2.3. Equipements, mobilité et déplacements

Afin de mieux comprendre les représentations des habitants, nous avons tenu à connaître leur niveau d’équipement et à approfondir leur mode de déplacement. En fonction des motifs de mobilité, nous avons ainsi cherché à identifier les moyens de transport les plus fréquemment utilisés. Cette démarche a pour but de sortir de la relative abstraction de la première partie du questionnaire pour replacer le répondant dans son contexte de vie quotidienne. Il s’agit, grâce à une mise en situation, d’interroger l’individu sur ses pratiques et ses habitudes de déplacement.

Dans un premier temps, nous avons cherché à avoir une connaissance générale du niveau d’équipement des personnes interrogées. Afin de comprendre au mieux les modes de déplacements et les pratiques de mobilité des individus, il convient au préalable de connaître les moyens dont ils disposent. C’est pourquoi nous avons interrogé les habitants des trois quartiers d’étude pour savoir s’ils disposaient pour leur usage personnel d’un vélo, d’une moto, d’une ou plusieurs voitures.

Graphique III.6. Disposez-vous pour votre usage ?
Graphique III.6. Disposez-vous pour votre usage ?

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

Comme le montre le graphique ci-dessus, l’équipement le plus répandu reste le véhicule individuel : 64% des habitants interrogés de Montchat-Chambovet, 53% des répondants de Centre Croix-Rousse et 48% des interviewés du Plateau de la Duchère disposent en effet d’une voiture. Des disparités territoriales apparaissent quant au taux de motorisation. Le quartier Montchat-Chambovet se caractérise par un taux d’équipement largement supérieur au taux d’équipement moyen de la ville. Lyon compte en effet 51% de ménages équipés d’un seul véhicule soit 13 points de moins que le quartier Montchat-Chambovet. C’est surtout la multimotorisation qui différencie le quartier Montchat-Chambovet puisque 30% des habitants disposent d’au moins deux voitures alors que sur l’ensemble de la ville de Lyon, ce phénomène ne touche que 15% des ménages. Ce taux d’équipement record dépasse également le taux moyen du Grand Lyon qui fait pourtant état d’une augmentation significative du niveau d’équipement mais qui ne concerne que 24% des ménages.

Le quartier Centre Croix-Rousse s’inscrit dans un niveau de motorisation unique comparable à la moyenne communale. La moitié des ménages lyonnais dispose ainsi d’un véhicule individuel contre 53% des habitants du quartier Centre Croix-Rousse. Celui-ci se caractérise cependant par un taux de motorisation multiple très largement inférieur à la moyenne : ce phénomène concerne 5% des interrogés, contre 15% des ménages lyonnais. Ceci semble pouvoir s’expliquer par le caractère à la fois très urbain et dense du quartier. Sa morphologie, sa localisation centrale, les difficultés de déplacement et de stationnement corrélées à une très forte connexion au réseau de transports en commun lyonnais sont autant d’éléments pouvant considérablement freiner la nécessité pour les ménages de disposer d’une seconde automobile.

Le quartier du Plateau de la Duchère connaît une situation similaire : 48% des interrogés disposent d’un véhicule individuel et 5% ont au moins deux voitures. Les explications à ces niveaux de motorisation diffèrent pourtant considérablement. Les raisons semblent moins incomber à la structuration urbaine qu’à la faiblesse des niveaux de ressources de la population qui semble limiter sa capacité d’investissement.

Globalement, le vélo s’impose comme le deuxième équipement dont disposent les personnes interrogées. En effet, 42% des répondants du quartier Montchat-Chambovet, 35% des interviewés du quartier Centre Croix-Rousse et 16% des habitants du quartier du Plateau de la Duchère disposent d’un vélo pour leur usage personnel. La moto, quant à elle, s’impose comme un équipement marginal dont une très faible minorité de la population interrogée fait usage : 5% des habitants de Montchat-Chambovet, 3% des interviewés de Centre Croix-Rousse et 1% des répondants du Plateau de la Duchère.

