2.2. Qualité de vie, pratiques et comportements déclarés d’achat

Afin de cerner au mieux la perception des habitants, nous avons tenu à les interroger sur leurs pratiques quotidiennes. Après avoir orienté le questionnement sur les critères nécessaires à la qualité de vie quotidienne, il convient de prendre connaissance du vécu et des habitudes de chacun. S’enquérir des pratiques et des comportements d’achat des interviewés permet alors de mettre en correspondance les représentations, les besoins perçus et la réalité des cadres de vie. C’est pourquoi nous avons interrogé les habitants sur l’importance des commerces et des services de proximité pour leur qualité de vie quotidienne. Les habitants interrogés considèrent dans leur grande majorité que la présence de commerces et de services de proximité participe considérablement à l’agrément de la vie quotidienne.

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

La réponse largement positive à cette question dénote un consentement de masse puisque 86% des habitants interrogés du quartier Centre Croix-Rousse, 84% des résidants du quartier de Montchat-Chambovert et 83% des habitants du quartier du Plateau de la Duchère s’accordent à penser que la proximité des commerces participe à leur qualité de vie quotidienne. Cette affirmation est confirmée par les comportements d’achats déclarés des interviewés. La fréquence des achats alimentaires et non alimentaires locaux (c’est-à-dire effectués « au sein du quartier d’habitation », ce périmètre ayant été laissé à l’appréciation de chacun) corrobore cette perception générale.

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

Globalement, malgré cet assentiment quant aux pratiques de consommation quotidienne, certaines particularités territoriales apparaissent. Le quartier dense de l’hyper-centre lyonnais se caractérise par des pratiques commerciales très locales, particulièrement axées sur le commerce de proximité et le quartier. 92% des habitants interrogés du quartier Centre Croix-Rousse déclarent en effet faire régulièrement leurs courses alimentaires dans leur quartier (cumul des fréquences « très souvent » et « souvent ») et 80% d’entre eux affirment avoir une pratique fréquente des commerces non alimentaires et des services de leur quartier. Ces comportements bien que déclaratifs sont indéniablement à rapprocher du dynamisme commercial du quartier. Celui-ci dispose en effet d’une densité commerciale de 53 établissements pour 1000 habitants. Cette potentialité place ce quartier à des niveaux supérieurs de densité dans la mesure où la densité moyenne pour l’ensemble de la ville de Lyon est de 19 établissements pour 1000 habitants.

Ces proportions décroissent légèrement pour les pratiques déclarées des habitants interrogés du quartier Montchat-Chambovet : 82% des interviewés affirment faire habituellement leurs courses alimentaires dans leur quartier et 65% d’entre eux fréquentent régulièrement les commerces non alimentaires et les services de proximité. La fréquence de ces pratiques recule encore davantage lorsqu’il s’agit du quartier du Plateau de la Duchère puisque 76% des habitants interrogés font régulièrement leurs courses alimentaires auprès des commerçants de leur quartier alors que seulement 46% d’entre eux déclarent une fréquence régulière auprès des commerces non alimentaires et des services du quartier. Ces résultats, bien que décroissants, révèlent une certaine inadéquation entre les pratiques déclaratives des interviewés et les potentialités réelles des cadres de vie. A l’inverse du quartier Centre Croix-Rousse, les quartiers Montchat-Chambovet et Plateau de la Duchère affichent une densité commerciale extrêmement faible correspondant à 5 établissements pour 1000 habitants. La réalité du dynamisme et de l’activité commerciale de ces trois quartiers semble ne pas remettre en cause la perception qu’ont les habitants de leurs propres pratiques de consommation et de l’importance de la présence de commerces pour leur qualité de vie quotidienne.

