3.3. Modes de collecte et de traitement des informations

Lors des entretiens semi-directifs, nous avons eu recours à la prise de notes. L’enregistrement systématique des entretiens semi-directifs, bien qu’étant le procédé le plus adapté à la restitution discursive, n’a pu être utilisé. Face à la réticence, voire au refus des premiers enquêtés, nous avons abandonné cette éventualité. Le discours des interrogés a donc été retranscrit en respectant la nature des propos, le vocabulaire utilisé, la structuration générale du récit. Ce relevé de note a ensuite été étudié afin d’en extraire les connaissances souhaitées, à savoir la perception des systèmes de référence de la qualité de vie quotidienne, les éléments de sa définition et les critères nécessaires à son évaluation. Nous avons procédé par analyse sémantique et regroupement lexical afin de tendre vers une remise en forme des discours.

Pour la phase quantitative de l’enquête, nous avons utilisé le logiciel de création et d’analyse de questionnaires, d’entretiens et de données, nommé Modalisa en version 4.1. Ce logiciel multiméthodologique permet de concevoir et traiter des questionnaires tout en analysant des bases de données. Modalisa intègre tous les types de questions : à réponse unique, multiples, numériques, ordonnées, datées et textuelles. Modalisa permet la réalisation de traitements et d’analyses statistiques variés tels que les tris à plats, les tris croisés, les profils de variables, les analyses factorielles des correspondances, les analyses en composantes principales, … « Accessible aux non-statiticiens, Modalisa est le logiciel métier des chargés d’études, des responsables marketing, des chercheurs en sciences sociales, des enseignants… » 89 .

Au sein du logiciel Modalisa, deux « enquêtes » ont été crées : « l’enquête professionnels » et « l’enquête habitants ». Chacune d’entre elles a donné lieu à la création d’un questionnaire spécifique. L’ensemble des questions ont alors été saisies en fonction d’un nom, d’un libellé, d’un abrégé et d’un code. Le traitement de l’information est fonction du type de question. La création de questions fermées à réponse unique nécessite simplement de saisir l’intitulé des différentes modalités de réponse. Pour une question fermée à réponses multiples, le principe de saisie reste identique à ceci prêt que le nombre de réponses maximum doit être renseigné. La possibilité est offerte de préciser le caractère ordonné des réponses qui correspond à l’ordre de saisie. Pour la création d’une question numérique, Modalisa demande de fixer les bornes minimum et maximum attendues lors de la saisie. Pour les questions ouvertes qui supposent une réponse sous forme de texte ou de date, une zone de liberté est allouée à la saisie. À l’issu de la saisie exhaustive des questionnaires, Modalisa permet d’éditer et d’imprimer la liste des questions constituant l’enquête.

Ce travail méticuleux de construction du questionnaire est nécessaire avant la saisie des réponses et permet d’optimiser les traitements et les analyses ultérieurs. Ce logiciel a été installé sur un poste unique de travail. La saisie des questionnaires n’a donc pas pu se faire directement lors de la passation téléphonique. Chaque interrogé a donné lieu à un questionnaire papier renseigné à la main. La saisie informatique s’est faite ultérieurement de manière groupée. Bien que cet exercice de saisie soit d’une grande simplicité, il a nécessité des phases importantes de vérification et de validation. L’usage de ce logiciel permet de suivre l’évolution du nombre de questionnaires saisis et d’éditer des résultats partiels grâce à la compilation régulière des réponses.

Les questions ouvertes textuelles ou numériques ont nécessité un traitement particulier de recodification. Pour les réponses numériques, qui correspondent au cas le plus simple, il est nécessaire de répartir des réponses en fonction de classes dont le nombre et les bornes sont à définir. Le recodage des questions ouvertes de type texte reste plus délicat. À partir des mots et expressions saisis, le recodage consiste à affecter la réponse fournie par l’enquêté à un seul thème (si une idée principale se dégage ou si une seule idée a été évoquée) ou à plusieurs (ce qui revient à la saisie d’une question à réponses multiples). Cet exercice peut être effectué de manière manuelle ou de manière automatique. Un dictionnaire regroupant les réponses les plus fréquentes, réalisé au préalable, peut faciliter le recodage.