Les disparités territoriales observées pour la répartition des niveaux d’équipement automobile subsistent pour l’ensemble des taux d’équipement. Le quartier Montchat-Chambovet se caractérise ainsi par un niveau d’équipement globalement supérieur aux deux autres quartiers d’étude et ce, quelque soit l’équipement (vélo, moto, une ou plusieurs voitures). Le quartier Centre Croix-Rousse occupe une position intermédiaire quant à son niveau d’équipement alors que le quartier du Plateau de la Duchère se distingue par des taux d’équipement particulièrement faibles. Ces disparités géographiques résultent en partie de la morphologie urbaine des quartiers étudiés et des profils sociodémographiques des échantillons. Le quartier Montchat-Chambovet correspond à un tissu urbain spécifique largement composé de maisons individuelles (38% des résidences principales sont des maisons individuelles contre 3% sur l’ensemble de la ville de Lyon) occupées par une part importante de propriétaires (48% de propriétaires contre 32% sur la commune de Lyon). Ce quartier est marqué par le vieillissement de sa population : 38% des résidants ont ainsi plus de 50 ans alors qu’ils ne sont, en moyenne, que 30% sur l’ensemble de la ville. Les profils sociodémographiques, globalement proches de la moyenne de Lyon, sont néanmoins marqués par une part plus importante d’artisans, de commerçants et de chefs d’entreprise (8% des emplois occupés contre une moyenne communale de 3%) et une surreprésentation des retraités (ils sont 26% contre 19% en moyenne à Lyon). Ces quelques indications révèlent ainsi une population non captive caractérisée par des profils socioprofessionnels permettant d’accéder à des niveaux d’équipement supérieurs.

Le quartier Centre Croix-Rousse correspond à un territoire de l’hypercentre lyonnais caractérisé par une forte densité commerciale et un dynamisme spécifique. Les grandes potentialités du quartier, sa localisation et sa proximité du réseau de transports en commun permettent d’envisager une satisfaction locale des besoins quotidiens ce qui peut partiellement expliquer des taux d’équipements plus relatifs. Les profils à la fois sociodémographiques et professionnels des habitants s’inscrivent dans la moyenne communale. Les niveaux d’équipement multimodaux semblent donc correspondre à un mode de vie spécifiquement urbain où l’automobile structure à la fois l’équipement et la mobilité. Néanmoins, en raison de la densité du trafic, des difficultés de stationnement, de l’importance du coût que celui-ci représente, l'acquisition d’un deuxième véhicule est considérablement limitée.

La faiblesse des taux d’équipement du quartier du Plateau de la Duchère semble s’expliquer en partie par la spécificité des profils socioprofessionnels des habitants et la précarité qui en résulte. La population résidante est en effet plus durement touchée par le chômage : le Plateau de la Duchère connaît un taux de chômage de 27% soit 14 points de plus que le taux de chômage de la ville de Lyon. Les personnes sans activité professionnelle sont également surreprésentées puisque 36% de la population de plus de 15 ans n’exercent pas d’activité professionnelle (soit 11 points de plus que pour la commune de Lyon). La répartition des catégories socioprofessionnelles est elle aussi spécifique dans la mesure où les ouvriers sont plus massivement représentés au détriment des catégories intermédiaires et supérieures. Ces déséquilibres peuvent partiellement expliquer la faiblesse des niveaux d’équipement qui caractérise le quartier.

Ayant pris connaissance des niveaux d’équipement de la population interrogée et de leurs spécificités territoriales, nous avons tenu à questionner les individus sur leur mode de déplacement en fonction de différents motifs de mobilité. Il a été question dans un premier temps de la localisation du lieu de travail des interviewés. Ce paramètre d’éloignement ou de proximité conditionne considérablement les modes de déplacements pendulaires. Nous avons cherché dans un second temps à identifier quels étaient les moyens de transport les plus souvent utilisés pour les déplacements entre le domicile et le travail ainsi que pour les déplacements de loisirs. Ces questions permettent de prendre connaissance des habitudes de vie en matière de déplacement.

Graphique III.7. Actuellement, vous travaillez ?
Graphique III.7. Actuellement, vous travaillez ?

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

Comme le montre le graphique III.7., la grande majorité des répondants ne travaillait pas lors de l’enquête par questionnaire (59% des répondants du Plateau de la Duchère, 57% des habitants de Montchat-Chambovet et 51% des interviewés de Centre Croix-Rousse). Pour ceux qui exercent une activité professionnelle, le lieu de travail est essentiellement localisé au sein même de la commune. 38% des interviewés du quartier Centre Croix-Rousse et 30% des habitants du quartier du Plateau de la Duchère travaillent ainsi dans la ville de Lyon. Les autres localisations géographiques restent dans les deux cas marginales. Les répondants du quartier Montchat-Chambovet font au contraire état d’une plus grande équipartition géographique. Ils sont en effet 16% à travailler sur Lyon, respectivement 10% à travailler à leur domicile et dans leur quartier d’habitation et 9% dans la région. La diversité de l’échantillon permet donc d’envisager la diversité des modes de déplacements.

