L’objet de la recherche s’apparente souvent à un creux qu’il convient de remplir. Par conséquent, « il s’inscrit dans une problématique d’avancement des connaissances » 56 . L’objet de la recherche se base ainsi sur un état des lieux de la connaissance du sujet tout en se proposant d’aller au delà des acquis et des certitudes. « Un problème de recherche se conçoit comme un écart conscient que l’on veut combler entre ce que nous savons, jugé insatisfaisant, et ce que nous désirons savoir, jugé désirable » 57 .
Cette étude ne propose pas d’aborder la qualité de vie en tant que concept prédéfini directement saisissable et utilisable. Le travail mené s’appuie sur une certitude : l’absence de dogme qui définit la qualité de vie. Il semble effectivement difficile de parler de concept de qualité de vie lorsque l’on sait que le concept se définie comme « une représentation mentale générale et abstraite d’un objet » 58 . De notre point de vue, ce constat en entraîne un autre. La notion de qualité de vie, avant d’en faire usage, doit être construite. En abandonnant l’espoir d’un concept stable et unanime, l’objet de la recherche revient à envisager la qualité de vie comme une notion évidée qu’il est nécessaire de remplir. Cette notion support doit servir de prétexte à la mobilisation de connaissances précises et partagées. C’est dans cette optique que cette recherche va être conduite.
Cette étude de qualité de vie propose ainsi la construction progressive de l’objet de recherche. Notre démarche, sans en adopter l’ensemble des fondements épistémologiques et méthodologiques, s’inspire largement des processus de la recherche qualitative. En effet, en recherche qualitative, « l’objet de recherche s’élabore au fur et à mesure que la collecte des données et l’analyse s’accomplissent »102. L’objet de recherche s’érige au contact du terrain et des connaissances recueillies. « Le processus de collecte des données et de l’analyse oblige le chercheur à balayer systématiquement le champ d’investigation pour construire son objet. Ce mouvement de va-et-vient rythme la chronologie de l’acte de recherche et constitue une des principales caractéristiques de la recherche qualitative 102». Bien que la recherche qualitative résiste à la mise en forme statistique de ses données, et c’est bien là que nos approches diffèrent, les préoccupations restent identiques aux nôtres : saisir les opinions et les représentations des individus.
Notre travail trouve, dans les méthodes de la recherche qualitative, la flexibilité nécessaire à la construction de l’objet de recherche. L’approche hypothético-déductive suppose une définition préalable de l’objet de recherche induisant la mobilisation d’un appareillage technique pour le cerner. Quant à la recherche qualitative, elle inclut dans sa méthodologie un caractère itératif et rétroactif. La collecte des données, l’analyse et l’élaboration de la question de recherche s’enrichissent et se complètent.
L’objet de notre recherche est donc de définir la qualité de vie, d’identifier les critères nécessaires à sa mesure et d’en élaborer l’évaluation. Il s’agit de comprendre les perceptions de la société en matière de qualité de vie et de se servir de cette connaissance pour asseoir l’évaluation du phénomène. Cette problématique nécessite d’identifier un corpus d’acteurs susceptible de formuler des réponses aux questions suivantes : quelle définition pour la qualité de vie, quels sont les référents qui lui sont corrélés, quels critères sont jugés pertinents et nécessaires pour son évaluation ? C’est seulement à partir des réponses obtenues que l’objet de recherche pourra se finaliser pour tendre vers l’élaboration du diagnostic objectif et l’appréciation des disparités spatiales de la qualité de vie intra-urbaine.
Les fondements de cette recherche d’évaluation de qualité de vie quotidienne ne sont donc pas exogènes mais se construisent à travers elle. Cela suppose de comprendre, par interprétation, les représentations et les attentes sociales. Pour ce faire, il convient de se munir d’outils et de méthodes capables de tendre vers une connaissance fiable des systèmes de valeurs sociétales. Au préalable, il est nécessaire d’expliquer et de justifier nos choix méthodologiques.
DESLAURIERS J-P., GROULX L-H., LAPERRIERE A., MAYER R., PIRES A., POUPART J., Groupe de recherche interdisciplinaire sur les méthodes qualitatives, 1997, La recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques. Montréal, Gaëtan Morin Editeur, 405 pages.
CHEVRIER J., 1993, La spécification de la problématique dans La recherche qualitative, cité dans « La recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques ». Montréal, Gaëtan Morin Editeur, 405 pages.
Dictionnaire de la langue française, 1996, Le Petit Robert.