3.7. Analyse discursive et typologies des usages de la notion de qualité de vie

Cette analyse discursive permet de cerner la multiplicité des usages de la notion de qualité de vie. Les discours produits lors des élections municipales lyonnaises donnent un exemple de la diversité des représentations auxquelles se réfère la qualité de vie. Les programmes n’ont pas été étudiés pour eux-mêmes mais pour ce qu’ils permettent d’apprendre sur ceux qui les formulent. Sans vouloir discuter du fondement des énoncés, cette démarche permet de renseigner sur l’idée qu’ont les acteurs politiques de la qualité de vie. L’élaboration de projets de ville et l’expression des intentionnalités en matière de gestion municipale permettent de saisir les phénomènes d’appropriation et de réutilisation de la notion de qualité de vie. Le tableau présenté ci-après permet de synthétiser les différents usages de la qualité de vie et d’en proposer une typologie détaillée.

Cette typologie permet de mettre en évidence le lien étroit qui existe entre la qualité de vie et le cadre de vie. La qualité de vie fait largement référence aux problèmes urbains et aux conditions matérielles de la quotidienneté. Les occurrences repérées dans les discours politiques illustrent une appropriation de la notion de qualité de vie passant par la préservation et l’amélioration des milieux de vie urbains. Qu’il s’agisse de préoccupations particulières liées à la circulation automobile, l’harmonisation et la qualité de l’habitat ou de préoccupations plus globales liées à l’écologie urbaine et au développement durable, le cadre de vie permet à la qualité de vie de trouver une expression simple et fédératrice. L’appropriation et l’usage de cette notion ne sont cependant pas exclusifs puisque de nombreux acteurs politiques associent la qualité de vie au projet de société basé, tour à tour, sur une idéologie particulière de gouvernance, sur le lien, la cohésion ou l’épanouissement social. Associée aux notions de sécurité et de tranquillité, la qualité de vie devient un véritable outil de propagande pour une vie meilleure garantissant à chacun paix et sérénité.

Tableau I.1. Un exemple de typologie des usages de la qualité de vie
Tableau I.1. Un exemple de typologie des usages de la qualité de vie

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

L’analyse des occurrences du discours politique permet d’identifier des typologies d’usage de la notion de qualité de vie. Dans la mesure où il s’agit d’une analyse strictement discursive, celle-ci se borne au repérage des notions utilisées pour faire référence à la qualité de vie, en refusant d’orienter l’analyse sur l’idéologie politique elle-même. Grâce à l’inventaire des schémas d’intentions, cet exercice permet néanmoins de mettre en exergue une appropriation différenciée des aspirations et des attentes sociétales et donc de révéler un usage dissemblable de la demande sociale. Chaque corpus politique détient sa propre représentation des besoins, des revendications et des désirs des habitants. C’est à partir de cette projection des exigences sociétales que se construit le discours politique. Qu’il témoigne d’une position qui peut être jugée archaïque, qu’il offre davantage une vision progressiste ou volontariste ou qu’il propose un positionnement plus « décalé », le discours demeure le reflet idéologique du projet politique. L’analyse des usages de la qualité de vie permet ainsi d’illustrer, à travers un exemple précis, la diversité des éléments qui la structurent, la façonnent et lui donnent corps.

Après avoir identifié les différents champs disciplinaires qui s’intéressent à la qualité de vie, nous avons cherché à clarifier les approches conceptuelles dont elle fait l’objet et les méthodes nécessaires à sa mesure et son évaluation. Au regard de son entrée dans le langage commun, de l’appropriation sociétale de la notion et du phénomène d’institutionnalisation de la qualité de vie, nous avons montré sa diversité et son polyformisme. Cet état de l’art a permit de mettre en évidence les divergences conceptuelles et les distorsions d’usage qui caractérise cette notion. Pour sortir de cette mise en tension de la qualité de vie et pour s’extraire de cette nébuleuse stérile, il convient à présent de proposer une démarche pragmatique. Seule la construction d’une approche basée sur la complémentarité et l’intégration des démarches peut permettre de mener à bien ce projet d’évaluation de la qualité de vie. Pour cerner l’ampleur et la complexité de cette notion, cette recherche, bien que géographique, doit avant d’entreprendre l’évaluation des conditions de vie et l’étude de leurs disparités spatiales, prendre en considération les systèmes de valeurs, les préférences et les représentations des individus. La géographie ne peut, à elle seule, appréhender la complexité de la qualité de vie et entreprendre l’exercice de sa mesure. C’est en s’appuyant sur des approches diversifiées, empruntées tour à tour aux sciences sociologique et géographique, que l’évaluation de la qualité de vie peut prendre toute sa pertinence. La proposition d’une approche pragmatique et intégrée doit donc être formulée.