3.4. La qualité de vie en tant que projet social

Un certain nombre de programmes électoraux façonne un véritable projet social où l’homme et la représentation de son existence sont placés au cœur du débat. La qualité de vie prend alors une dimension nouvelle. Pour la liste « A Gauche Autrement », l’enjeu du projet repose sur l’élaboration d’une « politique sociale pour mieux vivre ensemble dans la ville ». La mise en place de cette politique sociale a pour but de construire et d’améliorer « le vivre ensemble, dans la ville, dans l’agglomération, mais aussi dans le pays, l’Europe et le monde ». Ce projet politique dépasse largement la cible lyonnaise des élections municipales. Il se trame à travers cet énoncé l’amorce d’un véritable projet de vie universel. L’annonce de cette politique municipale ne semble être qu’un prétexte à un projet politique global conçu sur des bases différentes. Plus qu’un programme opérationnel de gestion urbaine, le discours se structure autour d’un projet de gouvernance replaçant l’homme et le social au centre de toutes les préoccupations. Dans ce cas, la qualité de vie dépend des orientations municipales car seuls les choix politiques peuvent tendre vers la réduction des inégalités sociales. Cette démarche s’appuie sur l’interface entre le politique et le citoyen. En effet, comment prétendre œuvrer en faveur des habitants sans les consulter et les intégrer à la décision ? La qualité de vie est davantage associée au système de gouvernance qu’à l’action politique elle-même. « Améliorer la qualité de vie passe par un développement de la démocratie locale ». La démarche proposée implique donc le recours systématique au débat citoyen, à la concertation et à la décision participative. Inspirée du modèle de Porto Alegre, la liste « A Gauche Autrement » projette de « redonner le pouvoir de décision à tous par l’instauration de la procédure de budget participatif ». En intégrant le citoyen à la gestion de la cité, il devient un membre actif de la gestion municipale et par la même, acteur de sa propre qualité de vie.

Même si le discours reste moins engagé et moins militant, la liste « M.I.L.L.O.N. pour Lyon » s’inscrit également dans une considération sociale de la qualité de vie. L’énoncé reste cependant beaucoup plus superficiel qu’idéologique. La description de ce projet social emploi un niveau de langage plus rhétorique. Les images utilisées sont à la fois consensuelles et logomachiques. Le souhait formulé est de construire une ville sociale et socialisante qui ait la capacité de renforcer « le lien social entre les habitants » et qui permette « de mieux vivre ensemble ». On attribue ainsi à la ville un rôle de structuration sociale au même titre que la famille. À une échelle plus fine, la qualité de vie est décrite comme dépendante de l’épanouissement familial. Le but est d’adopter « une politique résolument tournée vers la qualité de vie des personnes ». Cette démarche se concrétise à travers l’émancipation des tâches ménagères des individus. Par le biais de prestations spécifiques (Titre Emploi Service), la municipalité participe à la gestion du temps personnel et suscite des pratiques plus qualitatives. Elle se propose ainsi de venir en aide aux familles et aux personnes en difficulté. La réduction du temps consacré aux tâches ménagères et domestiques permet de consacrer plus de temps aux enfants, de lutter contre l’échec scolaire et offre la possibilité de « garder autonomie et dignité ». La volonté est également d’utiliser les répercussions de ces aides pour développer l’emploi de proximité. La qualité de vie s’acquière, dans ce cas, par la valorisation du temps et des pratiques. En permettant à une partie de la population de se décharger des travaux de ménage, de repassage, de jardinage, en lui permettant d’avoir recours à la garde d’enfant à domicile, à l’aide scolaire, au garde malade, à l’aide à domicile des personnes âgées ou handicapées, la municipalité se propose d’apporter une aide qualitative dans le quotidien de certains.

La liste « En avant Lyon » développe également une partie de son discours sur la dimension sociale de la qualité de vie. Comme pour l’analyse précédente, la qualité de vie est associée à des idéaux sociaux. Tour à tour cause et conséquence, la qualité de vie est dans ce cas envisagée comme un ciment sociétal capable de créer du « lien social ». Cette démarche discursive place l’homme au cœur du projet. C’est à travers l’homme et les rapports qu’il entretient avec les autres et son environnement que le politique légitime son action. Dans le cadre de l’objectif d’un « développement urbain durable », l’intentionnalité des acteurs s’appuie sur la protection des ressources rares, la maîtrise de la péri-urbanisation et la cohésion sociale. Cette cohésion sociale est décrite comme « garante d’une tranquillité nécessaire à un développement harmonieux, et plus généralement de qualité de vie ». « Le souci de l’épanouissement personnel » s’impose également comme une priorité de la politique municipale.

Les possibilités d’épanouissement personnel des habitants dépendent de l’environnement éducatif, de la prise en charge de la jeunesse et des potentialités en matière d’équipements culturels et sportifs. La jeunesse occupe d’ailleurs une place prédominante dans le discours. La prise en compte des besoins des jeunes générations, en termes évidemment d’éducation mais aussi de culture, de loisirs puis d’emploi s’impose comme une nécessité absolue. D’après les propagandistes, les progrès à accomplir dans la satisfaction des « aspirations de la web génération » sont d’autant plus importants que sa considération a été négligée. Pour reprendre les termes du discours : « si la qualité de vie et de dynamisme d’une ville se juge à l’aune de la place qu‘elle accorde à sa jeunesse, alors la ville de Lyon a encore d’énormes progrès à faire ». Le projet social se base donc sur la nécessité politique d’offrir à tous et surtout à ceux qui feront la ville de demain, les potentialités d’une existence riche et diversifiée.