Après ces ajustements préalables, Modalisa permet la création de tableaux de tris à plat pour une question sélectionnée, un groupe de questions ou pour l’ensemble du questionnaire. Ces tableaux présentent les réponses données pour chacune des questions. Pour les questions à réponses multiples, les tableaux présentent, au choix, les résultats en fonction du nombre d’individus interrogés, du nombre de répondants ou du nombre de réponses. Pour les questions à réponses ordonnées, les tableaux présentent le nombre de réponses pour chaque modalité et pour chaque rang. La possibilité est également offerte de réaliser des tris croisés. La sélection de deux questions à croiser donne lieu à un tableau de contingence. L’objectif de cette analyse « bivariée » est d’identifier les éventuelles corrélations entre les réponses à ces questions.

Au total, sur une période de cinq mois, il a été administré, vérifié, codé et saisie 337 questionnaires (34 pour les professionnels et 303 pour les habitants). Le tableau ci-après montre la répartition des appels pour les trois quartiers d’étude.

Tableau II.7. Déroulement de l’enquête
Quartiers


Cas de
figure
Centre
Croix-Rousse
Montchat-
Chambovet
Plateau de la Duchère TOTAUX
Effectif En % Effectif En % Effectif En % Effectif
Répondu 101 21 102 22 100 24 303
Ne Répond Pas 124 26 104 21 73 17 301
Refus 92 19 81 17 145 34 318
Répondeur 118 24 113 24 60 14 291
Occupé 16 3 27 6 15 4 58
A rappeler 27 6 41 9 24 6 92
Faux N° ou Non attribué 3 1 6 1 4 1 13
TOTAL des appels passés 481 100 474 100 421 100 1376

Source : Enquête « Evaluation de la qualité de vie quotidienne », 2002.

Pour mener à bien cette enquête par questionnaire auprès des habitants, 481 appels ont été nécessaires pour le quartier Centre Croix-Rousse, 474 pour Montchat-Chambovet et 421 pour le Plateau de la Duchère. Lors des phases de passation, les interlocuteurs refusant de participer au sondage (rejet de principe, manque de temps, abandon en cours d’enquête…) et les erreurs inhérentes à la source d’information comme les numéros non attribués, ont été définitivement exclus de la base de sondage. Les appels non-aboutis (absence de l’enquêté, ligne occupée, répondeur) ont fait l’objet d’une attention particulière. Ces personnes non-joignables ont été rappelées au moins quatre fois à des jours et horaires différents, avant d’être définitivement exclues de la base de sondage. Les enquêtés qui ont préféré différer la prise de contact en fixant un rendez-vous ont été rappelé comme entendu.

Pour chacun des trois quartiers, le taux de participation a été différent. Basé sur le nombre de personnes effectivement contacté, à savoir celles ayant répondu au questionnaire et celles ayant refusé de participer, un taux de participation a été calculé. Ce taux correspond au nombre de consentants divisé par le nombre total de contacts aboutis :

Les trois quartiers d’étude affichent des résultats dissemblables. Le quartier Montchat-Chambovet dispose du taux de participation le plus important : 56% des personnes contactées ont ainsi consenti à répondre au questionnaire. Le quartier Centre Croix-Rousse, en position intermédiaire, dispose d’un taux de participation de 52%. Le quartier du Plateau de la Duchère affiche, quant à lui, le taux de participation le plus faible : seul 41% des contacts ont participé à l’enquête.

D’une manière générale, il convient d’être attentif aux non-réponses. La part des non-réponses ne suffit pas, à elle seule, à mesurer l’erreur de non-réponse : « un taux de non-réponse faible peut être pernicieux si répondants et non-répondants ont des comportements très différents en ce qui concerne les thèmes de l’enquête. Inversement, un taux de non-réponse élevé n’est pas trop grave si ces comportements sont très voisins » 90 . Utilisant une méthode aléatoire pour la constitution de l’échantillonnage, les individus sont nommément désignés par la base de sondage. On peut ainsi précisément connaître le nombre de non-réponses pour chacun des trois quartiers d’étude. Cette base de connaissance ne permet cependant pas de présupposer des représentations des non-répondants. Ce biais non négligeable de l’enquête, oblige à s’interroger sur la composition générale des répondants. Les habitants qui ont consenti à répondre au sondage se structurent-ils de la même manière que la population résidente des quartiers ? Il s’agit de confronter, à posteriori, la structure de notre échantillon aléatoire à la composition réelle de la population des quartiers d’étude. Cette démarche a pour but de rééquilibrer la part des non-réponses et d’optimiser les résultats d’enquête. Pour ce faire, nous avons utilisé la technique de redressement d’échantillon.