Nous avons également cherché à connaître la perception de l’incidence des autres activités structurantes sur la qualité de vie quotidienne des habitants. L’objet du questionnement a alors porté sur la participation ou la non participation des pratiques culturelles, sportives, associatives et religieuses à la qualité de vie. Cette démarche a pour objet l’ouverture du questionnement vers une dimension plus interactive. Il s’agit d’interroger l’individu non plus sur les éléments perçus comme nécessaires à la qualité de vie mais bien de le positionner en tant qu’acteur et de le questionner sur ses pratiques quotidiennes. Cette question a pour objet de saisir la participation des pratiques individuelles à l’agrément du quotidien de chacun.

L’ensemble des pratiques a été décomposé en quatre activités, à savoir les activités culturelles, les activités sportives, les activités associatives et les pratiques religieuses. Comme le montre le graphique suivant et les quatre histogrammes qui le composent, le lien entre la qualité de vie quotidienne et ces différentes activités n’est pas perçu de manière identique. À ce premier élément distinctif se juxtapose une certaine disparité territoriale des représentations.

Globalement, nous observons un gradient décroissant quant au degré d’importance alloué à chacune des activités citées caractérisant un lien de moins en moins fort entre la pratique de l’activité et son incidence sur l’agrément du quotidien et la qualité de vie. La pratique des activités culturelles s’impose ainsi comme un élément important pour la qualité de vie quotidienne. 85% des interviewés des quartiers Montchat-Chambovet et Plateau de la Duchère considèrent en effet que la pratique des activités culturelles participe à la qualité de vie quotidienne. Cette position est plus retenue pour les habitants du quartier du Centre Croix-Rousse puisqu’ils ne sont que 59% à partager cette implication. Le constat est quasiment identique pour les activités sportives : 84% des habitants du Plateau de la Duchère, 74% des répondants du quartier Montchat-Chambovet et seulement 60% des interviewés du quartier Centre Croix-Rousse affirment que cette pratique concourt à la qualité de vie quotidienne. Les activités associatives semblent être moins contributives à la qualité de vie quotidienne : 70% des interviewés du Plateau de la Duchère, 66% des habitants du quartier Montchat-Chambovet et seulement 52% des répondants du quartier Centre Croix-Rousse établissent un rapport direct entre la pratique des activités associatives et la qualité de vie quotidienne. Les activités religieuses marquent quant à elles une rupture : globalement, les pratiques religieuses ne semblent pas être liées aux pratiques citadines et à l’agrément du quotidien. L’ensemble de ces pratiques ne bénéficie donc pas du même degré d’importance. La perception de leur contribution à la vie quotidienne dépend ainsi de l’activité elle-même. Les activités culturelles s’imposent ainsi prioritairement devant les activités sportives. La participation des activités associatives à la qualité de vie quotidienne est moins marquée alors que les pratiques religieuses semblent lui être peu contributives.

L’analyse transversale des réponses dénonce également une disparité territoriale des perceptions citadines. Globalement, les habitants du Plateau de la Duchère expriment, quelque soit l’activité évoquée, une incidence plus prégnante entre pratiques et qualité de vie. Ils s’accordent en effet très massivement (avec un maximum de 85% et un minimum de 55%) pour considérer que la pratique des différentes activités participe à la qualité de vie quotidienne. Les interviewés du quartier Monchat-Chambovet ont une position plus intermédiaire (avec un maximum de 85% et un minimum de 36%) alors que les répondants du quartier Centre Croix-Rousse (avec un maximum de 60% et un minimum de 8%) semblent plus partagés quant au lien entre la pratique de ces différentes activités et la qualité de vie quotidienne. Sans pouvoir être en mesure d’approfondir davantage cette question, il semble que cette divergence de perception ne soit pas le résultat d’un manque relatif de dynamisme ou d’une moins grande pratique d’activités d’un quartier à l’autre. Il semble s’agir au contraire d’une distinction perceptuelle de la qualité de vie quotidienne elle-même. Les uns semblent davantage l’associer à la pratique d’activités alors que les autres semblent l’assimiler plus volontiers aux qualités et aux caractéristiques du cadre de vie.