à une attente spécifique de la population tout en valorisant l’image bénéfique de cette qualité retrouvée. Le souci du quotidien est « une aspiration forte des habitants, c’est aussi une nécessité pour l’image extérieure de la ville ».

L’usage de la notion de qualité de vie permet au discours de se rapprocher encore davantage des préoccupations personnelles des habitants. Déjà utilisée en référence à la proximité, au quotidien, la qualité de vie permet également d’entrer dans la considération de l’intimité de chacun à travers l’habitat. La liste « M.I.L.L.O.N. Pour Lyon » considère qu’il est nécessaire de « privilégier la qualité de vie des lyonnais par une politique harmonieuse de l’habitat ». L’objectif affiché est l’instauration d’une réglementation favorisant « l’identité architecturale des quartiers en évitant l’uniformité et en favorisant l’animation et l’intégration sociale ». La qualité de vie des individus résulte dans ce cas d’une volonté politique. C’est le politique qui génère la qualité de vie de ces administrés par l’instauration d’une réglementation et par les effets de la régulation. Le discours valorise ainsi son rôle et légitime son action. Le projet s’articule autour d’un constat simple : « la qualité de vie des lyonnais passe par un développement urbain harmonieux (…) et des logements réhabilités ». L’engagement énoncé s’appuie donc sur une « politique équilibrée du logement » grâce à l’accession sociale à la propriété et à la réhabilitation des logements anciens. Ce projet utilise des référents consensuels. Le discours évoque ainsi des quartiers accueillants, intégrateurs où se mélangent toutes les catégories sociales de la population. Il fait référence de façon récurrente à la « mixité sociale » qui s’impose comme une condition sine qua non de la qualité de vie. Mais la politique de l’habitat ne se limite pas à la gestion de l’offre de logements, elle se doit d’intervenir sur l’activité commerciale et artisanale de proximité afin de générer ou de valoriser le dynamisme des quartiers. La municipalité se doit ainsi de « créer les conditions favorables au développement du commerce de proximité » en soutenant ces activités au cœur des quartiers afin de « favoriser la qualité de vie mais aussi la qualité de ville ».

Comme nous venons de le voir, la qualité de vie est largement assimilée à l’amélioration matérielle des conditions d’existence. La préservation et la valorisation des cadres de vie s’imposent comme des priorités majeures de l’engagement politique dans la mesure où elles répondent aux revendications qualitatives des citadins. Certains de ces discours électoraux attribuent également une dimension sociale à la qualité de vie.