Graphique III.8. Comment vous déplacez-vous le plus souvent pour vous rendre au travail ? (2 réponses possibles, réponses principales représentées pour la population concernée)
Graphique III.8. Comment vous déplacez-vous le plus souvent pour vous rendre au travail ? (2 réponses possibles, réponses principales représentées pour la population concernée)

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

Le graphique III.8. présente des données rapportées non plus à l’ensemble de la population interrogée mais à la population concernée par le phénomène étudié, à savoir la population ayant une activité professionnelle lors de l’enquête. Globalement, la voiture s’impose comme le mode de déplacement le plus répandu pour se rendre au travail. Derrière cette suprématie apparente, certaines disparités géographiques apparaissent. Le quartier Centre Croix-Rousse se caractérise par des mouvements pendulaires structurés principalement par l’usage de la voiture (65% des habitants) puis secondairement par le déplacement en transport en commun (39% des habitants). A l’inverse, les déplacements domicile/travail des habitants du quartier du Plateau de la Duchère s’organisent essentiellement autour des transports en commun (64% des habitants) et plus marginalement de la voiture individuelle (46% des habitants). Le quartier Montchat-Chambovet est en situation plus intermédiaire. Certes l’automobile est largement utilisée (63% des habitants) mais ce quartier bénéficie d’une plus grande diversité modale puisque 21% des répondants se déplacent à pied pour se rendre sur leur lieu de travail et 19% d’entre eux utilisent le réseau des transports en commun. Malgré la faiblesse de la complémentarité modale due à la rareté des déplacements piétonniers, il convient de noter le relatif équilibre entre les déplacements motorisés et l’usage des transports en commun.

Graphique III.9. Quel moyen de transport utilisez-vous le plus souvent pour vos déplacements de loisirs, autres que domicile/travail ? (2 réponses possibles)
Graphique III.9. Quel moyen de transport utilisez-vous le plus souvent pour vos déplacements de loisirs, autres que domicile/travail ? (2 réponses possibles)

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

Lorsque l’on interroge la population sur les déplacements de loisirs, liés aux activités des pratiques culturelles, sportives, aux courses, au shopping,…, la répartition modale s’inverse. La grande majorité des répondants utilisent ainsi les transports en commun. C’est le cas de 66% des habitants du Plateau de la Duchère, de 65% des interviewés de Centre Croix-Rousse et de 56% des habitants de Montchat-Chambovet. L’usage de la voiture ne se place qu’en seconde position (51% pour Montchat-Chambovet, 42% pour le Plateau de la Duchère et 43% pour Centre Croix-Rousse). Les habitants du quartier Centre Croix-Rousse affichent une complémentarité modale particulièrement marquée puisque 47% des répondants affirment se déplacer le plus souvent à pied pour leurs déplacements de loisirs, alors que cette pratique piétonnière ne touche que 14% des habitants du Plateau de la Duchère et 11% des habitants de Montchat-Chambovet. Cet usage multimodal vient confirmer des pratiques très urbaines où la ville se pratique aussi à pied.

Pour approfondir notre connaissance des pratiques du territoire, il est apparu ensuite nécessaire de compléter cette approche des déplacements par un questionnement concernant les modes d’accompagnement scolaire. Ce type de déplacement renseigne en effet sur les habitudes et les usages des familles. Nous avons ainsi interrogé les individus ayant des enfants sur leurs lieux de scolarisation afin de savoir si celui-ci était ou non localisé dans le quartier d’habitation puis nous avons questionné la population concernée sur les modes d’accompagnent les plus fréquemment utilisés.

Graphique III.10. Si vous accompagné votre ou vos enfant(s) à l’école, le faites vous le plus souvent ?
Graphique III.10. Si vous accompagné votre ou vos enfant(s) à l’école, le faites vous le plus souvent ?

© BARBARINO-SAULNIER Natalia, 2004.

Les accompagnements à l’école sont des activités très locales puisque le mode le plus fréquemment utilisé reste le déplacement piétonnier. 79% des personnes concernées du Plateau de la Duchère, 50% de celles de Centre Croix-Rousse et 14% de celles de Montchat-Chambovet accompagnent habituellement leurs enfants à l’école à pied. La voiture est, dans ce cas, d’usage plus limité puisqu’il ne concerne que 19% des habitants concernés du Centre Croix-Rousse, 12% de Montchat-Chambovet et 11% du Plateau de la Duchère.

Ces quelques éclairages permettent ainsi de mieux comprendre les comportements et les pratiques des individus en lien avec les attentes, les besoins et les aspirations de chacun. Cet approfondissement des perceptions citadines précise ainsi la notion de qualité de vie et permet d’appréhender plus spécifiquement le citadin dans son environnement quotidien. Les informations issues à la fois de l’analyse discursive menée auprès des acteurs professionnels et les résultats de l’enquête réalisée auprès des habitants mettent en forme des points de vue différents. Cette démarche permet donc de s’appuyer sur la diversité des angles d’approche pour appréhender cette notion de qualité de vie quotidienne. Il convient à présent d’entreprendre la phase d’analyse transversale qui seule peut donner les clefs de lecture et de compréhension efficientes et pragmatiques de cette notion de qualité de vie quotidienne.