3.2. Déroulement de l’enquête

Compte tenu de la dissemblance des deux populations de l’enquête et de la différence des modes de questionnement choisi, les modalités de recueil de l’information ne peuvent être identiques et méritent d’être développées. Pour les acteurs professionnels, nous avons opté pour une passation en face à face. Compte tenu du caractère double de la prise de contact qui suppose la passation d’un entretien semi-directif suivi de l’administration du questionnaire, ce procédé mettant en relation directe l’enquêté et l’enquêteur s’est imposé comme le plus efficient. Ce mode d’administration en face à face présente de nombreux avantages quant à la qualité et la rapidité de la mise en œuvre de l’enquête. Nous avons directement administré l’ensemble des trente-quatre entretiens. Cela nous a permis de vérifier personnellement la capacité de réponse de l’interrogé et d’optimiser l’exercice. Cette relation directe entre enquêté et enquêteur a également pour avantage de susciter une conversation privilégiée permettant le partage de point de vue sur la problématique de la qualité de vie urbaine.

Pour organiser la prise de contact avec les acteurs professionnels, un courrier de demande de collaboration leur a été adressé. Ce courrier, décliné en deux versions disponibles en annexe 5., introduit les objectifs du travail de recherche et exprime la nécessité d’une rencontre. Il s’agit de considérer l’interlocuteur comme un informateur privilégié pouvant participer activement à la résolution de la problématique : « votre participation est un atout essentiel dans le conduite de ces travaux » (Annexe 5.). Cette lettre précise également les modalités de l’exercice : « lors d’un entretien, nous pourrons ensemble évoquer une définition de la qualité de vie puis grâce à la passation d’un questionnaire, nous chercherons à mieux cerner les critères qui permettent d’évaluer la qualité de vie des citadins », (Annexe 5.). Le déroulement ultérieur de la prise de contact est également précisé : « nous prendrons rapidement contact par téléphone avec vous afin de convenir d’une date de rendez-vous », (Annexe 5.). Ce contact préliminaire permet, dans un premier temps, de vérifier si l’interrogé se juge compétent et concerné par les questions de recherche. Cette première mise à l’épreuve de notre échantillonnage nous a permis d’en vérifier la pertinence et l’adéquation. Cette démarche permet, dans un deuxième temps, de considérer si la personne contactée est disposée à fournir des informations en fonction de ses compétences.

Ce procédé d’annonce préalable de la démarche affiche un taux de refus particulièrement faible. Bien que la faiblesse de l‘échantillon ne permette pas de quantifier de manière significative un taux de refus, il semble important d’indiquer que seul un architecte a refusé de participer au projet, faute de disponibilité. Nous avons ainsi sollicité un homologue professionnel qui a consenti à cette collaboration. L’ensemble des trente-quatre acteurs ont donc été contactés par téléphone afin de nous accorder un rendez-vous (cf. liste des contacts). Globalement, la seule lecture du projet de recherche a permis de susciter l’intérêt des interlocuteurs et d’entamer la discussion sur des bases constructives.

Les premiers rendez-vous professionnels ont débuté en décembre 2001 pour s’achever courant du mois de mars 2002. Le déroulement de l’enquête a été identique pour chacun des acteurs, à savoir la présentation du projet de recherche, la passation de l’entretien semi-directif, l’introduction du changement du mode de questionnement et l’administration du questionnaire. Cet enchaînement a été immuable. La prise de contact s’est passée sur le lieu de travail de l’enquêté, dans un endroit clos et calme. Cette mise en situation a permis d’avoir une relation privilégiée avec l’enquêté. De ces choix de localisation, dépendent le rôle que chaque protagoniste s’attribue et confère à son interlocuteur : « il n’est pas, en effet, indifférent que l’entretien ait lieu dans un endroit calme ou bruyant, dans un bureau ou dans la rue, là où l’enquêté travaille ou habite. Il n’est pas davantage indifférent que l’enquêteur aille le trouver, ou au contraire que l’enquêté se rende au bureau de l’enquêteur. Cet ensemble de lieux peut avoir des conséquences quant au statut et au rôle que l’enquêté s’attribue à lui-même par rapport au regard que l’enquêteur porte sur lui » 83 . Nous avons souhaité nous déplacer sur le lieu de travail de l’enquêté afin d’ancrer l’entretien dans le contexte professionnel de celui-ci et lui conférer un rôle déterminant dans l’avancement de la problématique. Chaque entretien a duré en moyenne une heure, voire une heure et demie. Cette variabilité a été fonction de la disponibilité de l’enquêté, de la richesse de l’entretien, de la faculté d’expression et de la densité du discours.

Pour l’enquête auprès des habitants, le questionnaire a été administré par téléphone. Bien que contestable, ce mode d’administration comporte un certain nombre d’avantages non négligeables. L’usage du téléphone facilite dans un premier temps le contact avec les interrogés. La mise à distance de la relation entre l’enquêté et l’enquêteur permet une mise en confiance. Cet usage évite également une intrusion trop agressive dans le quotidien et limite les réactions offensives. De plus, il permet de remédier à la dispersion géographique des interrogés. Dans notre cas, l’échantillon s’ancre sur trois territoires de la ville de Lyon. Ce mode d’administration offre l’avantage de rendre aisément accessible des individus géographiquement éloignés. En évitant les déplacements, ce mode de passation permet une réduction du temps d’enquête. Au delà de l’accessibilité spatiale, le téléphone permet une accessibilité sociale. En journée, « il touche les personnes – habitants de pavillons isolés, femmes au foyer, retraité – qui hésitent à ouvrir leur porte à des inconnus. Le soir, il permet d’attendre à leur domicile des personnes difficiles à joindre autrement du fait de leur activité professionnelle » 84 .