Compte tenu du mode aléatoire de l’échantillonnage, la qualité des estimations obtenues a été améliorée par l‘utilisation d’une méthode de redressement des variables. Cette technique permet de pondérer l’échantillon des répondants en fonction de distributions statistiques connues. Les données de sondage sont réajustées sur la base de deux variables : les catégories socioprofessionnelles et l’âge de la population résidente des trois quartiers. Ces données vont donc permettre de corriger, à la marge, les résultats d’enquête. Pour ce faire, nous avons utilisé les données de l’INSEE concernant le Recensement de la Population. Les données des tableaux II.4. et II.5. décrivant les profils démographiques et socioprofessionnels des trois quartiers d’étude constituent une base d’information suffisamment fine pour opérer un redressement sur plusieurs variables. Considérant la distribution réelle de la population du quartier, les réponses obtenues ventilées selon la catégorie socioprofessionnelle et l’âge des répondants, sont pondérées afin d’obtenir une distribution « conforme à la réalité ». L’usage du redressement est à concevoir comme un « lissage » permettant d’affiner les résultats d’enquête. Cette technique ne doit en aucun cas générer de modifications brutales des résultats primaires.

L’ensemble de cette démarche a pu être menée sur Modalisa. « L’enquête habitants » a été divisée en trois sous-enquêtes, une pour chaque quartier. La distribution théorique (âge et catégories socioprofessionnelles) de la population résidente a été renseignée pour chacune des sous-enquêtes. Cette répartition statistique a permis de calculer les coefficients de redressement qui ont été affectés à l’ensemble des résultats de sous-enquêtes. Cette démarche a donc permis de pondérer, à la marge, les réponses obtenues afin d’optimiser la validité générale des résultats de sondage.

Sans entrer davantage dans les résultats d’enquête qui feront l’objet d’un développement spécifique dans la partie suivante, il est à présent nécessaire de replacer l’objet de notre étude dans son cadre géographique. Nous avons amplement justifié les méthodes de compréhension des réalités subjectives et les instruments d’analyse des perceptions de la qualité de vie quotidienne qui ont été mobilisés. La connaissance subjective des représentations citadines doit à présent trouver un territoire d’expression. L’approche par la sociologie qualitative de la qualité de vie n’a pas été menée pour elle-même mais doit servir de référence à l’approche spatialisée et quantitative de la qualité de vie. Ces connaissances doivent ainsi trouver leur traduction et leur implication au sein des structures spatiales des cadres de vie. Dans la mesure où il s’agit à présent d’analyser les disparités intra-urbaines de la qualité de vie quotidienne, l’analyse géographique, bien que peu lisible en début d’exposé, doit reprendre toute sa place. C’est pourquoi le cadre spatial de l’analyse de la qualité de vie quotidienne ne doit pas se poser d’emblée comme s’il s’agissait d’une évidence. L’approche spatiale doit s’inscrire dans une véritable réflexion pour que les échelles d’analyse soient à la fois pertinentes et opérationnelles. Proposer une étude intra-urbaine nécessite d’investir le tissu urbain, d’entrer dans la ville et de tendre vers un découpage spatial. Il convient préalablement de s’interroger sur les potentialités, les contraintes, les limites des échelles intra-urbaines. Quelle échelle semble le mieux correspondre à l’analyse de la qualité de vie : l’arrondissement, le groupement de quartiers, le quartier, l’îlot, la rue, le bâtiment,… ?

Le chapitre suivant propose ainsi une réflexion sur les territoires de la qualité de vie. Il s’agit d’identifier les périmètres existants et d’en discuter la pertinence. À travers l’analyse des avantages et des inconvénients des référentiels utilisables, nous retracerons la recherche heuristique d’un référentiel géographique adapté à l’étude de la qualité de vie quotidienne. Les outils d’analyse et les traitements cartographiques ainsi que les grands principes méthodologiques de l’étude géographique seront alors exposés.

Notes
89.

Société KYNOS, notice du logiciel.

90.

DUSSAIX A-M., GROSBRASJ-M., 1996, Les sondages : principes et méthodes. Paris, Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 124 pages.