Ce mode de passation rapide, de plus en plus considéré pour ces avantages, n’est pas sans inconvénient. Ce procédé reste sélectif. Le taux d’équipement des ménages a fait des progrès indéniables puisque 97% des ménages français disposent d’une installation téléphonique fixe 85 . L’usage du téléphone exclue bien évidemment les abonnés au téléphone inscrits sur liste rouge, les ménages en situation d’exclusion ne disposant pas de d’installation téléphonique, les foyers n’ayant plus de poste fixe au profit d’une souscription au réseau de téléphonie mobile... Le téléphone ne permet donc pas d’établir un contact avec la totalité de la population mais ce biais reste faible donc acceptable. Il ne s’agit pas de nier l’absence d’exhaustivité de ce mode de passation, mais il semble, qu’en l’absence de procédé parfait, celui-ci répond au mieux aux exigences et aux contraintes de notre recherche.

De plus, ce procédé induit une contrainte méthodologique non négligeable. Les enquêtes par téléphone suppose des questionnaires de courte durée. Comme le précisent A-M. DUSSAIX et J-M. GROSBRAS, « on admet généralement qu’une enquête par téléphone ne devrait pas dépasser 15 à 30 minutes » 86 . Cette nécessité a conditionné la conception du questionnaire et la durée de la passation a été vérifiée lors des pré-tests.

L’enquête par questionnaire auprès des habitants s’est déroulée de décembre 2001 à avril 2002. Pour mener à bien cette démarche, nous avons bénéficié de l’aide précieuse de Sophie LADREY 87 . Afin de diversifier les enquêtés, les contacts téléphoniques ont été répartis les jours de semaine en fin de journée, entre 17 heures 30 et 20 heures, ainsi que les mercredi et vendredi après midi, de 15 heures à 18 heures. Par ce procédé, nous avons cherché à diversifier et à faciliter les contacts. Pendant la journée, l’enquête a pu cibler les inactifs (retraités, femmes au foyer, personnes sans emploi, étudiants, …) alors que c’est en fin de journée que les actifs sont le plus aisément accessibles.

En pratique, nous avons veillé au bon respect des libellés, au caractère invariant de la formulation des questions et au maintien de la neutralité de l’enquêteur. Pour uniformiser et faciliter l’exercice de passation, une grille a été élaborée. Indexée en annexe 6., ce guide de passation décline, pour chacune des questions, l’attitude que doit adopter l’enquêteur. Celui-ci explicite le contenu du discours, ce qui doit être dit ou passé sous silence, le nombre de réponses attendues, classées ou non. Il précise également le type de questions posées (question filtre, question filtrée) et la nature des réponses attendues. Ce guide a été conçu pour aider la passation du questionnaire. Il garanti la lisibilité et la rigueur de l’exercice.

De plus, compte tenu de l’organisation du questionnaire, une attention particulière a été portée à l’annonce des items. Certaines questions proposent une liste d’items relativement longue. Comme l’explique J-C. COMBESSIE 88 , alors que les premiers items sont favorisés en cas de passation écrite, la passation orale donne la préférence aux derniers items. Afin d’optimiser les réponses recueillies et de limiter au maximum la lassitude qui peut s’installer au cours du questionnaire, nous avons donc veillé à diversifier l’ordre de proposition des items.

Ce sont dans ces conditions qu’ont été administrés 101 questionnaires pour le quartier Centre Croix-Rousse, 102 questionnaires pour le quartier Montchat-Chambovet et 100 questionnaires pour le quartier du Plateau de la Duchère. Pour aider au suivi journalier de la passation, et en vue de l’exploitation ultérieure des résultats d’enquête, nous avons utilisé une grille de suivi. Cette grille, disponible en annexe 7., recense pour chaque phase de passation, la date, l’heure de départ et de fin de la passation, ainsi que la répartition du nombre d’appels (appel abouti, ne répond pas, refus, répondeur, occupé, à rappeler, faux numéro). Cette procédure de suivi a permis d’optimiser les jours voire même les heures de passation et permet le calcul des taux de non-réponses. Il convient à présent de préciser les modalités de recueil et de traitement des différentes informations recueillies.

Notes
83.

GHIGLIONE R., MATALON B., 1992, Les enquêtes sociologiques – Théories et pratique. Paris, Armand Colin Editeur, quatrième édition, troisième tirage, 301 pages.

84.

FREYSSINET-DOMINJON J., 1997, Méthode de recherche en sciences sociales. Paris, Montchrestien, Collection administration économique et sociale, 356 pages.

85.

Enquête « Conditions de vie des ménages », issue de l‘enquête ménages réalisée en 2001 par l’INSEE.

86.

DUSSAIX A-M., GROSBRASJ-M., 1996, Les sondages : principes et méthodes. Paris, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 124 pages.

87.

Sophie LADREY, étudiante en maîtrise de géographie, a effectué, du 4 février au 14 juin 2002, un stage d’une durée de quatre mois et demi au sein de l’Agence d’urbanisme. Ce stage s’est inscrit dans le cadre de l’Unité d’Expérience Professionnelle de sa maîtrise de Géographie dirigée par C. ZANIN. Nous profitons de l’occasion qui nous estt donnée de remercier S. LADREY pour sa collaboration et le partage de cette tâche souvent difficile.

88.

COMBESSIE J-C., 1999, La méthode en sociologie. Paris, 2ème édition, Editions La Découverte, 124 pages.